samedi 1 février 2014

Les dirigeants africains veulent la paix, mais pas une Force africaine

22ème sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba

Les dirigeants africains veulent la paix, mais pas une Force africaine

Le Soudan du Sud, la Centrafrique, le Caric au menu de la rencontre occultent le thème central du sommet «l’agriculture et la sécurité alimentaire».
            Le 22e sommet de l’Union africaine (UA) s’est ouvert jeudi pour deux jours à son siège d’Addis-Abeba. Au menu de la rencontre, les crises au Soudan du Sud, en Centrafrique, ainsi que la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (Caric) et le retour de Madagascar au sein de l’Union africaine. Cependant, la Force africaine de réaction rapide est loin de faire l’unanimité au sein de la famille panafricaine pourtant écartelée par de nombreuses crises dues essentiellement aux rébellions et autres groupes armés. thème central  du Sommet 
            En ouvrant les assises, la présidente de la Commission de l’Union africaine, la Sud-africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, a fait vibrer la corde familiale africaine sur les crises dans ces deux pays.
«Nos coeurs sont avec les populations de République centrafricaine et du Soudan du Sud, qui font face à des conflits dévastateurs dans leurs pays et en particulier aux femmes et aux enfants qui sont devenus les victimes», a-t-elle déclaré, invitant les participants à « travailler ensemble pour assurer la construction d’une paix durable».
            L’ancien président de l’UA, le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, a appelé les dirigeants africains à «trouver des solutions urgentes pour éviter à ces deux pays frères de sombrer dans un abîme», car, a-t-il expliqué, «si nous échouons, cela aura de graves conséquences pour la paix et la sécurité dans la région».

Capacité africaine de réponse immédiate aux crises
            Les dirigeants réunis au sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba, devraient concrétiser leur volonté de résoudre eux-mêmes et rapidement les crises qui ne cessent de frapper le continent. Cet objectif, souvent examiné lors des sommets de l’UA, s’incarne dans le concept de Capacité africaine de réponse immédiate aux crises - la Caric -, qui est loin de faire l’unanimité.
            Faire en sorte que les chefs d’Etat africains arrivent à s’entendre et, surtout, à adopter des mesures significatives et concrètes pour permettre à l’Afrique d’assumer dans un délai raisonnable sa propre sécurité, voilà l’un des enjeux du 22ème sommet de l’Union africaine.
            Si les dirigeants africains refusent de faire l’unanimité sur la mise en place d’une Force africaine de réaction rapide, alors que leurs pays sont souvent victimes de l’activisme des groupes armés et autres rébellions, ils doivent alors accepter l’interventionnisme de la communauté international qu’ils décrient à tout moment.
            Et pourtant, il y a sous peu, l’Afrique s’est réveillée un certain jour de janvier 2013, sous les crépitements d’armes des groupes jihadistes au Mali. Avant que la Centrafrique ne tombe dans un cycle de violences très meurtrières perpétrées par les rebelles de la Séléka, ceux-là même qui avaient conquis le pouvoir.
            Les deux crises ont pourtant servi de déclic aux dirigeants africains mis devant un fait accompli. Maliens et Centrafricains se sont réveillés de leur torpeur en appelant au secours  la communauté internationale. Heureusement la France de François Hollande n’a pas hésité à répondre favorablement et rapidement à ces appels de détresse en lançant fallu l’opération  Serval pour contrer les jihadistes au Mali et Sangaris en RCA.
            Cette idée, celle du concept de Capacité africaine de réponse immédiate aux crises est soutenue par la communauté internationale, précisément par le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations du maintien de la paix, Hervé Ladsous, qui trouve en elle une bonne chose. « Il s’est produit, au cours des mois écoulés, une évolution notable. L’Union africaine travaillait sur le concept de force africaine en attente. Ça n’a pas avancé énormément pour diverses raisons. Maintenant, il y a ce concept de Capacité africaine de réponse immédiate aux crises, la Caric (...) que nous soutenons à fond », expose Hervé Ladsous. « C’est mon objectif à moi aussi, aux Nations unies, de pouvoir accélérer les déploiements des forces qui sont celles de nos contributeurs. Donc, nous visons le même objectif : fluidifier, rendre plus rapide, plus efficace et plus opérationnel. »

