dimanche 9 septembre 2012
Force neutre : (peut-être) encore trois mois d’attente
Kampala II
Force neutre : (peut-être) encore trois mois d’attente
Verra le jour ou ne verra pas le jour ? Bien des Congolais se posent – avec raison – cette question au regard de ce qui vient de se passer à Kampala, capitale de l’Ouganda où s’est tenu, durant deux jours (les 7 et 8 septembre) le sommet des chefs d’Etat de la Conférence internationale sur la région des Grands lacs. Les Congolais, ceux de l’Est en particulier, doivent encore attendre trois longs mois pour voir – peut-être – le déploiement de la Force neutre internationale à la frontière entre la RDC et le Rwanda et dont la mission est de lutter contre les groupes armés actifs dans cette partie de l’Afrique comme les rébellions du Mouvement du 23 mars (M23) et des FDLR.
Le communiqué final rendu public à l’issue de Kampala II indique que les présidents de la sous-région ont demandé à leurs ministres de la Défense de se réunir « très vite pour travailler à l’opérationnalisation de la force internationale neutre, en vue de la déployer dans un délai de trois mois ».
Les chefs d’Etat des Grands lacs ont approuvé la proposition de leurs ministres de la Défense qui avaient suggéré au cours de leur rencontre à Goma en août dernier de placer la force neutre sous le mandat de l’Onu et de l’Union africaine.
Le comité des ministres de la Défense élargi aux 11 pays de la CIRGL doit convoquer une réunion dans un bref délai. Les moyens financiers, techniques et logistiques seront déployés sous un mandant de l’Union africaine et des Nations unies.
Les quatre pays de la CIRGL qui, eux siègent au Conseil de sécurité de l’Union africaine, (Angola, Congo Brazzaville, Kenya et Tanzanie) ont reçu mission de saisir cette instance sous la coordination de l’Ouganda.
Une requête sera introduite par le président en exercice de la Conférence internationale des pays de Grands Lacs, l’Ougandais Yoweri Museveni, auprès des Etats africains et partenaires régionaux et internationaux en vue d’obtenir un appui financier et logistique.
A la question humanitaire, après la promesse d’un million de dollars pour la contribution de l’Ouganda, La République démocratique du Congo vient de souscrire avec le même montant, pendant que la Tanzanie, le Kenya viennent de décider de contribuer avec un demi million des dollars chacun. Ces fonds seront gérés par une agence humanitaire compétente, précise la déclaration de chef d’état membre de la CIRGL sur la situation sécuritaire de l’Est de la RDC au cours du troisième sommet qui a tiré ses rideaux ce samedi 8 septembre tard dans la nuit.
Naissance incertaine
Une force dont la naissance reste encore très incertaine, d’autant plus que les questions cruciales, notamment celles relatives au financement et à la constitution de cette force internationale restent encore sans réponse. A ce jour, seule la Tanzanie vient de s’engager à contribuer avec ses troupes aux effectifs de cette force qui sera déployée au Nord-Kivu et Sud Kivu, deux provinces les plus chroniquement instables en raison de nombreux groupes armés qui y pullulent.
Au sujet du financement de cette force, Abou Moussa, représentant spécial du secrétaire général de l’Onu pour l’Afrique centrale, reste très évasif lorsqu’il affirme que les gouvernements de la sous-région vont certainement contribuer, ajoutant que ces dirigeants « vont aussi faire le tour d’un certain nombre de pays africains qui seraient prêts à les aider », concluant qu’« Il est évident qu’ils vont également se tourner vers l’Union africaine et l’Onu pour un appui financier.»
Il n’y a aucun doute que, si la plupart des pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs – en tout 11 pays – avaient approuvé à l’unanimité, au cours de Kampala I, l’idée de déployer cette Force à la frontière entre la RDC et le Rwanda, lorsque viendra le moment de passer à l’acte, c’est-à-dire de mettre la main à la poche pour financer cette Force et de contribuer à la constitution de cette Force d’au moins de 4 000 hommes, beaucoup de temps va s’écouler sans qu’un seul dollar ne tombe dans la caisse et que les effectifs requis pour permettre le déploiement de la Force.
Par ailleurs, le président ougandais, Yoweri Museveni, a été chargé de discuter avec les rebelles du M23 qui sont aux prises avec les militaires congolais depuis le mois de mai dernier dans la province du Nord-Kivu. Entre temps, un nouveau sommet des chefs d’Etat des Grands lacs a été programmé dans un mois.
Lors de Kampala I, les 7 et 8 août derniers, les discussions sur les modalités pratiques du déploiement de cette force avaient achoppé sur sa nature et sa composition. Les discussions étaient difficiles entre la RDC et le Rwanda. Kigali voulait une force régionale, alors que Kinshasa plaidait pour une force internationale qui agirait sous un mandat modifié de la Mission de l’Onu pour la stabilisation en RDC (Monusco) qui est présente dans le pays depuis plus d’une décennie.
