A l’issue de deux cérémonies d’obsèques émouvantes
Mandela inhumé à Qunu, village de son enfance
Après
dix jours d’un deuil historique, l'Afrique du Sud a rendu un
ultime hommage à Nelson Mandela. Ses obsèques ont eu lieu en deux temps
dimanche matin dans le village de son enfance, Qunu, où il a été inhumé à midi
au moment où le soleil était à son zénith, selon la tradition de sa tribu, dans
le petit cimetière familial, à côté de ses parents et des trois de ses enfants.
Nelson
Mandela a été inhumé dimanche 15 décembre 2013 au cours d'une cérémonie très
restreinte avec environ 450 personnes parmi les plus proches dont ses enfants
et ses petits-enfants, des invités triés sur le volet (chefs d'Etat et de
gouvernement), auprès de sa mère et trois de ses enfants, à Qunu - son village
d'enfance. Une cérémonie qui a eu lieu, selon la volonté de ses enfants, à
l’abri de tout média et sous la direction des chefs coutumiers.
Selon le
rituel Umkapho, devant la tombe de Nelson Mandela, seuls les aînés du clan ont
pris la parole pour s'adresser aux ancêtres pour que le défunt soit pardonné et
accepté parmi les siens.
Un endroit sécurisé et jamais un lieu de pèlerinage
Trois
hélicoptères militaires et six avions de combat ont survolé le cimetière
pendant la mise en terre, suivis de plusieurs coups de canons. Ensuite les
caméras de télévision qui transmettaient la cérémonie se sont détournées
pendant les rites religieux et traditionnels. Peu après, le cercueil de
l'ancien président sud-africain a été mis en terre sur un coin du vaste domaine
des Mandela, non loin de sa mère et de ses enfants décédés en 1948, 1969 et
2005. Un lieu bien protégé des regards, par un mur de pierre et de la
végétation. Pour l'instant, aucune annonce n'a été faite sur ce qu'il
adviendrait de la tombe après les funérailles.
Selon la
fille aînée de Mandela, la sépulture de son père ne deviendrait en aucun cas un
lieu de pèlerinage. Mais le gouvernement sud africain a laissé entendre ces
derniers jours que la famille Mandela pourrait ouvrir un accès limité à la
tombe, par exemple aux habitants de Qunu, qui espèrent bien que la porte de
Mandela, même après sa disparition, restera ouverte, et qu'ils pourront venir
lui rendre un hommage discret.
Pendant
trois heures quelque 4.500 personnalités avaient auparavant participé aux
funérailles nationales, qui ont associé honneurs militaires et rites
traditionnels de l'ethnie Xhosa à laquelle appartenait Nelson Mandela. Entouré
par Graca Machel, la veuve du premier président noir de l'Afrique du Sud et par
son ancienne épouse Winnie Madikizela-Mandela, le président sud-africain Jacob
Zuma figurait au premier rang de la cérémonie.
Deux cérémonies
émouvantes
La première
cérémonie a débuté peu après 7 heures par l'hymne national «Nkosi
Sikelel'iAfrika» (Dieu bénisse l'Afrique). Ce sont les premières funérailles
d'Etat de l'histoire de l'Afrique du Sud. 4500 dignitaires accompagnaient
l'ancien président dans son dernier voyage terrestre , dont le prince Charles,
le révérend américain Jesse Jackson ou la star de la télévision Oprah Winfrey.
Mgr Desmond Tutu a finalement pris
part à cette cérémonie, après avoir déclaré qu’il n’y prendrait pas part, faute
d’avoir reçu d’invitation. L'archevêque très critique envers le gouvernement
sud-africain actuel et son président n'avait au départ pas reçu d'invitation,
ce qui avait provoqué un début de polémique. La France était représentée
par Lionel Jospin et Alain Juppé.
