jeudi 29 août 2013

La quadrature du cercle des Occidentaux : Ne pas intervenir est aussi risqué qu’intervenir

Intervention militaire en Syrie La quadrature du cercle des Occidentaux : Ne pas intervenir est aussi risqué qu’intervenir La guerre civile en Syrie met la communauté internationale dans une situation très embarrassante, très inconfortable vis-à-vis d’un peuple à la merci de la barbarie de son président bourreau, et de l’opinion internationale qui ne peut pas comprendre que les défenseurs des valeurs démocratiques et des droits de l’Homme aient été passifs pendant plus de deux ans avant d’envisager une intervention militaire en Syrie. La situation actuelle est telle que "ne rien faire est aussi risqué qu'agir". Au lendemain de la présumée attaque chimique par Damas le 21 août contre la population civile, la tension est montée d’un cran pour la condamner violemment en menaçant le pouvoir syrien d’une intervention militaire. 24 heures plus tard, les Occidentaux calment le jeu, temporisent…Pourquoi ? 24 heures après leur menace tonitruante d’attaquer la Syrie pour corriger Bachar al-Assad, les Occidentaux, les Américains en tête, viennent d’adoucir le ton de leur langage en mettant de l’eau dans leur vin. De part et d’autre, l’heure est à la temporisation. Barack Obama estime qu’il n’a « pas encore pris de décision » sur l’intervention militaire en Syrie, alors qu’avant même d’avoir les résultats des enquêteurs de l’Onu dépêchés en Syrie, Washington, par son secrétaire d’Etat, John Kerry, avait déclaré être convaincu des preuves de l’utilisation d’armes chimiques et qu’il fallait, par conséquent, intervenir militairement. Londres dit vouloir attendre l’enquête de l’Onu, ce qui prendra encore plusieurs jours. La Belgique temporise également. Le jeudi matin, son ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a insisté sur l’importance d’un cadre légal pour toute action. En réalité, la Belgique préfère une action judiciaire à l’option militaire. Le Royaume-Uni, de son côté, dit ne pas être près de lancer une action militaire en Syrie avant d’avoir eu connaissance des résultats des experts de l’Onu qui enquêtent sur place sur l’attaque du 21 août, selon une motion du gouvernement qui doit être soumise jeudi à un vote du Parlement. Pression sur Barack Obama et impasse au Conseil de sécurité Aux Etats-Unis, Barack Obama est sous pression de la Chambre des représentants qui lui demandent de révéler publiquement ses projets de frappes militaires contre la Syrie. Dans une lettre ouverte, John Boehner, l’homme le plus puissant du Congrès américain, demande à Barack Obama de défendre personnellement en tant que commandant en chef, son plan devant les Américains et le Congrès. Entre temps, au Conseil de sécurité de l’Onu, c’est l’impasse totale. Ses membres sont incapables de s’accorder sur une intervention. Les postures belliqueuses de ces derniers jours ont laissé, la place à une intense activité diplomatique. Plusieurs alliés des Etats-Unis hésitent à soutenir un recours à la force contre Damas sans mandat de l’Onu. Londres, pour sa part, a assuré qu’aucune action militaire n’aurait lieu avant la publication des résultats de l’enquête des inspecteurs de l’Onu sur place qui, selon Ban Ki-moon, quitteront la Syrie samedi et devront ensuite procéder à des analyses et présenter leur rapport. Les membres permanents du Conseil de sécurité étaient réunis le mercredi 28 août pour examiner une résolution britannique justifiant une action armée en Syrie. Les ambassadeurs russe et chinois ont quitté la salle où se tenaient ces consultations à huis clos au bout d’une heure et quart. Les représentants des trois autres pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne et France) sont restés un peu plus longtemps mais sont sortis sans faire de déclaration. Preuves Un haut responsable de l’administration a indiqué mercredi soir que les dirigeants du Congrès et les présidents de commissions se rendraient jeudi à la Maison Blanche, à une heure non précisée, pour prendre connaissance des éléments classés secrets recueillis par le renseignement américain sur l’attaque chimique du 21 août. Selon le magazine Foreign Policy, la conviction américaine se base sur des conversations téléphoniques interceptées entre un responsable du ministère syrien de la Défense et le chef de l’unité des armes chimiques. Pour avoir défini, un an auparavant, l'usage d'armes chimiques comme "ligne rouge" à ne pas franchir, Barack Obama se retrouve acculé aujourd’hui et enfermé dans son propre piège. Il avait dit qu’il ne tolérerait pas l’utilisation de gaz toxiques. Il est obligé de faire quelque chose maintenant que cette ligne rouge est franchie. C’est une question de crédibilité également pour Barack Obama. Rester sans agir entamerait en effet la crédibilité des Etats-Unis sur la scène internationale. Non seulement pour la crise syrienne, mais également pour d’autres crises actuelles qui déchirent le monde, et futures. Dans