jeudi 27 février 2014

Omar el-Bechir, toujours insaisissable. Pourquoi ?



Omar el-Bechir, toujours insaisissable. Pourquoi ?

            Depuis cinq ans, le président soudanais Omar el-Béchir reste insaisissable. Poursuivi pour sa responsabilité "en tant que coauteur ou auteur indirect" des crimes graves commis notamment au Darfour, dans l'ouest du Soudan, la Cour pénale internationale (CPI) a déjà émis deux mandats d'arrêts internationaux – en 2009 et en 2010 - contre celui qui continue à défier la communauté internationale. Ce qui ne l’empêche pas de circuler à travers le monde, principalement dans les pays africains, signataires ou non du Statut de Rome, fondateur de la CPI. Le président soudanais vient à nouveau de l’échapper belle lors du 17ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (Comesa) tenu à Kinshasa, du 26 au 27 février, où près de quatre-vingt-dix ONG avaient demandé quelques heures plus tôt au gouvernement congolais de livrer à la CPI Omar el-Béchir. Qui vient de rentrer dans son pays sans inquiétude.
            En dépit de toute la campagne menée par les ONG congolaises de droits de l’homme, appelant à l’arrestation du président soudanais et le rappel de la procureure Fatou Bensouda  lancé le 25 février, en demandant à la chambre de la Cour de rappeler à la RDC son "obligation permanente" de coopérer en vue de l'arrestation des personnes poursuivies par l'institution pénale internationale, Omar el-Béchir a pu passer sans inquiétude tout son séjour congolais, avant de rentrer dans son pays avec la même quiétude.

            En demandant à la RDC d’arrêter cet « oiseau « toujours  insaisissable, la CPI a cru que la demande était si simple et que les autorités congolaises allaient, par conséquent, exécuter immédiatement la demande de la CPI. D’autant plus que souvent classée parmi les "bons élèves" de la CPI, la RDC n’avait pas hésité d’arrêter en novembre 2013 Fidèle Babala, cadre du MLC pour l’extrader à la CPI. Un piège que Kinshasa a pu éviter.

            En se rendant en RDC, Omar el-Béchir n’était pas dupe. Il savait qu’il courait un danger de s’y rendre. Mais qu’au nom de la solidarité africaine, Kinshasa n’allait pas le livrer à la CPI. Celle-ci a certainement oublié que la RDC était tenue à respecter la position de l'Union africaine (UA) sur les mandats d'arrêt émis contre les chefs d'États en exercice. Son porte-parole, Lambert Mende, l’a souligné en admettant que c’était « une situation bien délicate » en demandant  aux ONG qui réclamaient l'arrestation d'Omar el-Béchir de "comprendre que la RDC a non seulement des obligations auprès de la CPI, mais également auprès du Comesa qui a invité le président soudanais dans la capitale congolaise".

Pas un refus « de coopérer avec la CPI",
            Tout en précisant plus loin que le geste du gouvernement congolais ne doit pas être considéré comme un refus « de coopérer avec la CPI", mais que la RDC s'aligne seulement derrière "une position claire de l'Union africaine par rapport aux mandats d'arrêts émis contre les chefs d'État en exercice".
            Ce n’est pas non plus la demande que les ONG ont adressée à la Monusco qui sera entendue.  Omar el-Béchir a eu la chance de bénéficier de la « largesse » des Casques bleus de la Monusco qui ont des dossiers plus préoccupants que l’arrestation du président soudanais.
            Pourquoi chercher à ouvrir un autre front d’insécurité dans son territoire qui en compte déjà plusieurs, en arrêtant un homme sur lequel la CPI ne parvient pas à mettre la main depuis plus de 5 ans ? En arrêtant Omar el-Béchir dans son territoire, la RDC aurait commis une grosse erreur pleine de conséquences sur le plan de relations bilatérales qu’elle n’allait pas arrêter de regretter.
            Ne pas arrêter Omar el-Béchir, c’est-à-dire accéder à la demande de la CPI, est moins dangereux pour les autorités congolaises qu’y accéder.
            Par conséquent, en laissant échapper cet oiseau traqué depuis cinq ans par la justice internationale sans pouvoir l’attraper, reste un geste empreint de moins de conséquences.
            A ce jour, Omar el-Béchir doit encore sa liberté aux autorités congolaises qu’il se doit de remercier, en attendant de tomber un jour dans les filets de la CPI. En fonction ou non.
Kléber Kungu

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