mardi 18 décembre 2012

Des pourparlers sur fond de la reprise de la guerre

Négociations à Kampala Des pourparlers sur fond de la reprise de la guerre • La Monusco affirme avoir détecté la présence des soldats du M23 • Des troupes rwandaises sont également signalées par d’autres sources Alors qu’on négocie à Kampala, le Nord-Kivu est toujours hanté par la psychose de la relance de la guerre. La Monusco a en effet annoncé avoir détecté lundi 17 décembre la présence des rebelles du M23 "autour de Goma", que le gouverneur du Nord-Kivu accuse de maintenir un climat de "psychose" dans le chef-lieu du Nord-Kivu. Cependant, il n’y a pas que les hommes de Sultani Makenga qui sont autour de Goma. Plusieurs sources, dont des sources militaires, des défenseurs des droits de l'Homme et des habitants rapportent que des troupes rwandaises sont entrées en territoire congolais à plusieurs reprises depuis début décembre. Ainsi le M23 est accusé de préparer une nouvelle guerre au cas où les pourparlers de Kampala ouverts officiellement dimanche 9 décembre venaient à capoter. En réaction à ces informations, le Monusco a intensifié au cours du week-end ses patrouilles aériennes et terrestres. Ce qui lui a permis de détecter « la présence du M23 en plusieurs endroits du Nord-Kivu, dont Ruwindi, Kibati et la région de Masisi », selon le porte-parole de l'Onu, Martin Nesirky. « De tels mouvements, a ajouté Martin Nesirky, contreviennent à la résolution 2076 » de l'Onu du 20 novembre qui enjoint au M23 de se retirer de Goma et cesser toute progression. Le porte-parole de l’Onu a ajouté que la Monusco allait « continuer d'effectuer de fréquentes patrouilles à Goma et autour de Goma ». Plusieurs sources, dont la Société civile du Nord-Kivu, affirment que les rebelles, sont toujours aux portes de Goma et ont récemment reçu des bataillons « rwandais » pour renforcer leurs rangs en cas d’échec des pourparlers avec Kinshasa, ainsi pour parer à toute éventualité. « Cette nuit encore, environ 1 000 soldats rwandais ont traversé, confie un habitant de Kibumba, localité à la frontière congolo-rwandaise sous contrôle du M23. Ils ont dit qu’ils étaient venus chasser les FDLR qui les avaient attaqués le 27 novembre. A cause de cette attaque, des soldats rwandais s’étaient chamaillés avec le M23 car les FDLR avaient agi depuis leur zone. » Les soldats rwandais seraient aussi positionnés près de Goma, selon des radios locales et des chefs de quartiers. « Quatre hommes et deux femmes de six familles déplacées m’ont dit avoir fui, pris de peur à la vue la "constante entrée des camions de la RDF (Rwanda Defence Force) avec des troupes et du matériel depuis le 8 décembre" », rapporte le militant des droits de l’homme. Des affirmations que les soldats rwandais ont rejetées, justifiant leur présence par une chasse des rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Alors qu’ils se sont retirés de la ville de Goma le 1er décembre dernier, les hommes de Sultani Makenga continuent à ouvrir l’œil, mieux à le garder sur Goma, une ville qu’ils ont pillée de fond en comble. Ils se sont retirés du chef-lieu du Nord-Kivu après onze jours d’occupation, et sur demande des Etats membres Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Mais la population continue à se demander pour combien de temps, compte tenu de la hantise de la guerre qui pèse sur cette région, précisément sur cette ville forte d’un million d’habitants. Plusieurs signes prouvent que les hommes de Sultani Makenga n’attendent qu’une occasion pour relancer les hostilités. D’abord parce que malgré l’ouverture de discussions avec les autorités congolaises à Kampala, le Mouvement du 23 mars (M23) ne s’est pas retiré à au moins 20 kilomètres comme exigé par la CIRGL. Des rebelles sont postés à 6 kilomètres, sur des collines de Munigi, près d’une base de la mission de l’Onu pour la stabilisation de la RDC (Monusco). Cet emplacement n’est pas choisi au hasard par les rebelles du M23. Il leur permet d’avoir une belle vue sur l’aéroport. Un autre groupe de rebelles s’est posté sur des lieux stratégiques autour de Goma, encerclant ainsi toute la ville. Pour beaucoup, l’avenir de la ville de Goma est suspendu à l’issue des pourparlers, du reste houleux, à Kampala. Les rebelles du M23 misent sur le fait qu’ils savent d’avance que Kinshasa ne va pas céder à leurs