le souci de préserver le leadership et leur statut, les Etats-Unis tiennent à montrer, comme à l’époque de la guerre froide, qu’ils continuent à diriger le monde. Il faut donc agir. Mais les principales questions restent à savoir quand et comment intervenir. Il semble que les Etats-Unis d’Amérique vont « lancer 150 à 200 missiles de croisière » pour une attaque ciblée. Question d’anéantir un certain nombre de sites militaires syriens pour empêcher Bachar Al-Assad de rééditer son exploit horriblement macabre. Face à la coalition occidentale prête à l’attaquer, la Syrie, appuyée par ses traditionnels alliés promet de faire voir de toutes les couleurs à ses ennemis. "La Syrie se défendra contre toute agression", prévient Bachar Al-Assad. De leur côté, les Russes, les Iraniens et le Hezbollah libanais ne vont pas regarder faire les choses en défaveur de leur protégé. Ils vont réagir. Vive l’engrenage syrien. Pourquoi Moscou reste fidèle à Damas ? La Russie n’est pas près à lâcher la Syrie, quoiqu’il lui en coûte. Les liens historiques, les échanges commerciaux et la fermeté face aux Occidentaux expliquent la position inflexible de Moscou. "C'est un terrain glissant et très dangereux" et "une grossière violation du droit international", a prévenu le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, au cours d'une conférence de presse convoquée en urgence. Pour Moscou, il est important de maintenir des liens historiques de longue date, qui tirent leur origine des années 1950, avant leur renforcement à partir de 1980. Il faut également préserver la position stratégique de Damas dans la région. Il est très nécessaire pour Moscou de ne pas perdre la base navale qu’il dispose dans le port de Tartous, ville située sur la côte ouest de la Syrie depuis 1971. Tartous est d'autant plus précieuse aux yeux des Russes qu'il s'agit de leur seul accès sur la Méditerranée. Sur le plan commercial, la Syrie reste aussi un partenaire économique de poids pour la Russie. Outre les contrats d'armements, souvent signés "à crédit", selon Frédéric Pichon, cité par RFI, les Russes possèdent aussi des intérêts énergétiques en Syrie. En plus, la Russie entend "montrer [aux Occidentaux] qu'elle est une puissance, qu'elle a toute légitimité à être présente au Moyen-Orient, car c'est le dernier pays où elle a une influence dans la région", souligne Agnès Levallois, spécialiste du monde arabe interrogée par Europe 1. Moscou tient rigueur aux Occidentaux pour le cas libyen dont l’intervention militaire a entraîné la chute de Kadhafi. Gare au scénario à la libyenne Pour les grands risques qu’une telle intervention a toutes les chances de faire courir à la région, face à toutes les forces en présence devant s’y affronter, les uns et les autres restent prudents sur une telle initiative fort risquée et périlleuse. Le premier risque à craindre est une éventuelle riposte du régime syrien, des Iraniens ou de leur allié chiite dans la région, le Hezbollah libanais. Menaçant, le Premier ministre syrien a promis que son pays deviendrait «le cimetière des envahisseurs». L'Iran pourrait être tenté d'utiliser le champ de bataille syrien pour tester la détermination des États-Unis, qui ont juré de s'opposer par tous les moyens à leur programme nucléaire militaire. Certains redoutent des représailles contre la Finul, la Force des Nations unies au Liban, qui compte 670 soldats français. D'autres redoutent des attaques de roquettes contre Israël, ou des attentats contre les intérêts des pays membres de la coalition dans la région. Les forces de Bachar el-Assad possèdent de grandes quantités d'armes chimiques qu'elles pourraient en outre utiliser. Pour se prémunir, Israël a déployé sa défense antimissile à la frontière syrienne. Les pro intervention militaire en Syrie proposent une action limitée dans le temps. Mais si l'opération, en revanche, se prolonge et que l'objectif vise à faire tomber Bachar el-Assad, le remède utilisé pourrait faire plus de mal que de bien. «Il faut se garder d'aller trop loin. Si Bachar disparaît, il y aura un risque de massacres intercommunautaires», prévient le général Vincent Desportes, spécialiste des affaires stratégiques. L’autre danger que redoutent Américains, Anglais et Français est l'engrenage dans lequel ils peuvent se plonger malgré eux. Ils redoutent donc le scénario à la libyenne. Ils ont promis des frappes destinées à protéger les populations civiles pour se terminer par la chute du président el-Assad, à l'instar die celle de Kadhafi en 2011. Un principe militaire renseigne qu’on connaît quand commence une guerre, mais non quand elle s’achève. Tout cela réuni, voilà pourquoi les Occidentaux hésitent entre lancer l’assaut d’une intervention militaire contre un régime pourtant reconnu unanimement sanguinaire et ne pas le faire au risque d’être taxés de ne pas porter secours à personne en danger. Une véritable quadrature du cercle. Kléber Kungu

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