La seconde cérémonie
stricte, faite de discours, a mêlé honneurs militaires et rites traditionnels
Xhosa. Elle était dépouillée de toute l'euphorie de la veille qui avait entouré
le trajet du corbillard de Mandela à Mthatha, la capitale régionale.
Devant le
cercueil, et son parterre d'invités représentant presque toutes les nations de
la terre, le président sud africain Jacob Zuma a rappelé, une fois encore,
combien le pays devait au défunt. «Et aujourd'hui plus que jamais nous devons
l'écouter. Ses paroles sont souvent comme des versets de la Bible».
L'hommage
le plus émouvant a été rendu par Ahmed Kathrada, l'ancien compagnon de cellule
de Madiba sur l'île de Robben Island, au large du Cap. Il dit vouloir garder la
mémoire de l'homme "plein d'énergie" qui a "sacrifié
toute sa vie pour l'ANC".
" Ta
vie est un exemple aux yeux des générations actuelles et futures, d'exemple
d'amour, de simplicité, d'honnêteté, de courage et de patience".
"J'ai perdu un frère. Ma vie est vide et je ne sais plus vers qui me
tourner", a-t-il conclu, les larmes aux yeux.
La
petite-fille de Nelson Mandela, Nandi Mandela, a insisté sur l'humour dont
faisait preuve à toute occasion son grand-père. "Tes rires vont nous
manquer", a-t-elle déclaré.
«Tatamkhulu, ta voix sévère va nous manquer...»
La
présidente du Malawi Joyce Banda a elle évoqué la manière dont «tout le monde
tombait amoureux de Mandela», provoquant une salve d'applaudissements. L'une
des petites-filles du défunt, Nandi Mandela, a détendu l'atmosphère en revenant
sur les qualités de conteur de son «tatamkhulu» (grand-père). «Il préférait les
histoires qui lui permettaient de se moquer de lui-même», a-t-elle rappelé,
«Tatamkhulu, ta voix sévère quand tu n'étais pas content de nous va nous manquer...»
Peu avant
midi heure française, le cercueil a quitté le chapiteau où se déroulait la
première cérémonie pour l'inhumation dans l'intimité.
Comme une
dernière marque de respect, les caméras des télévisions du monde entier qui couvraient l’événement se sont vite
éteintes alors que vrombissaient de six jets et de trois hélicoptères rendant
les honneurs militaires. «Ce fut vraiment une longue marche vers la liberté», a
remarqué, en guise de derniers mots, le révérend Vukele Mahana, reprenant le titre
de l'autobiographie de Nelson Mandela.
Nelson
Mandela a été mis en terre en présence de quelques centaines de personnes,
essentiellement des proches. Le président sud-africain Jacob Zuma s'est levé
quand le cercueil est descendu dans la tombe.
Sur l'une
colline qui entourent les lieux, des guerriers traditionnels Xhosa, la tribu de
Mandela, lances et boucliers en main ont eux aussi rendu un hommage armé à leur
ancien prince. L'une des rares manifestations d'au revoir de Qunu à son plus
célèbre enfant.
Enfin, le
président Zuma a entamé son éloge funèbre par un chant de ralliement de l'ANC à
l'époque de la lutte anti-apartheid. Une chanson reprise en chœur par
l'assistance. Le chef de l'Etat sud africain - qui devrait briguer un nouveau
mandat au printemps prochain malgré les scandales de corruption, a promis de
"suivre les enseignements" de celui qu'il a appelé "Tata",
le surnom affectueux donné par les Xhosas à Nelson Mandela. Jacob Zuma a promis
de s'attaquer à la pauvreté en œuvrant à la construction d'une "Afrique du
Sud pour tous".
Le Musée Nelson Mandela de Qunu
En plus
d'expositions et de conférences, la maison de Mandela a proposé des visites
guidées, des randonnées sur les collines où Mandela adolescent goûta une
liberté qu'il décrivit avec amour tout au long de sa vie de luttes.
Kléber Kungu
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