mardi 11 septembre 2012

Human Rights Watch accuse : le M23 commet des crimes de guerre

Guerre au Nord-Kivu Human Rights Watch accuse : le M23 commet des crimes de guerre « Les rebelles du M23 sont en train de commettre une horrible série de nouvelles atrocités dans l’est de la RDC. Les commandants du M23 devraient être contraints de rendre des comptes pour ces crimes, et les autorités rwandaises qui soutiennent les commandants responsables d’exactions pourraient être traduits en justice pour complicité de ces crimes.» Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior à la division Afrique de Human Rights Watch (HRW), faisait ainsi cette révélation accablante sur les rebelles du M23. Les autorités rwandaises devraient ainsi cesser immédiatement leur soutien à ce groupe armé, sous peine de sanctions et subir les mêmes sanctions que ceux à qui elles apportent leur soutien. Les rebelles du M23 qui combattent contre l’armée congolaise au Nord-Kivu sont accusés d’être responsables de crimes de guerre commis à grande échelle, y compris des exécutions sommaires, des viols et des recrutements de force, selon l’ONG Human Rights Watch. Ils sont accusés d’avoir exécuté sommairement plusieurs personnes, dont trente-trois qui étaient des jeunes hommes et des garçons qui avaient tenté de quitter les rangs des rebelles. Selon HRW, certaines autorités rwandaises pourraient être considérées comme complices de crimes de guerre en raison de l’appui militaire continu qu’elles apportent aux forces du M23. Aussi leur demande-t-elle de cesser immédiatement leur soutien à ce groupe armé, sous peine de sanctions et d’être accusées également d’avoir commis des crimes de guerre. L’armée rwandaise a déployé ses troupes dans l’est de la RDC pour appuyer directement les rebelles du M23 dans des opérations militaires. Human Rights Watch a basé ses affirmations sur des entretiens, menés de mai à septembre, avec 190 personnes : des victimes congolaises et rwandaises, des membres des familles de victimes, des témoins, des autorités locales, ainsi que des combattants et anciens combattants du M23. Le M23 est un groupe armé composé de militaires qui sont issus d’une mutinerie dans les rangs de l’armée nationale congolaise en avril et mai 2012. Les chefs les plus gradés de ce groupe ont la réputation bien établie d’avoir commis de graves violations des droits humains à l’égard de civils. En juin, la Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a désigné cinq des dirigeants du M23 comme étant « parmi les pires auteurs de violations des droits humains en RDC, voire même dans le monde ». Parmi eux se trouvent le général Bosco Ntaganda, qui fait l’objet de deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le district d’Ituri, et le colonel Sultani Makenga, qui est impliqué dans le recrutement d’enfants et dans plusieurs massacres dans l’est de la RDC. Au moins 137 hommes et garçons recrutés de force Selon des recherches approfondies qu’elle a menées, l’ONG américaine est parvenue à découvrir que les rebelles du M23 procédaient au recrutement de force d’au moins 137 jeunes hommes et garçons dans le territoire de Rutshuru, territoire du Nord-Kivu, depuis juillet. La plupart ont été enlevés à leur domicile, au marché ou alors qu’ils se rendaient à leurs champs. Au moins sept d’entre eux avaient moins de 15 ans. Pour certains témoins interrogés par Human Rights Watch, au moins 33 nouvelles recrues et d’autres combattants du M23 avaient été sommairement exécutés alors qu’ils essayaient de s’enfuir. Certains ont été ligotés et abattus devant les autres recrues à titre d’avertissement. L’une des jeunes recrues a déclaré à Human Rights Watch: « Quand nous étions avec le M23, ils nous ont dit [que nous avions le choix] entre rester avec eux ou mourir. Beaucoup ont tenté de s’enfuir. Certains ont été retrouvés et pour eux, cela a été la mort immédiate. » L’accusation de HRW fait également état d’au moins 15 civils tués de sang-froid, depuis juin, par les combattants du M23 dans des zones sous leur contrôle, parfois parce qu’ils les soupçonnaient de leur être hostiles. Les combattants ont également violé au moins 46 femmes et filles. La plus jeune victime de ces viols avait 8 ans. Des combattants du M23 ont tué par balles une jeune femme de 25 ans enceinte de trois mois, parce qu’elle résistait à une tentative de viol. Deux autres femmes sont mortes des blessures reçues lorsqu'elles ont été violées par des combattants du M23. Ceux-ci ont également fait subir aux civils des sévices d’une terrible brutalité. Juste après minuit le 7 juillet, des combattants du M23 ont attaqué une famille dans le village de Chengerero. Une femme de 32 ans a raconté à Human Rights Watch que les rebelles avaient défoncé la porte de son habitation, battu à mort son fils de 15 ans et enlevé son mari. Avant de partir, les rebelles l’ont violée collectivement, ont répandu du carburant entre ses jambes et mis le feu au carburant. Un voisin est venu au secours de cette femme après le départ des combattants du M23. On ignore ce qu’il est advenu de son mari. Des autorités locales, des chefs coutumiers, des journalistes, des défenseurs des droits humains et d’autres personnes qui se sont élevés contre les violations commises par le M23 – ou qui sont connus pour avoir dénoncé les abus perpétrés auparavant par les commandants rebelles – ont été pris pour cible. Beaucoup ont reçu des menaces de mort et se sont enfuis vers les zones contrôlées par le gouvernement congolais. Cependant, les chefs du M23 nient que leurs troupes ou eux-mêmes aient commis de tels crimes. Le colonel Makenga a démenti, dans un entretien avec HRW, les allégations de recrutements de force et d’exécutions sommaires, affirmant que ceux qui rejoignaient leurs rangs le faisaient volontairement. « Nous recrutons nos frères, pas par la force mais