revendications qu’ils ont élargi à d’autres. Aussi sont-ils en train de mettre la pression. Des acteurs de la société civile et de l’armée assurent que le M23 a reçu le renfort de troupes « rwandaises », arrivées les 8 et les 12 décembre. Le 8, une source militaire souligne que ce sont des « bataillons » de soldats « rwandais » et « ougandais » qui sont entrés en RDC, alors que Kigali et Kampala sont accusés par des experts de l’Onu d’appuyer les rebelles, ce qu’elles réfutent. Dans l’entre temps, des habitants du Nord-Kivu restent effrayés. Certains ne tardent pas à se rendre dans les camps de déplacés ou des réfugiés, question de se mettre à l’abri, le lendemain étant peu certain. Mais à ce sujet, les avis sont partagés. Si la société civile, par la voix de son vice-président, Omar Kavota, parle des départs massifs, le Haut commissariat aux réfugiés de l’Onu est moins alarmiste, affirmant n’avoir pas vu de villages qui se vident de leurs habitants, précisant que le camp de déplacés de Mugunga III n’a pas enregistré d’autres pensionnaires. Cependant, au port de Goma, des témoins ont noté que des personnes prenaient des bateaux de nuit ralliant Goma à Bukavu et que sur une plage des pirogues motorisées attendaient pour transporter des familles vers l'île d'Idjwi, au milieu du Lac Kivu. Depuis le début des hostilités entre les rebelles du M23 et les FARDC en avril, il y a au moins 500 000 déplacés ou réfugiés qui ont fui les combats. Insécurité grandissante Pour le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku, les rebelles du M23 essaient de maintenir un climat de "psychose" à Goma. "Le M23 veut maintenir la population de Goma dans une psychose pour faire pression à Kampala", où des discussions préliminaires de sortie de crise sont engagées depuis plus d'une semaine entre les autorités légales et les rebelles. Selon lui, les rebelles veulent faire "pression pour dire qu'à tout moment, si on ne fait pas ceci ou cela à Kampala, ils prendront Goma". Le retrait des hommes de Sultani Makenga n’a pas permis de faire revenir la quiétude dans le Nord-Kivu, dont la situation sécuritaire « reste tendue et précaire », selon Lambert Mende, porte-parole du gouvernement. La ville de Goma est toujours confrontée à d’importants problèmes d’insécurité. Depuis le retrait du M23 du chef-lieu du Nord-Kivu, plusieurs braquages, attaques à main armées et assassinats ont été recensés. Comme l’assassinat samedi 15 décembre matin du major de police Bertin Chirumana, qui avait accompagné le premier redéploiement de policiers loyalistes à Goma après le retrait des rebelles. Celui-ci a été retrouvé mort, son corps criblé de balles, neuf balles au total, et la jeep était calciné. A ce sujet, un suspect vient d’être appréhendé. C’est un ex-militaire qui aurait des liens avec le M23 et qui est en train d’être interrogé pour remonter la filière des commanditaires de cet assassinat crapuleux. La chute de cette ville a entraîné l’évasion de 1 170 détenus de la prison de Munzenze. Ces évadés ainsi que d’autres éléments camouflés en rebelles du M23 sont déterminés à rendre la vie invivable pour montrer que la ville est mal gouvernée. Une thèse que les supplétifs du Rwanda entendent mettre en exergue pour justifier une autre prise de Goma. Que de fois les hommes de Jean-Marie Runiga ont crié haut et fort que la sécurité de la population était leur principale préoccupation. Aussi ne cessaient-ils de justifier ainsi leur présence dans Goma. Elargissement des revendications Au départ, le M23 réclamait la pleine application des accords du 23 mars 2009, qui ont conditionné l’intégration dans l’armée de ses hommes, alors dans une autre rébellion : le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Mais depuis plusieurs mois, les rebelles du M23 ont élargi leurs revendications aux questions d’ordre politique, diplomatique, social, aux droits de l’homme… « Le M23 est en train de préparer une guerre au cas où ça capote à Kampala, affirme Omar Kavota, vice-président de la Société civile du Nord-Kivu. Autour de Goma, la population annonce que le M23 ramasse des armes dans le village de Buhimba. Des armes blanches (machettes et petites haches), des armes à feu. Ils disent qu’un autre stock est au chef-lieu de Nyiragongo et à Gisenyi, au Rwanda. » Kléber Kungu

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