dimanche 15 décembre 2013

Mandela inhumé à Qunu, village de son enfance



A l’issue de deux cérémonies d’obsèques émouvantes

Mandela inhumé à Qunu, village de son enfance

            Après dix jours d’un deuil historique, l'Afrique du Sud a rendu un ultime hommage à Nelson Mandela. Ses obsèques ont eu lieu en deux temps dimanche matin dans le village de son enfance, Qunu, où il a été inhumé à midi au moment où le soleil était à son zénith, selon la tradition de sa tribu, dans le petit cimetière familial, à côté de ses parents et des trois de ses enfants.
            Nelson Mandela a été inhumé dimanche 15 décembre 2013 au cours d'une cérémonie très restreinte avec environ 450 personnes parmi les plus proches dont ses enfants et ses petits-enfants, des invités triés sur le volet (chefs d'Etat et de gouvernement), auprès de sa mère et trois de ses enfants, à Qunu - son village d'enfance. Une cérémonie qui a eu lieu, selon la volonté de ses enfants, à l’abri de tout média et sous la direction des chefs coutumiers.
            Selon le rituel Umkapho, devant la tombe de Nelson Mandela, seuls les aînés du clan ont pris la parole pour s'adresser aux ancêtres pour que le défunt soit pardonné et accepté parmi les siens.
Un endroit sécurisé et jamais un lieu de pèlerinage
            Trois hélicoptères militaires et six avions de combat ont survolé le cimetière pendant la mise en terre, suivis de plusieurs coups de canons. Ensuite les caméras de télévision qui transmettaient la cérémonie se sont détournées pendant les rites religieux et traditionnels. Peu après, le cercueil de l'ancien président sud-africain a été mis en terre sur un coin du vaste domaine des Mandela, non loin de sa mère et de ses enfants décédés en 1948, 1969 et 2005. Un lieu bien protégé des regards, par un mur de pierre et de la végétation. Pour l'instant, aucune annonce n'a été faite sur ce qu'il adviendrait de la tombe après les funérailles.
            Selon la fille aînée de Mandela, la sépulture de son père ne deviendrait en aucun cas un lieu de pèlerinage. Mais le gouvernement sud africain a laissé entendre ces derniers jours que la famille Mandela pourrait ouvrir un accès limité à la tombe, par exemple aux habitants de Qunu, qui espèrent bien que la porte de Mandela, même après sa disparition, restera ouverte, et qu'ils pourront venir lui rendre un hommage discret.
            Pendant trois heures quelque 4.500 personnalités avaient auparavant participé aux funérailles nationales, qui ont associé honneurs militaires et rites traditionnels de l'ethnie Xhosa à laquelle appartenait Nelson Mandela. Entouré par Graca Machel, la veuve du premier président noir de l'Afrique du Sud et par son ancienne épouse Winnie Madikizela-Mandela, le président sud-africain Jacob Zuma figurait au premier rang de la cérémonie.

Deux cérémonies émouvantes
            La première cérémonie a débuté peu après 7 heures par l'hymne national «Nkosi Sikelel'iAfrika» (Dieu bénisse l'Afrique). Ce sont les premières funérailles d'Etat de l'histoire de l'Afrique du Sud. 4500 dignitaires accompagnaient l'ancien président dans son dernier voyage terrestre , dont le prince Charles, le révérend américain Jesse Jackson ou la star de la télévision Oprah Winfrey.
            Mgr Desmond Tutu a finalement pris part à cette cérémonie, après avoir déclaré qu’il n’y prendrait pas part, faute d’avoir reçu d’invitation. L'archevêque très critique envers le gouvernement sud-africain actuel et son président n'avait au départ pas reçu d'invitation, ce qui avait provoqué un début de polémique. La France était représentée par Lionel Jospin et Alain Juppé.
            La seconde cérémonie stricte, faite de discours, a mêlé honneurs militaires et rites traditionnels Xhosa. Elle était dépouillée de toute l'euphorie de la veille qui avait entouré le trajet du corbillard de Mandela à Mthatha, la capitale régionale.
            Devant le cercueil, et son parterre d'invités représentant presque toutes les nations de la terre, le président sud africain Jacob Zuma a rappelé, une fois encore, combien le pays devait au défunt. «Et aujourd'hui plus que jamais nous devons l'écouter. Ses paroles sont souvent comme des versets de la Bible».
            L'hommage le plus émouvant a été rendu par Ahmed Kathrada, l'ancien compagnon de cellule de Madiba sur l'île de Robben Island, au large du Cap. Il dit vouloir garder la mémoire de l'homme "plein d'énergie" qui a "sacrifié toute sa vie pour l'ANC".
            " Ta vie est un exemple aux yeux des générations actuelles et futures, d'exemple d'amour, de simplicité, d'honnêteté, de courage et de patience". "J'ai perdu un frère. Ma vie est vide et je ne sais plus vers qui me tourner", a-t-il conclu, les larmes aux yeux.
            La petite-fille de Nelson Mandela, Nandi Mandela, a insisté sur l'humour dont faisait preuve à toute occasion son grand-père. "Tes rires vont nous manquer", a-t-elle déclaré.

 

«Tatamkhulu, ta voix sévère va nous manquer...»

            La présidente du Malawi Joyce Banda a elle évoqué la manière dont «tout le monde tombait amoureux de Mandela», provoquant une salve d'applaudissements. L'une des petites-filles du défunt, Nandi Mandela, a détendu l'atmosphère en revenant sur les qualités de conteur de son «tatamkhulu» (grand-père). «Il préférait les histoires qui lui permettaient de se moquer de lui-même», a-t-elle rappelé, «Tatamkhulu, ta voix sévère quand tu n'étais pas content de nous va nous manquer...»
            Peu avant midi heure française, le cercueil a quitté le chapiteau où se déroulait la première cérémonie pour l'inhumation dans l'intimité.
            Comme une dernière marque de respect, les caméras des télévisions du monde entier  qui couvraient l’événement se sont vite éteintes alors que vrombissaient de six jets et de trois hélicoptères rendant les honneurs militaires. «Ce fut vraiment une longue marche vers la liberté», a remarqué, en guise de derniers mots, le révérend Vukele Mahana, reprenant le titre de l'autobiographie de Nelson Mandela.
            Nelson Mandela a été mis en terre en présence de quelques centaines de personnes, essentiellement des proches. Le président sud-africain Jacob Zuma s'est levé quand le cercueil est descendu dans la tombe.
            Sur l'une colline qui entourent les lieux, des guerriers traditionnels Xhosa, la tribu de Mandela, lances et boucliers en main ont eux aussi rendu un hommage armé à leur ancien prince. L'une des rares manifestations d'au revoir de Qunu à son plus célèbre enfant.
            Enfin, le président Zuma a entamé son éloge funèbre par un chant de ralliement de l'ANC à l'époque de la lutte anti-apartheid. Une chanson reprise en chœur par l'assistance. Le chef de l'Etat sud africain - qui devrait briguer un nouveau mandat au printemps prochain malgré les scandales de corruption, a promis de "suivre les enseignements" de celui qu'il a appelé "Tata", le surnom affectueux donné par les Xhosas à Nelson Mandela. Jacob Zuma a promis de s'attaquer à la pauvreté en œuvrant à la construction d'une "Afrique du Sud pour tous".
Le Musée Nelson Mandela de Qunu
            En plus d'expositions et de conférences, la maison de Mandela a proposé des visites guidées, des randonnées sur les collines où Mandela adolescent goûta une liberté qu'il décrivit avec amour tout au long de sa vie de luttes.
Kléber Kungu

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