jeudi 20 décembre 2012

Mbelasani Cra : « le métier de tailleur est en train de mourir »

Quel est l’avenir du métier de tailleur ? Mbelasani Cra : « le métier de tailleur est en train de mourir » (Par Kléber Kungu, de retour de Luozi)
Peu ou presque pas de garçons s’intéressent à l’apprentissage du métier de couturier contre un engouement de filles, beaucoup de tracasseries administratives avec le paiement de plusieurs taxes de l’Etat… C’est Mbelasani Luviluka « Cra » qui peint ce tableau peu prometteur du métier de tailleur qui est en train de disparaître dans une cité de 25 km2 de superficie peuplée d’au moins 13.000 habitants. Nous nous sommes entretenus dans son atelier situé sur l’avenue Malela n°2 au quartier II, près du Marché de Luozi. Mbelasani Luviluka, bien connu sous le pseudonyme de Cra, 52 ans, est un des Luoziens qui ont choisi le métier de tailleur qu’il exerce depuis… 1972. De son atelier, il a déjà sorti en 30 ans de carrière 20 apprentis, dont 5 garçons. Malgré cette longévité, M. Cra est loin d’être satisfait car aujourd’hui il est sceptique quant à l’avenir du métier qui intéresse de moins en moins les garçons. « Le métier de tailleur est en train de mourir. A Luozi, nous ne sommes plus que 4 tailleurs (Sabu, Booker, lui-même et Good Year) », nous confie-t-il. « Car, explique-t-il, les jeunes garçons ne s’intéressent plus au métier de tailleur. Ils disent que ce métier est réservé aux femmes, alors qu’ils viennent vers nous pour leur coudre des habits. Mbelasani Luviluka déplore le comportement, mieux le manque d’intérêt des jeunes garçons pour le métier de tailleur. Pour lui, les jeunes garçons ignorent encore l’importance et les avantages qu’il offre à ceux qui l’exercent. Pour l’exercer, il suffit de disposer, en plus d’une machine à coudre, un mètre ruban, une paire de ciseaux. Bien qu’on remarque un désintéressement manifeste chez les garçons, chez les filles, par contre, les demandes pleuvent. « A ce jour, nous déclare M. Cra, nous encadrons les filles finalistes de la 6ème des humanités coupe et couture. Elles sont quatre. La demande est grande, mais nous ne pouvons les prendre toutes », déclare notre interlocuteur. Pour ce tailleur spécialisé en couture d’hommes et de femmes, le manque d’intérêt des garçons pour apprendre le métier est fort préjudiciable à son travail. « Si j’avais des garçons qui apprennent, j’allais mettre fin à la couture des modèles des femmes pour ne me consacrer qu’à la couture d’habits des hommes pour pouvoir vendre », regrette-t-il. Mbelasani Luviluka Cra, marié et père d’un enfant, déplore également les tracasseries dues à la multiplicité de taxes qu’il paie chaque année aux différents services de l’Etat, notamment 25 000 FC (patente), 20 000 FC (culture et arts), 15 000 FC (jeunesse), 20 000 FC (fonds et promotion culturelle. Et bientôt le service de l’Environnement va, à son tour, se lancer dans la course. « Au lieu de nous épauler, l’Etat est en train de nous étouffer », conclut M. Cra. Ces taxes sont d’autant plus excessives qu’en contre partie les tailleurs ne trouvent pas assez leur compte en comparant leur facturation. Par exemple, une camisole coûte entre 3 500 FC (environ 3,8 dollars) à 5 000 FC (environ 5,5 dollars), selon le modèle ; un pantalon revient à 3 500 FC, parfois entre 2 000 FC et 3 000 FC ; alors que la veste qui coûte 20 000 FC (environ 22 dollars) se négocie entre 15 000 FC (16,6 dollars) et 20 000 FC. Par conséquent, toutes ces taxes, qui les étouffent, poussent bien des tailleurs à installer leurs ateliers à domicile pour éviter toutes ces tracasseries administratives. Cette situation des tailleurs, nos propres apprentis, qui opèrent pratiquement dans la clandestinité, nous étouffe également, car ils échappent au paiement des taxes ; ce qui les pousse souvent à sous facturer leurs travaux. M. Cra a plusieurs projets. De son propre atelier riche de 6 machines et dont il veut faire un grand, il compte de se doter d’une machine à broderie, disposant déjà d’une machine de surfilage. C’est à ce stade que l’aide ou l’intervention de l’Etat est souhaitable. Malheureusement, celui-ci préfère décourager les bonnes initiatives en multipliant les taxes… Pour la survie de ce métier, tous les moyens doivent être déployés d’abord par les intéressés eux-mêmes en réalisant des émissions dans les radios implantées sur place, à savoir : la Radio rurale communautaire Minsamu Miayenge (RCM), la Radio Ntomosono et la Radio Yenge.

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