A tout prendre, Kampala II, comme Kampala I, a une nouvelle fois échoué samedi 8 septembre à définir les contours de cette force tant attendue pour être déployée dans l’est de la RDC en proie à une nouvelle poussée de violences depuis avril.
Comment parler d’un succès lorsque seuls trois présidents ont répondu samedi 8 septembre présents à l’invitation de leur homologue ougandais Yoweri Museveni : le Congolais Joseph Kabila, le Tanzanien Jakaya Kikwete et le Sud-Soudanais Salva Kiir, dont le pays n’est encore qu’un futur membre de la CIRGL Le grand absent ayant été le Rwandais Paul Kagame, dont le pays est accusé par la RDC et l’Onu de soutenir militairement les mutinerie du M23 qui affronte l’armée régulière congolaise depuis le printemps dans l’est de la RDC, région chroniquement instable.
Comment être optimiste quant à l’avenir de cette Force pour lequel communiqué de la CIRGL publié à l’issue de la réunion en apportait encore peu d’éléments, sinon qu’elle serait déployée “sous un mandat de l’UA et des Nations unies”.
Suspicions
Le sommet de Kampala II s’achève alors que plusieurs militaires des forces spéciales rwandaises qui se sont retirés du territoire de Rutshuru au Nord-Kivu sont accusés par la Société civile de cette province de se rallier au M23.
Selon le vice-président de la société civile du Nord-Kivu, Omar Kavota, ces militaires rwandais se seraient relocalisés vers d’autres villages et se seraient ralliés aux rebelles du Mouvement du 23 mars (M23).
« Plusieurs témoignages renseignent que ces troupes auraient quitté Rutshuru pour se relocaliser vers d’autres localités comme Bunagana, et d’autres seraient partis à Ishasha », a-t-il déclaré Omar Kavota.
Les militaires congolais et de l’armée rwandaise ont quitté vendredi 31 août les villages de Katwiguru, Kiseguro et Kaunga dans le territoire de Rutshuru. Certaines positions abandonnées par les militaires rwandais ont été occupées par le M23 à Kiseguro.
Omar Kavota exprime aussi beaucoup d’inquiétude sur de nouvelles alliances du M23 avec certains combattants locaux de Rutshuru, dont un groupe armé dénommé Maï-Maï M23 basé sur l’axe Kiwanja-Ishasha. « Nous sommes également alertés du renforcement des effectifs des éléments rwandais en appui au M23 dans plusieurs localités », a-t-il prévenu.
Aussi le vice-président de la société civile invite-t-il l’Union européenne et les Etats-Unis à prendre des sanctions contre le Rwanda « de manière à l’amener à abandonner son soutien au M23 ».
Le retrait des troupes rwandaises déployées à Rutshuru intervient au moment où Kinshasa accuse Kigali de soutenir le M23. Ces troupes étaient déployées depuis février 2011 pour la traque des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle rwandais opérant sur le sol congolais.
Beaucoup d’analystes avisés restent sceptiques quant la concrétisation de cette belle idée de déployer une Force dans la partie orientale de la RDC. Car, se disent-ils, si vous-mêmes vous n’êtes pas à mesure de défendre votre territoire, quel garantie avez vous que les autres viendront combattre pour vous? Ils croient qu’il ne faut pas être si naïfs pour croire qu’un pays peut accepter facilement d’envoyer ses propres enfants mourir pour les autres.
Mettre en place une armée républicaine, disciplinée, dissuasive, parce que bien équipée, bien rémunérée reste la seule voie de sortie à cette problématique. Qui semble coller à la peau congolaise puisque datant de plusieurs années. Le recrutement en cours peut-il apporter la solution ? Il ne faudra pas cependant que la hiérarchie militaire tombe dans le piège de la quantité au détriment de la qualité. Kinshasa est plein de désœuvrés, dont les enfants de la rue et les kuluna. Il ne faudra pas que, faute de mieux, qu’elle recoure à cette catégorie de jeunes pour vite remplir les rangs des FARDC.
Lors de son tout récent séjour dans la Région, à Kinshasa et à Kigali, le vice-Premier ministre belge et ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, parlant de la situation en RDC et au Rwanda, a lâché quelques petites phrases, parfois peu diplomatiques, qui doivent nous interpeller. En voici quelques-unes : A propos des mutins : « il faut mater les mutins ». « Il faut les reconvertir, ailleurs que dans l’armée » , et à propos de l’armée congolaise : « A force d’intégrer les indisciplinés, c’est l’indiscipline elle-même que l’on intègre »
Attendant la tenue de Kampala III le 8 octobre 2012, mais la naissance et le déploiement de la Force, les Congolais, particulièrement ceux de l’Est, doivent encore prendre leur mal en patience.
Kléber Kungu
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