jeudi 8 août 2013

Benayenge Bazika Odette : « Pour bien faire ce travail, il faut oublier l’argent et le temps »

Sage-femme à l’hôpital général de référence de Luozi Benayenge Bazika Odette : « Pour bien faire ce travail, il faut oublier l’argent et le temps »
65 ans d’âge dont 43 de carrière, 4 enfants ( 2 garçons et 2 filles), qu’elle est parvenue à élever et à scolariser jusqu’à l’université malgré la modicité de ses moyens, 52 homonymes, hommes et femmes. Benayenge Bazika Odette, est aide-accoucheuse à l’hôpital général de référence de Luozi depuis…1970, a déjà fait accoucher plus de 1 600 femmes et former plus de 1 200 aide-accoucheuses. L’Observateur a rencontré cette femme courageuse, consciencieuse, prête à rendre service, qu’il neige ou qu’il pleuve. Elle qui mérite mieux que de l’utiliser jusqu’à l’épuisement de ses forces physiques. Celle qui est affectueusement appelée Ma Odette nous a parlé de son métier qui consiste à aider les autres femmes à mettre au monde. Un métier aussi difficile, mais qui ne manque pas de procurer de la joie et quelques avantages. C’est dans un bureau modeste qu’elle nous reçoit, à l’hôpital général de référence de Luozi, géré par les protestants de la Communauté évangélique du Congo (CEC).où elle travaille depuis 1970. Cette femme a appris ce métier à Sona Mpangu pendant quelques mois seulement avant de rentrer à Luozi pour raisons de santé. Pour lui permettre de se faire soigner de son infection des genoux dont elle souffrait, l’assistant médical Matondo, réputé dans la région dans le traitement des fractures, va la recommander à mademoiselle Henriette qui travaillait à la maternité. « Mademoiselle Henriette m’avait envoyée à Mbanza-Ngungu pour la formation d’iade-accoucheuse et à la Croix-Rouge. Je suis rentrée à Luozi, mon diplôme en poche pour continuer à travailler sous la supervision de mademoiselle Henriette », nous raconte-t-elle. Aujourd’hui, cette femme s’enorgueillit d’avoir travaillé avec …56 médecins auprès de qui elle a été une travailleuse exemplaire. « Je suis bien appréciée aussi bien par les malades que les collègues travailleurs », ajoute-t-elle toute fière. Plus de 1 600 femmes accouchées
Le bilan de Ma Odette en termes de femmes qu’elle a déjà aidé à accoucher est fort élogieux en plus de 40 ans de carrière. « Environ 1 607 femmes accouchées car à l’époque nous n’avions qu’une seule maternité et nous faisons accoucher entre 5 et 6 femmes par jour. Mais aujourd’hui, nous avons 4 maternités. Je suis capable de faire accoucher environ 20 par maternité », nous affirme Ma Odette. Comme sage-femme, Mme Benayenge Bazika nous raconte avoir connu « plusieurs accidents de travail car femmes que nous aidons à accoucher, il y en a qui n’ont pas de moyens, il y en a des folles, des débiles mentales qui ignorent tout des techniques pour accoucher. Il y e eu une débile mentale sortie sous peu qui ne connaît pas l’homme qui l’a rendue grosse. » Les bons souvenirs, Ma Odette en a. « J’ai 52 homonymes, hommes et femmes. Ce sont des homonymes qui me soutiennent en reconnaissance des services que je leur ai rendus. Un jour, alors que je séjournais à Matadi, j’avais rencontré une femme que j’avais aidée à accoucher en 1972 et dont un enfant devenu magistrat auprès de qui elle m’avait conduite. J’avais beaucoup aidée cette femme lors de son accouchement », nous confie-t-elle. « Je reçois également de l’aide de Mlle Henriette qui m’avait demandé de ne pas quitter l’hôpital, de son vivant. Car de tous ceux qu’elle a eu à encadrer, je suis la seule survivante. Je travaille aujourd’hui conformément à ses conseils et à ceux de Mlle Maj, une Suédoise, de Maman Åsa », déclare-t-elle.
« J’ai pu scolariser tous mes enfants grâce aux champs qui ont constitué l’augmentation de mon salaire » Malgré le peu de moyens dont elle disposait, madame Benayenge Bazika est parvenue à scolariser tous ses enfants jusqu’à l’université. Son secret ? « J’ai pu scolariser tous mes enfants grâce aux champs. Après le service, je me rendais vite aux champs et ce sont les champs qui ont constitué l’augmentation de mon salaire. C’est ainsi que j’ai pu scolariser mes enfants : un est médecin, une autre est ingénieure de l’Ista, un autre encore est électronicien au Maroc. Beaucoup de médecins avec lesquels j’ai travaillé ont aussi aidé mes enfants en matériel », nous raconte-t-elle. Madame Benayenge Odette n’est pas avare de son savoir, même si celles qui ont été formées par elle ne parviennent pas à traduire convenablement ce qu’elles ont appris d’elle. « Y compris toutes les stagiaires, j’ai déjà formé plus de 1 200 aides-accoucheuses. Mais je regrette que beaucoup d’entre elles ne suivent pas comme je leur ai appris le métier », déplore-t-elle en ajoutant que pour bien faire ce travail, il faut éviter de privilégier l’argent et le temps. « Quand vous êtes au service, il ne faut plus vous occuper de votre maison car il vous arrive de vous consacrer au travail toute la journée. Il y a des cas d’accouchements qui prennent 3 jours. Et il n’est pas bien de laisser au médecin tous les accouchements difficiles qui a aussi besoin de votre expertise comme accoucheuse », conseille-t-elle. « Et comme sage-femme, vous ne pouvez pas accepter que toutes les femmes accouchent pas césarienne », ajoute Ma Odette. Quarante-trois ans de service déjà, Ma Odette, qui a beaucoup donné à la Nation, attend d’être mise en retraite de manière honorable car, dit-elle, l’âge de la retraite est largement dépassé. Beaucoup de difficultés entravent le travail de cette femme entre les mains de laquelle sont nés plusieurs milliers d’enfants, tous sexes confondus, y compris des jumeaux, des triplés. Elle en évoque les plus importantes, notamment le manque de matériel de travail en l’occurrence les pinces, les ciseaux, les bassins pour laver les nouveau-nés, ainsi que les layettes pour nouveau-nés que les hôpitaux recevaient à l’époque. D’autant plus qu’il y a des accouchées très pauvres. A cette époque, le travail était facilité par le DCMP (Dépôt central médico-pharmaceutique, NDLR) qui approvisionnait l’hôpital en médicaments et matériels pharmaceutiques. Et depuis 1971, le DCMP n’envoie plus rien dans des hôpitaux. En dehors de cela, l’hôpital reçoit un peu d’aide de la Suède. « Nous sommes impayés depuis 4 mois, malgré la petite prime que nous paie la Communauté évangélique du Congo (CEC) [gestionnaire de l’hôpital, NDLR].
Voilà pourquoi elle appelle le gouvernement à apporter de l’aide aux hôpitaux pour les aider à aider les démunies parmi les accouchées. Car un hôpital sans aide court le risque de faire faillite à cause des malades sans moyens. « Voyez tous ces biens dans cette chambre abandonnés par des malades sans moyens. Nous faisons des césariennes sans paiement préalable des accouchées. » Propos recueillis par Kléber Kungu, envoyé spécial, de retour de Luozi

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