dimanche 3 février 2013

Opalegna Jean-Louis : « Mon cri de cœur est que la crise en RDC cesse »

Député centrafricain Opalegna Jean-Louis : « Mon cri de cœur est que la crise en RDC cesse »
En marge du Forum des parlements de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (FP-CIRGL) tenu à Kinshasa du 22 au 24 janvier, Opalegna Jean-Louis, député avocat de la République centrafricaine, qui y a pris une part active, s’est exprimé notamment sur la situation sécuritaire en République centrafricaine (RCA), en République démocratique du Congo (RDC) dans un entretien avec L’Observateur. Ce député avocat, président de la Commission intérieure, loi et affaires administratives en Centrafrique lance un cri de cœur : que toutes les atrocités commises dans l’Est de la RDC cessent. Le pouvoir centrafricain a été menacé après l’occupation d’une bonne partie du territoire du pays par la rébellion de la Séléka. Vous avez le sentiment, monsieur le député, que l’accord de Libreville que François Bozizé a signé avec les rebelles est porteur d’espoir pour le peuple centrafricain et le régime de Bangui ? Oui, par rapport au prix de la paix. Le président de la République centrafricaine a fait tellement des concessions allant jusqu’à accepter que certaines institutions de la République centrafricaine soient confrontées à la violation de la Constitution avec l’Assemblée nationale qui devait être dissoute afin de l’organisation d’une élection anticipée. Si le chef de l’Etat a accepté cela, ce n’est pas parce qu’il s’est senti faible. Déjà la Constitution, par son article 34, le protégeait. Il avait un mandat de 5 ans qui doit prendre fin en 2016. S’il a accepté, c’est parce qu’il veut la paix en République centrafricaine, parce qu’il veut dialoguer avec l’opposition militaro-politique, avec la coalition Seleka afin que nous puissions trouver les solutions de paix à la crise qui secoue le pays. Vous vous voulez dire que cet accord est porteur d’espoir pour le peuple centrafricain et François Bozizé ? J’ai lu en diagonale cet accord. Je n’ai pas été présent à Libreville, je ne peux donc pas savoir la philosophie de cet accord. Seulement, le but recherché, c’était la paix. Mais de ce que j’ai compris, dans la lecture de cet accord, attendons de voir. Est-ce que cet accord ne cache pas la recrudescence des prédations, des violences, car je venais d’apprendre que d’autres villes continuent de faire l’objet de pillages de la part de certains éléments égarés de la coalition de Seleka. Donc, si cela perdure, ça risque de compromettre les chances de la sécurisation, même des dispositions de cet accord. C’est regrettable. La République centrafricaine et la République démocratique du Congo, avec des armées inefficaces et mal équipées, ont fait face à des rébellions bien équipées et performantes. A quand l’avènement des armées aussi équipées qu’efficaces et fortes pour des pays plus que cinquantenaires. Quelles sont les principales causes de cet état des choses ? D’abord par rapport à la faiblesse de l’armée nationale, notamment en République centrafricaine et au Congo démocratique. Il faut remonter dans les temps pour voir quand et pourquoi les crises sont multiples et quelles ont été les conséquences de ces crises sur l’armée. Parce que toutes les fois qu’il y a crise, c’est l’armée qui se bat, c’est l’armée qui souffre, c’est l’armée qui est disloquée et à la fin on privilégie ceux qui ont agressé aux éléments réguliers de l’armée de sorte qu’il y a démotivation de la part de ceux qui sont restés loyalistes au gouvernement. La deuxième raison est relative aux forces qui devaient assurer la formation des armées nationales. Si je prends l’exemple de mon pays, nous avons signé en 1960 des accords qui disent que certaines dispositions renvoient à une exclusivité de ravitaillement de nos armées en équipements militaires par des puissances. Le fait de transgresser ces dispositions était générateur des conflits, de sorte qu’il y avait une sorte de sélection sur les équipements que nous devrions acquérir auprès de ces puissances-là. C’est le coût de ces crises. Je suis en train de me demander si la République centrafricaine comme le Congo démocratique n’avaient pas de richesses – pétrole, cobalt, ciment, manganèse, cuivre et autres, que Dieu leur avait données, si ces crises devraient avoir lieu. Parmi les solutions préconisées pour sortir de la crise en RDC, c’est l’organisation des pourparlers entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23, ainsi que le déploiement de la Force internationale neutre (FIN) à la frontière entre la RDC et le Rwanda. En tant que parlementaire, croyez-vous que les négociations de Kampala accoucheront d’un accord valable et la FIN arrivera à bout des groupes armés congolais ? C’est mon souhait que les négociations de Kampala débouchent sur une solution heureuse. La question sous tendue