mardi 10 décembre 2013

Y aura-t-il d’autres Mandela ?



Nelson Mandela mort

Y aura-t-il d’autres Mandela ?

            Nelson Mandela s'est éteint à son domicile de Johannesburg jeudi 5 décembre 2013 à l’âge de 95 ans, emporté par une infection pulmonaire l’ayant poussé à être interné à l’hôpital à plusieurs reprises. Des hommages des grands de ce monde fusent de partout, louant les qualités cardinales de cet homme hors pair, prix Nobel de la paix 1993 partagé avec le dernier président de l'apartheid, Frederik De Klerk. Aura-t-il inspiré les dirigeants africains qui ne tarissent pas d’éloges à son endroit ? Des éloges qui ne se limitent à la seule admiration. Il sera inhumé le 15 décembre. Lui mort, emportera-t-il toutes ses qualités sans faire des héritiers ? Y aura-t-il d’autres Mandela ? Mandela survivra-t-il à travers quelques oiseaux rares ?

            Nelson Mandela, affectueusement appelé Madiba, a été, de son vivant, l’une des incarnations des droits de l'Homme. Un homme en qui le monde entier reconnaît unanimement les qualités d’un leader qui fait de lui aujourd’hui un héros. Mais, Madiba mort, les Africains pourront-ils espérer que sa mémoire pourrait être honoré par d’autres Mandela qu’auront incarné les dirigeants africains ?

            En lui-même, Nelson Mandela a incarné de son vivant une somme de qualités humaines dont Dieu n’a pas pu pourvoir tout humain et que les autres humains lui reconnaissent de manière unanime. Humilité, altruisme, humanisme, amour du prochain, charisme, esprit d’écoute, capacité à se remettre en question, sens tactique, sens élevé du pardon, esprit de sacrifice, respect des autres, respect de la parole donnée, justice, réconciliation, prudence, habileté, pragmatisme, capacité à concevoir de multiples stratégies au service de ses combats, Mandela les possédait et, le cas échéant, savait les mettre en pratique ou s’en servir pour se rendre utile aux gens. Ce qui a fait de lui un dirigeant modèle que l’Africain souhaite avoir.
            Pour toutes ces qualités, Mandela faisait la fierté de l’Afrique, de tout le peuple africain. Ces qualités, Nelson Mandela les a utilisées comme une arme redoutable pour remplir une carrière politique riche en événements heureux, pour mener bien des médiations de son vivant.
            Il estimait, par exemple, qu’il ne fallait pas dicter aux gens leur conduite, mais plutôt instaurer un consensus dans lequel chacun trouverait sa place. De tout temps, le leader charismatique a su convaincre et inspirer les autres, toujours avec empathie et en se mettant au diapason de ses interlocuteurs. Au final, il voulait les amener à embrasser ses idées, leur laissant croire qu'ils en avaient été porteurs eux-mêmes.
            D’une humilité déconcertante, Mandela refusait de s’approprier seul tous les succès d’un combat, estimant que cela était possible grâce à la contribution des autres.  Que de succès, de victoires deviennent la propriété exclusive d’un seul individu, même si l’évidence montre que d’autres y ont contribué grandement.
            Qui des dirigeants africains serait prêt à pardonner à ses ennemis, à ses adversaires politiques qui auraient contribué à sa chute politique ? Ya-t-il un président africain qui serait prêt à ne faire qu’un seul mandat après avoir obtenu l’occasion tant rêvée de diriger son pays au terme d’une lutte qui l’a conduit en prison ? Mandela a su incarner le modèle de gouvernance et d’alternance du pouvoir en Afrique - où la plupart des dirigeants prennent le pouvoir et ne le lâchent plus - en passant la main au bout d’un seul mandat.

