jeudi 6 décembre 2012

Gouvernement et M23 divisés sur le cadre, l’agenda et le contenu

Négociations de Kampala ce vendredi 7 décembre Gouvernement et M23 divisés sur le cadre, l’agenda et le contenu • Pendant ce temps, Joseph Kabila va participer, lui, au sommet extraordinaire de la SADC à Dar es Salam, en Tanzanie • Les évêques catholiques, de leur côté, s’interrogent sur « la pertinence » de ce dialogue en prévenant les participants de ne pas « hypothéquer l’unité de la nation congolaise et de ne pas avaliser des accords qui consacreraient la balkanisation de la RDC », les invitant à « la vigilance et à la clairvoyance ». • La Nouvelle société civile congolaise et la Coalition des organisations de la société civile de la RDC indiquent que « ce qui se passe actuellement à Kampala ne concerne pas la population congolaise » en se demandant le cahier des charges et l’agenda des uns et des autres. C’est ce vendredi 7 décembre que le gouvernement congolais et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) vont entamer à Kampala les négociations qualifiées déjà de difficiles discussions pour tenter de mettre fin au conflit dans l'Est de la RDC. Cette crise sera également au cœur d'un sommet des pays d'Afrique australe convoqué le même jour. Ces pourparlers aux défis énormes et à haut risque entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23 annoncent déjà leurs couleurs: les participants sont divisés sur le cadre, l’agenda et le contenu à quelques heures du début de la rencontre. La délégation congolaise, conduite par le ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda Tunga Mulongo, a quitté Kinshasa mercredi 5 décembre pour la capitale ougandaise, où le dialogue devrait débuter ce vendredi. Elle est composée de six députés, de cinq sénateurs proches du pouvoir et du vice-président de l'Assemblée nationale, Mwando Simba. Premier couac, ce sont les positions des principaux protagonistes. Le gouvernement se présente à ces assises qu’avec une seule position : négocier ou dialoguer seulement sur l’accord du 23 mars 2009 que le gouvernement et le CNDP avaient signé à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, sans aucune incidence sur les institutions issues des élections de novembre 2011. Tandis que, de leur côté, les rebelles du M23, qui ont rejoint Kampala 24 heures après la délégation congolaise, campent sur une position diamétralement opposée à celle de Kinshasa. Ils appellent de tous leurs vœux à un dialogue ouvert aux autres forces politiques républicaines. Ils avaient également exigé la présence physique du chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila. C’est le côté visible des revendications. Mais pour bien des observateurs avisés, le caractère extensible des revendications cache bien l’agenda de ces hommes dont les goûts aux pratiques qu’ils dénoncent ont été mis à nu lors de leur récent séjour à Goma : pillages, violences de toutes sortes, vols, assassinats. Selon le président du M23, Jean-Marie Runiga Lugerero, à la tête d’une délégation de 25 personnes, les rebelles prévoient également de parler des questions politiques et juridiques ayant trait à la défense et à la sécurité, à l’économie, aux finances, au social et au développement. Ils se proposent également d’aborder des thèmes ayant trait aux «violations des droits de l’homme» contre des opposants et journalistes congolais. Le coordonnateur du M23 estime qu’on ne peut ne pas parler des questions qui touchent à l’avenir de leur pays (sic). Peu avant la chute de Goma, les hommes de Sultani Makenga avaient donc élargi leurs revendications sur les seules exigences de l’application de l’accord de paix du 23 mars 2009 aux autres, les ramenant ainsi à 21, selon certaines sources. En les élargissant à une fourchette de revendications politiques, économiques, sociales, ils espéraient ainsi embarquer la classe politique congolaise de l’opposition notamment, la population congolaise en général. Aujourd’hui, la non-participation de l’opposition congolaise aux pourparlers de Kampala fragilise en quelque sorte les rebelles du M23 qui comptent beaucoup sur son soutien au cours de ces négociations. Le porte-parole du gouvernement ougandais, Fred Opolot, a parlé de discussions « préliminaires » qui devraient, dans un premier temps, fixer le cadre des négociations à venir, expliquant que « le point clé de l’ordre du jour est d’abord les règles de base et le cadre de travail des réunions à venir, puis des règles quant aux observateurs et quant à la composition de leur En dépit de toutes les accusations formulées notamment dans un dernier rapport des experts de l’Onu, pesant sur lui au sujet de son soutien présumé, ainsi que celui du Rwanda, aux rebelles du M23, allégations qu’il n’a cessé de rejeter en bloc, le gouvernement ougandais sert de médiateur aux négociations, au nom de l'organisation régionale de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). La rencontre de Kampala va s’ouvrir alors qu’à Dar-es Salaam, en Tanzanie, se tiendra le même vendredi 7 décembre un sommet où les participants passeront en revue les résolutions de la CIRGL sur la situation politique au Congo Kinshasa. La réunion regroupera la troïka défense de la Communauté des Etats d’Afrique australe (SADC), présidée par la Tanzanie et incluant l’Afrique du Sud et l’Angola. Les dirigeants du Mozambique, du Botswana et du Malawi participeront également à ce sommet de grande importance. Points non négociables La société civile du Sud-Kivu encourage le gouvernement dans sa démarche de négociation avec les rebelles du M23. Si cette structure citoyenne accepte le principe de négociation avec les rebelles, elle refuse néanmoins que certaines questions soient évoquées au cours de cette rencontre de Kampala. Il s’agit notamment de l’ordre institutionnel, la révision de la Constitution, l’amnistie aux auteurs des crimes internationaux. «Il y a des points non négociables. Nous ne voulons pas que les discussions tournent sur l’ordre institutionnel établi, sur la révision de la Constitution comme l’année passée, sur l’amnistie aux auteurs des crimes internationaux et sur l’intégrité du territoire ainsi que sa souveraineté et enfin l’amnistie aux auteurs des crimes internationaux», a précisé le vice-président de la société civile du Sud-Kivu, Descartes Mponge. Joseph Kabila au sommet de la SADC à Dar es Salaam Alors que les rebelles ont exigé la présence personnelle de Joseph Kabila aux négociations, le chef de l’Etat congolais a choisi d'assister ce vendredi à un sommet extraordinaire de la SADC, dont son pays est membre, qui se tiendra Dar es Salaam, la capitale économique de Tanzanie, aux côtés notamment du président sud-africain Jacob Zuma. La RDC accuse, comme l'ONU, ses voisins du Rwanda et de l'Ouganda de soutenir les rebelles sur son territoire. Kinshasa avait en revanche pu s'appuyer sur l'Angola et le Zimbabwe, deux pays membres de la SADC, pendant la dernière guerre régionale (1998-2003) sur le sol congolais, face à des rébellions alors soutenues par l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Depuis le début de la nouvelle crise congolaise, la SADC est restée discrète, même si ses dirigeants avaient accusé en août dernier le Rwanda de soutenir les mutins. Kigali comme Kampala démentent ces accusations. Pourquoi ce dialogue ? Alors que les uns et les autres s’activent à affûter leurs armes pour affronter l’adversaire dans une meilleure position, les évêques catholiques congolais du Comité permanent de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) sont montés au créneau pour s’interroger sur « la pertinence » du dialogue avec le M23 qui se tient dès ce vendredi à Kampala. Ils l’ont fait savoir dans un communiqué publié jeudi 6 décembre à Kinshasa, au terme de leur session extraordinaire. Ils ont attiré « l’attention de tous ceux qui se rendront à Kampala sur les pièges de ces négociations ». Les prélats catholiques demandent aux représentants congolais à ces assises de ne pas « hypothéquer l’unité de la nation congolaise et de ne pas avaliser des accords qui consacreraient la balkanisation de la RDC », les invitant à « la vigilance et à la clairvoyance ». Ils ont indiqué qu’un « schéma directeur fixant le degré et la nature des concessions possibles, acceptables et tolérables doit être établi et scrupuleusement respecté », prévenant qu’« un accord qui hypothèquerait la souveraineté nationale est inacceptable ». Au sujet du contenu de ce dialogue entre le gouvernement et la rébellion, les religieux s’interrogent « sur la valeur juridique des accords du 23 mars 2009 » qui avaient constitué le socle des revendications de la rébellion du M23 et qui s’est étendu aux autres, notamment politiques, économiques, sociales... Protestations de la société civile Pour leur part, la Nouvelle société civile congolaise et la Coalition des organisations de la société civile de la RDC ont, dans un autre communiqué publié ce même jeudi, également donné de la voix en protestant contre les assises de Kampala. Elles ont indiqué que « ce qui se passe actuellement à Kampala ne concerne pas la population congolaise ». Par la voix de son coordonnateur, Jonas Tshombela, la Nouvelle société civile congolaise, s’est interrogée : « Quel est le cahier de charge et quel est l’agenda des uns et des autres ? », tout en exprimant son opposition à des discussions qui, selon elle, sont organisées dans l’opacité. « Nous sommes hostiles aux discussions qui sont organisées dans l’opacité totale », a déclaré Jonas Tshombela. Ces organisations protestent donc contre l’organisation du dialogue entre le gouvernement et la rébellion du M23 en Ouganda « qui est cité noir sur blanc dans différents rapports comme apportant un soutien aux rebelles du M23 ». Le coordonnateur de la Nouvelle société civile congolaise a dénoncé que « le Rwanda comme l’Ouganda sont des pays dans lesquels nous ne pouvons pas tenir ce genre de dialogue. Pour nous, ce sont des pays agresseurs ». La RDC, l’Onu ainsi que plusieurs organisations accusent le Rwanda et l’Ouganda de soutenir la rébellion du M23. Dans un rapport confidentiel publié au début de cette semaine dans la presse, des experts des Nations unies accusent ces deux pays d’avoir soutenu ces rebelles lors de la prise de la ville de Goma le 20 novembre dernier. Mardi 20 novembre, le M23 avait pris la ville de Goma et son aéroport, avant de s’en retirer, une dizaine de jours plus tard, sous la pression de la communauté internationale, des pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et aux termes d’une médiation de celle-ci. Cependant, les rebelles du M23 restent positionnés à Kibumba, localité située à 30 km au Nord de Goma. Les premiers éléments de division des principaux protagonistes présagent bien ce que sera une rencontre que les rebelles du M23 ont appelée de toutes leurs forces, alors que la partie congolaise a, auparavant rejetée, excluant toute idée de négocier avec ceux qui constituent les bras armés des agresseurs que sont le Rwanda et l’Ouganda, avant de changer de position à la faveur des événements qui sont survenus depuis le 20 novembre. La tenue concomitante de deux rencontres, à Kampala et à Dar es Salaam, au sujet d’un même dossier, dévoilé incontestablement la délicatesse de ce conflit. Kléber Kungu

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