Protection des civils dans les conflits armés
Oxfam accuse l’Onu d’inégalité et de partialité
* En 2009, 15 000 viols avaient été recensés en RDC, une tendance qui s’est poursuivie avec 7685 nouveaux cas identifiés à la mi-2010.
L’ONG internationale Oxfam vient de publier un rapport sur la situation de protection des civils dans les conflits armés en 2010. Ledit rapport, dont L’Observateur a obtenu copie, accuse le Conseil de sécurité de l’Onu de n’avoir pas protégé assez les civils dans les conflits armés au cours de cette année. En 2010, la réponse de la communauté internationale en matière de protection des civils a été inégale et souvent partiale, estime l’ONG internationale Oxfam dans un rapport publié le lundi 9 mai. 2010 a été particulièrement marqué par des enlèvements, assassinats, déplacements forcés, viols et autres exactions. Voilà le prix payé par les populations civiles prises dans les conflits armés.
Au cours de l’année passée, les conflits à travers le monde ont provoqué la mort de milliers de civils et le déplacement forcé de plusieurs millions d’autres, précise le rapport. Dans le rapport intitulé ‘Protection des civils en 2010’, Oxfam étudie 18 conflits armés ayant affecté des populations civiles dans le monde en 2010. Le document met notamment en regard les données existantes relatives au nombre de civils tués, violés ou déplacés et la réponse apportée par le Conseil de sécurité. Le rapport se penche également sur le problème des enfants soldats et du nombre de travailleurs humanitaires tués au cours de l’année.
Le rapport est rendu public au moment où le Conseil de sécurité de l’Onu se prépare à débattre sur une question où ses succès et ses échecs en matière de ‘protection des civils’ seront examinés.
Dans ce rapport, les auteurs ont relevé plusieurs faits saillants ayant marqué particulièrement l’année passée en matière de protection des civils dans les conflits armés. La République démocratique du Congo (RDC) est cité parmi les pays dont les forces gouvernementales et les groupes armés non étatiques ont recruté les enfants soldats. En 2010, nombre d’enfants ont été enrôlés par différents groupes armés dans 10 des 18 pays étudiés dans ce rapport. En Afghanistan, en République centrafricaine, au Tchad, au Soudan, en République démocratique du Congo, en Birmanie ou en Somalie, tant les forces armées gouvernementales que les groupes armés non-étatiques seraient à l’origine de telles pratiques.
Au cours de l’année passée, certains pays ont connu un grand nombre de civils tués en zone de conflit : l’Irak (4000 personnes au moins), le Pakistan (plus de 3500 personnes), l’Afghanistan (plus de 2700 personnes) et la Somalie (plus de 2000 personnes). Par ailleurs, le Soudan a battu le record du plus grand nombre de personnes toujours déplacées à l'intérieur du pays - environ 5 millions - et le nombre le plus important d’individus nouvellement déplacés par un conflit, soit plus de 532 000 personnes. Quant à la Somalie, elle s’est illustrée en ayant le pourcentage le plus élevé de déplacés, soit plus de 16% de sa population totale, dont beaucoup demeuraient déplacés depuis plusieurs années.
En 2010, l'Afghanistan restait la zone la plus dangereuse pour les humanitaires: 29 d’entres eux ont été tués, 71 ont été enlevés. Ce qui correspond à 153% d'augmentation par rapport à 2009, et à environ huit fois les chiffres de 2008.
Façon arbitraire de décider
Compte tenu de tous ces éléments, la conclusion que l’auteur du rapport, Nicolas Vercken, d’Oxfam est fort malheureuse. « Comme nous avons pu le constater au cours de l’année 2010, la communauté internationale a une façon très arbitraire de décider qui protéger et selon quelle priorité. Les premiers mois de 2011 n’ont pas fait exception. En effet, aucun des conflits récents n’a généré le même degré d’engagement politique ou la même volonté d’agir rapidement qu’en Libye », a-t-il expliqué.
“En Colombie, plus de 250 000 personnes ont été nouvellement déplacées en 2010. Le problème n’a pourtant pas été abordé par le Conseil de sécurité, qui n’a jamais mis le pays à son ordre du jour. Nous devons nous assurer qu’une réponse cohérente est apportée aux menaces qui pèsent sur les populations civiles en zone de conflit».
C’est pourquoi l’ONG internationale souhaite « que toute action menée par le Conseil de sécurité » corresponde « à un besoin identifié sur le terrain ». Des actions « qui doivent être destinées à protéger les civils qui en ont le plus besoin », sur la base d’informations et d’analyse des menaces fiables.
Pas de résolutions en 2010
Par ailleurs, le rapport accuse l’Onu de n’avoir pris aucune résolution en 2010, en dépit du nombre élevé des conflits à travers la planète, et de privilégier certaines zones de conflit au détriment d’autres en ce qui concerne les informations mises à disposition par les Etats membres de l’Onu concernant les civils en zone de conflits. Ainsi, « si une large documentation est accessible sur le sujet concernant des zones très médiatisées comme l’Afghanistan ou l’Irak, à l’inverse en Somalie, en RDC, au Yémen, comme dans la majorité des pays en conflit, le Conseil de sécurité manque souvent de données.
En 2010, le Conseil de sécurité n’a adopté aucune résolution, ni même abordé le sujet des conflits armés en Colombie, au Myanmar, aux Philippines ou encore au Yémen. Il n’a pas non plus été en mesure d’organiser une discussion régionale cohérente qui aurait traité simultanément de l’ensemble des zones où la LRA (Armée de Résistance du Seigneur) sévit.
Face à la recrudescence des conflits et au nombre important d’outils de prévention de conflits dont dispose l’Onu, notamment la médiation et les missions diplomatiques, les embargos sur les armes ou le commerce, les sanctions, la mise en place de juridictions, les missions de maintien de la paix ou l’autorisation du recours à la force) l’on se demande pourquoi l’Onu hésite à appliquer l’un d’eux pour prévenir et limiter les violences faites aux civiles en territoire de conflit.
Parmi les 26 résolutions adoptées en 2010 sur les pays étudiés, seules dix mentionnaient la question de la protection des civils dans leurs paragraphes opérationnels, soit 30%. Trois concernaient la Côte d’Ivoire, et deux le Soudan et la RDC. Des résolutions sur l’Afghanistan, le Tchad, la Somalie ou la République centrafricaine faisaient également mention de tels engagements. Ce qui n’a été le cas d’aucune des quatre résolutions sur l’Irak.
Kléber Kungu
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