Leader incontesté
            Nelson Mandela fut un leader incontesté à l’éthique chevillée au corps. Son humilité naturelle, sa capacité à se remettre en question et surtout son remarquable sens tactique, travaillé du temps de sa captivité ont contribué à sa réussite politique.
            L'ex-président sud-africain restera dans l'histoire un personnage de légende, une icône planétaire. Ses années de combat, de prison, de gouvernance et de retraite en ont fait une autorité morale universelle.
            Ses 27 ans de prison qui l’ont privé de liberté, il les doit aux Blancs à qui il n’a pas hésité à pardonner une fois hors des geôles. Son sens élevé de pardon l’a poussé à travailler avec ses anciens geôliers, oubliant toutes les brimades, les humiliations de toutes sortes. Son humanisme et son sens élevé de réconciliation ont pris le dessus de tout autre esprit revanchard qui circule dans les veines de bien des humains…
            Sans beaucoup d’effort de sa part, Nelson Mandela a su emmagasiner, comme leader, une forte dose de charisme que son humilité et son respect envers les autres – que bien des dirigeants prennent pour de la faiblesse -  sont parvenus à cimenter pour le hisser au rang d’un héros mondial vénéré aujourd’hui par la planète tout entière.

Un «animal politique infatigable»toujours au service des autres
            Alors qu’au terme d’un seul petit mandat à la magistrature suprême de son pays, le 1er juin 1999, Nelson Mandela promet de consacrer le temps qu'il n'a jamais eu à ses treize petits-enfants et à son épouse, Graça Machel, la veuve du président mozambicain Samora Machel, épousée en troisièmes noces, à 80  ans, en se retirant dans son village natal du Transkei, sa propension à servir les autres l’emporte sur les intérêts familiaux.
            Fort de son sens élevé d’écoute, son habileté, son sens tactique acquis sur le ring –il fut boxeur – Mandela parviendra à dénouer d’inextricables conflits comme celui des Buruindais au chevet desquels il va se mettre en février 2000, renvoyant ainsi sa retraite à plus tard. Ce politicien que ses proches vont appeler «Animal politique infatigable»,va multiplier des services de bons offices auprès de ceux qui en ont besoin. Il sera souvent contacté pour servir de médiateur dans les conflits africains. Mais après avoir bouclé l'accord de paix inter burundais en août 2000, il décline tout mandat au Kosovo et en République démocratique du Congo (RDC), alors qu’il avait déjà joué le rôle de médiateur en RDC entre les présidents Laurent-Désiré Kabila qui prenait le pouvoir et Mobutu Sese Seko qui en était chassé.
            Cela n’a pas empêché le héros de la lutte anti-apartheid de s'exprimer sur toutes les questions du moment. En 2001, il n'hésite pas à critiquer l'attaque américaine en Irak. Et en vieillissant, l'icône de la réconciliation se soucie de moins en moins du «politiquement correct». Il invite chez lui sans complexe à la fin de l'année 2004 le président haïtien déchu, Aristide.
            Alors, quel est ce président africain qui se met au service de ses pairs en montrant ou en étant lui-même l’exemple, le modèle de bonne gouvernance et d’alternance au pouvoir?
            Retiré de la vie publique depuis plusieurs années, l’ancien premier président noir de l’Afrique du Sud, est sorti de la prison après 27 ans passé devant les barreaux.
            Mort à l’âge de 85 ans après avoir été vaincu, comme un boxeur résistant, à l’issue d’un interminable combat, je voudrais une longue et pénible maladie, Nelson Mandela quitte cette terre qu’il a bien servie, pleuré par toutes les races.
            Il a su montrer que, pour être bien connu, si bien connu, pour bien servir ses pairs, il ne suffit pas de s’accrocher au pouvoir, de s’y éterniser. On peut bien servir l’humanité en si peu de temps, services, mais bien rendus. Il a su marquer son époque par sa son empreinte qu’aujourd’hui, Mandela parti, l’on se demande si nous pouvons espérer demain avoir d’autres Mandela.
Kléber Kungu



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire