mercredi 19 décembre 2012

Mathieu Ngudjolo ne doit pas rester en détention

Acquitté par la CPI faute de preuves Mathieu Ngudjolo ne doit pas rester en détention La Cour pénale internationale (CPI) a rejeté, mardi 18 décembre, la demande de maintien en détention de l’ex-chef de milicien congolais Mathieu Ngudjolo Chui. Au cours d’une audience publique, le juge Bruno Cotte a indiqué qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait le maintien sous les verrous de l’ancien chef du Front nationaliste et intégrationniste (FNI) comme le demandait la procureure de la CPI, Fatou Bensouda. Mathieu Ngudjolo a été acquitté dans la matinée de mardi faute de preuves, selon les juges. Mais l’accusation a fait appel, demandant qu’il soit encore maintenu dans les geôles de la Haye, évoquant notamment le risque que des témoins potentiels soient intimidés. Il était poursuivi pour un massacre commis dans le village de Bogoro en Ituri (Province Orientale) en 2003. Mardi 18 décembre, les trois juges - un Français, une Malienne et une Belge - ont estimé, à l’unanimité, qu’il n’avait pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Mathieu Ngudjolo était le commandant des troupes qui ont attaqué Bogoro ce jour-là et qu’il fallait donc l’acquitter. Les juges ont cependant ajouté, selon le communiqué de presse de la cour, que cet acquittement ne signifiait pas, et cela "en aucun cas", que "des crimes n’auraient pas été commis à Bogoro le 24 février 2003". Et d’ajouter "que le fait de déclarer qu’un accusé n’est pas coupable ne veut pas nécessairement dire que la chambre constate son innocence’’. Selon un rapport de Human Rights Watch, sa milice créée en fin 2002 qui comptait de nombreux membres de la communauté Lendu est soupçonnée d’avoir participé à des massacres à caractère ethnique dirigés contre les Hema. Au centre de ce village de l'ethnie Hema se trouvait un camp militaire de leurs ennemis de l'Union des patriotes congolais (UPC) de Thomas Lubanga, qui avait été déclaré coupable en mars pour avoir enrôlé des enfants comme soldats lors du premier jugement prononcé par la Cour. Il avait ensuite été condamné à quatorze ans de prison. Selon l'accusation, l'attaque ne visait pas uniquement le camp militaire de l'UPC mais également la population civile du village. Les affrontements interethniques entre milices avaient débuté en 1999 et ont, selon l'accusation, "dévasté" la zone. Elles se disputaient les terres de cette région riche en ressources naturelles, dont l'or ou le pétrole. La CPI n’a pas encore précisé le jour de sa libération mais elle indique qu’il pourra toutefois rester un certain temps au centre de détention. Son porte-parole, Fadi el-Abdallah, a expliqué que cette mesure est provisoire, le temps que la Cour prenne des dispositions nécessaires pour sa mise en liberté. Il appartient à Ngudjolo de choisir dans quel Etat il préfère être remis en liberté. Fadi el-Abdallah a précisé qu’il a la possibilité d’aller dans un pays qui l’accepterait ou de retourner dans son pays d’origine la RDC. Dans le deuxième cas, a-t-il ajouté, son pays a le droit de l’accepter. Selon la même source, le Conseil de sécurité des Nations unies devra, après l’acquittement de Mathieu Ngudjolo Chui, lever sa mesure sur l’interdiction des voyages internationaux qui le frappe. Accusation mal préparée Pour de nombreuses personnes, ce verdict a été atténué. Selon ‘’Justice internationale’’ d’Avocats sans frontières (ASF), par la voix de son coordinateur, Luc Meissner, le verdict sur le procès de Mathieu Ngudjolo "(…) veut dire que Ngudjolo n’est pas coupable de ce dont il était accusé mais on ne se prononce pas sur autre chose". Tout en affirmant que le procureur de la CPI a mal préparé son accusation, car il n’a « pas pu présenter des preuves convaincantes et ses témoins n’ont pas été jugés crédibles ». Ensuite, il y a également la violation des droits de la défense qui a été relevé comme un second indice qui dénote le mauvais travail réalisé par le procureur. Le cas de Ngudjolo avait en effet d’abord été joint à celui de Germain Katanga, son compère seigneur de la guerre lendu, dont les troupes ont pris part au massacre de Bogoro, commis le 24 février 2003, avait fait quelque 200 morts, dont de nombreuses femmes, violées, et des enfants. Les deux hommes ont été jugés ensemble mais, le 21 novembre dernier, soit six mois après que les conclusions ont été déposées pour les deux accusés et alors qu’on n’attendait plus que le verdict, les juges ont décidé de requalifier le mode de responsabilité retenu jusque-là contre Katanga et ont disjoint les deux affaires. Certains commentateurs ont soulevé la question d’une possible violation des droits de Katanga car, en suivant cette procédure, l’accusé ne connaît pas la nature exacte des charges retenues contre lui avant la fin du procès. Germain Katanga connaîtra son sort au printemps prochain. Mardi 18 décembre, alors que l’accusation souhaitait faire appel, la cour a ordonné la libération de Mathieu Ngudjolo, qui, selon le porte-parole de la cour Fadi el-Abdallah "doit maintenant dire dans quel Etat il préfère être remis en liberté". Chef de milice Ancien caporal de l’armée de Mobutu qu’il a désertée lors de la déroute de ses troupes (1996-97), Mathieu Ngudjolo Chui s’était fait oublier et avait suivi une formation d’infirmier à Bunia, chef-lieu du territoire d’Ituri. En 2002, toutefois, ayant failli être tué par des Hemas armés, il rejoint une milice lendu avant d’en devenir un des principaux commandants. Accusé d’avoir tué, en septembre 2003, un chauffeur de taxi-moto hema à Bunia, Ngudjolo est arrêté par les casques bleus de l’Onu alors que, justement, les FNI refusent de collaborer avec ces derniers pour le recensement des milices; il sera libéré l’année suivante, faute de preuves. En 2005, il participe à une réunion de seigneurs de la guerre d’Ituri à Kampala, le président ougandais Yoweri Museveni continuant à jouer un grand rôle dans l’armement de milices ethniques rivales dans cette région congolaise, dont les richesses sont détournées vers l’Ouganda à la faveur des guerres ethniques. Mathieu Ngudjolo va prendre la tête de milices ethniques fédérées en un Mouvement révolutionnaire congolais (MRC), qui reprend les violences contre des civils en Ituri. En 2006, il promet de démobiliser ses troupes en échange d’une amnistie et d’un grade de colonel dans l’armée de Kabila. Il sera arrêté en 2008 par les Congolais et livré à la CPI. Kléber Kungu

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