est celle de savoir qui assurera la logistique, le financement, qui doit fournir l’équipement nécessaire à la Force neutre pour qu’elle assure la sécurité dans l’Est de la RDC. Si c’est le Congo démocratique lui-même qui doit assurer cette logistique, avec quel armement et quel équipement il va le faire. Si c’est les puissances étrangères qui doivent le faire, il va falloir se demander laquelle. Existe encore une force neutre promise par les pays africains qui se sont décidés à le faire, il va falloir se poser la question de savoir si ces pays disposent des armements et des équipements nécessaires au point d’utiliser une partie pour le besoin de la sortie de la crise au Congo. La grande question est que la volonté politique y est déjà. Suivant la Déclaration de Kinshasa, on sent que les pays sont engagés à résoudre la crise au Congo. Il faut encore que ceux qui se disent rebelles dans l’Est du Congo sachent que c’est un pays, un territoire qu’ils sont en train de détruire, des voisins qu’ils sont en train de tuer, c’est des habitants, la population civile qui sont en train de payer et c’est des humains comme eux qui sont en train de mourir, des femmes qui sont en train d’être violées, des enfants qui sont en train d’être enrôlés malgré leur jeune âge, sans leur volonté alors que c’est condamnable par la loi, par des dispositions internationales. Ce n’est pas bien. Mon cri de cœur est que cela cesse. Quelles sont, selon vous, les principales causes de l’insécurité chronique dans une région dont les pays membres ont mis en place certains instruments juridiques et légaux importants ? J’ai déjà évoqué une partie de ces causes, notamment les conséquences des crises antérieures sur le moral de l’armée nationale. L’autre cause, s’il n’y avait pas de richesses dans l’Est du Congo, y aurait-il cette guerre ? Il y a, comme dans mon pays, une forme de volonté d’empêcher le Congo de penser à l’exploitation de ses richesses naturelles. Donc, il faut organiser des crises dans cette partie du territoire afin que les Congolais soient condamnés à chercher toujours des solutions et n’aient pas le temps de réfléchir sur le développement de leur pays, notamment à partir des produits de l’exploitation de ses richesses naturelles qui se trouvent dans cette partie du territoire, ceux qui organisent, qui entretiennent, qui recrutent des mercenaires et les utilisent sur le terrain ont certainement des raisons qu’ils ne vont jamais avouer. Des raisons que je viens d’évoquer peuvent être des raisons profondes, mais c’est difficile pour ceux-là d’affirmer que c’est eux qui sont derrière, que c’est pour ces raisons qu’ils sont en train d’entretenir les crises, de financer ce qui s’y passe et les grandes conséquences, c’est que les gens qui profitent de ces crises pour continuer à exploiter illicitement une partie de ces matières, de ces ressources naturelles. Vous venez de participer à la 3ème session ordinaire de l’Assemblée plénière du Forum des parlements de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (FP-CIRGL) qui a accouché de la Déclaration de Kinshasa. Avez-vous le sentiment que ce document avec toutes les résolutions prises a été à la hauteur des attentes des pays de la CIRGL ? J’avoue qu’il aurait fallu que la délégation de la République centrafricaine soit là, parce que nous avons tiré beaucoup d’avantages de cette Déclaration. La Déclaration de Kinshasa a prévu une série de rencontres notamment pour discuter de la question des faiblesses de forcées armées comme vous l’avez bien relevé dans vos questions. Ensuite, les causes profondes de tentative de prise de pouvoir par les armes, ce qui vient de se passer en République centrafricaine. Donc, nous aurons beaucoup à nous dire et donner l’occasion de rechercher les vraies causes profondes, dont je viens d’évoquer certaines, qui sont vraies ou fausses. Mais il va falloir creuser davantage pour savoir ce qui est derrière, ce qui sous entend la recrudescence de ces crises et leur caractère récurrent. Il y a aussi la décision de pérenniser les sommets de la CIRGL, notamment celle relative à la volonté du Burundi d’abriter la 4ème session ordinaire. Par ailleurs, il y a eu de grandes résolutions qui ont été adoptées. Si on voit celle qui est relative aux mesures d’accompagnement des décisions des chefs d’Etat, celle relative aux violences faites aux femmes et basées sur le genre, la résolution sur la situation sécuritaire en RDC, en République centrafricaine, ce sont des résolutions très importantes qu’il faut mettre en œuvre. Je crois que le sommet du Burundi et la conférence des chefs d’Etat de la CIRGL auront à débattre des questions très importantes et peuvent-être la sous-région trouvera des voies et moyens pour sortir définitivement de ces crises récurrentes. Propos recueillis par Kléber Kungu

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