parce qu’ils veulent aider leurs grands frères …. C’est leur décision », a-t-il dit. « Ce sont nos petits frères, donc nous ne pouvons pas les tuer. » Il a qualifié les nombreuses informations concernant le recrutement forcé par ses troupes de propagande du gouvernement congolais. HRW accuse des autorités militaires rwandaises de continuer de recruter de force ou sous des prétextes fallacieux de jeunes hommes et garçons, dont certains étaient âgés de moins de 15 ans, au Rwanda afin de grossir les rangs du M23. Le recrutement d’enfants de moins de 15 ans est un crime de guerre et est contraire à la loi rwandaise. Entre 200 et 300 Rwandais recrutés Le 4 juin, Human Rights Watch a indiqué qu’entre 200 et 300 Rwandais avaient été recrutés au Rwanda en avril et mai et emmenés de l’autre côté de la frontière pour combattre avec les forces du M23. Depuis lors, Human Rights Watch a recueilli de nouveaux éléments de preuve de recrutements forcés au Rwanda en juin, juillet, et août, concernant plusieurs centaines de personnes. Se fondant sur des entretiens avec des témoins et des victimes, Human Rights Watch estime qu’au moins 600 jeunes hommes et garçons – et peut-être beaucoup plus – ont été recrutés au Rwanda, de force ou par d’autres méthodes tout aussi illégales, pour aller rejoindre le M23. Ces recrues sont plus nombreuses que celles qui ont été enrôlées de force par le M23 en RDC. Des informations accréditées par des Congolais et des Rwandais vivant à proximité de la frontière, y compris des autorités locales. Ceux-ci ont affirmé qu’ils avaient observé de fréquents mouvements de troupes rwandaises vers et en provenance de RDC en juin, juillet, et août, apparemment pour prêter main forte aux rebelles du M23. Ils ont précisé que les militaires de l’armée rwandaise utilisaient régulièrement un sentier proche de la colline de Njerima au Rwanda, non loin du volcan Karisimbi, pour franchir la frontière. En plus du déploiement de renforts et de recrues pour appuyer des opérations militaires, Human Rights Watch a déclaré que des autorités militaires rwandaises ont fourni une importante assistance aux rebelles du M23 sous forme d’armes, de munitions et de formation. Ces actions font du Rwanda un État partie au conflit. Anneke Van Woudenberg a soutenu que « les démentis répétés du gouvernement rwandais selon lesquels ses responsables militaires ne soutiennent pas les rebelles criminels du M23 manquent sérieusement de crédibilité. Le Conseil de sécurité des Nations unies devrait sanctionner les chefs du M23, ainsi que les dirigeants rwandais qui les aident, pour graves violations des droits humains. » Le conflit armé dans l'est de la RDC tombe dans le champ d'application du droit international humanitaire ou des lois de la guerre, y compris l'article 3 et le protocole II des Conventions de Genève de 1949, qui interdisent les exécutions sommaires, les viols, les recrutements forcés, et d'autres exactions. Les graves violations des lois de la guerre commises délibérément ou par imprudence constituent des crimes de guerre. Les commandants peuvent être tenus responsables pénalement pour des crimes de guerre commis par leurs forces s'ils savaient ou auraient dû savoir que de tels crimes étaient commis et ont failli à leur obligation de les empêcher ou de punir leurs auteurs. Un groupe d'experts de l'Onu chargé de superviser l'application de l'embargo sur les armes et de surveiller les violations des sanctions en RDC a présenté de manière indépendante des éléments de preuve convaincants d'un soutien rwandais aux rebelles du M23. Ses constatations ont été publiées dans une annexe de 48 pages au rapport intérimaire du Groupe d'experts en juin 2012. Le gouvernement rwandais a nié ces allégations. Le Comité des sanctions de l'Onu devrait immédiatement chercher à obtenir des informations supplémentaires sur les chefs du M23 et sur les officiers de l'armée rwandaise nommés par le Groupe d'experts, dans l'optique de l'adoption de sanctions ciblées à leur encontre, a estimé Human Rights Watch. En raison de toutes ces accusations contre Kigali et à la lumière des preuves présentées par les experts onusiens, les gouvernements de cinq pays bailleurs de fonds – les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, et la Suède – ont annoncé, en juillet et en août, la suspension ou le report du versement de leur assistance financière au Rwanda. Bien que le soutien militaire rwandais au M23 et les exactions du M23 se soient poursuivis avec la même intensité, le ministère britannique du Développement international a annoncé le 4 septembre qu'il allait débloquer la moitié de l'assistance financière qu'il avait gelée. Ce qui a provoqué des réactions du côté congolais qui n’a pas apprécié cette volte-face britannique. La reprise des hostilités entre le M23, l'armée congolaise et divers autres groupes armés a entraîné le déplacement de plus de 220.000 civils qui ont fui leurs maisons pour chercher refuge dans d'autres zones en RDC ou au-delà des frontières de l'Ouganda et du Rwanda. « Les civils congolais ont été les plus affectés par les exactions commises en temps de guerre », a conclu Anneke Van Woudenberg. « L'Onu et ses États membres devraient accroître de toute urgence leurs efforts pour protéger les civils, et les gouvernements bailleurs de fonds qui fournissent au Rwanda une assistance financière ou militaire devraient immédiatement réexaminer leurs programmes pour s'assurer qu'ils ne servent pas à commettre de graves violations des droits humains. » Il ne faut pas être expert en droit international pour comprendre que ce n’est pas demain que la Cour pénale internationale (CPI) cessera d’accueillir des Congolais pour être jugés pour des crimes de guerre et qu’aux Congolais va s’ajouter une longue liste de Rwandais. Kléber Kungu

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