Un bloc contre la Caric
            Si l’initiative a été soutenue par la France, lors su sommet de l’Elysée, en décembre dernier, mais du côté des Africains, les voix sont divergentes : il y en a qui soutiennent l’idée, pendant que d’autres s’y opposent. Ces Etats formant le bloc contre la Carix, estiment que la Caric serait une perte d’énergie et de temps et surtout de ressources. Lors de leur réunion au début du mois de janvier, les chefs d’état-major de toute l’Afrique n’ont pas hésité à montrer leur hostilité à la mise en place de Caric.
            Le Nigeria est l’un des Etats opposé à ce projet porté par l’autre poids lourd du continent, l’Afrique du Sud de Jacob Zuma, au grand désespoir du ministre tanzanien des Affaires étrangères, Bernard Mbembe. « Nous devons faire notre autocritique », juge-t-il. « Nous ne sommes pas sérieux. Nous ne sommes pas toujours objectifs quand nous agissons. Parfois, des intérêts nationaux prennent le dessus. Parfois, ce sont nos difficultés économiques qui guident notre action. Nous ne contribuons pas beaucoup aux forces de maintien de la paix pour ces raisons. Résultat, nous ne parvenons pas à mettre sur pied un bataillon militaire au niveau continental capable de réagir rapidement aux crises. »
            Du côté de ceux qui soutiennent l’initiative, il y a le président ivoirien, Alassane Ouattara qui souhaite qu’il faut arriver à la mise en place de la Caric, c’est-à-dire la Force africaine de réaction rapide.
           
Principe du volontariat
            La Caric, contrairement au projet de la force africaine en attente, fonctionne sur le mode du volontariat. C'est-à-dire que les Etats qui acceptent de participer vont financer les opérations menées par leurs propres bataillons dédiés à ces missions de réaction rapide. Certains pays, parmi ceux qui ont peu de moyens, soupçonnent les volontaires de vouloir renforcer leur hégémonie.
            A supposer que l’idée voie le jour. Son financement risque de constituer le grand handicap à son fonctionnement optimal. D’autant plus que, comme l’avance Thierry Vircoulon, directeur d’International Crisis Group pour l’Afrique centrale,  le budget de l’Union africaine censée chapeauter ce projet reste « trop dépendant des contributions non-africaines»
            Des 54 pays africains, 6 pays seulement sont favorables pour l’heure :  le Sénégal et le Niger - pour l’Ouest -, le Tchad - pour le Centre -, l’Ethiopie et l’Ouganda - à l’Est - et l’Afrique du Sud ont répondu à l’appel. Le sommet devrait le confirmer. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, proposera une aide logistique, car pour lui, c’est là que se situe le maillon faible de l’appareil sécuritaire africain.
            « Ce qui manque à l’Afrique, ce qui constitue souvent un défi, c’est la logistique : la mobilité stratégique, la capacité d’entretenir les forces sur le terrain une fois qu’elles sont déployées », juge le ministre algérien. Pour lui, « l’Afrique ne manque pas d’unité, l’Afrique ne manque pas de bons soldats ».
            L’option de bataillons nationaux permet de pallier le manque de standardisation au sein des forces africaines au niveau de l’entraînement, de l’équipement ou encore de la langue. Ce projet, comme d’autres programmes de l’architecture de la paix et de sécurité de l’Union africaine, n’existe que sur le papier. On attend de savoir si, à l’issue de ce sommet, les chefs d’Etat vont adopter un calendrier précis ou, simplement, un énième rapport, estime RFI.
            Tergiverser sur la concrétisation de la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (Caric), c’est vouloir une chose et son contraire à la fois. Comment chercher la paix et la sécurité dans une Afrique toujours en constante insécurité, alors que la plupart de ses armées restent inefficaces et, par conséquent, incapables de faire face à des rébellions toujours naissantes ? Pourquoi ne pas chercher à unir les efforts souvent inefficaces lorsqu’elles sont seules, dans une force panafricaine ? Si les dirigeants africains sont parvenus à unir leurs armées dans la Brigade d’intervention rapide de la Monusco, pourquoi ne pas aller plus loin en concrétisant cette belle idée de Capacité africaine de réponse immédiate aux crises ?
            En ouverture du sommet, le Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn a passé le relais au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz va assumer pour un an la présidence tournante de l'Union africaine (UA).
Kléber Kungu

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