mardi 7 août 2012
CIRGL favorable à une force internationale neutre sans le Rwanda et l’Ouganda
Sommet de Kampala
La CIRGL favorable à une force internationale neutre sans le Rwanda et l’Ouganda
Le coordonnateur national de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), le Congolais Hamuli Kabaruza, est favorable au déploiement d’une force internationale neutre sans le Rwanda et l’Ouganda. «L’avant Kampala ne doit pas être comme l’après Kampala. Il y a urgence. Que la force internationale neutre soit vite déployée et surtout le Rwanda et l’Ouganda ne doivent pas figurer dans sa composition », a déclaré mardi 7 août à Kampala, Hamuli Kabaruza, coordonnateur national de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) au cours du sommet des chefs d’Etat de cette Conférence.
Le sommet de chefs d’Etat de la CIRGL qui s’est ouvert mardi à Kampala se penchera notamment sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC et le principe du déploiement d’une force internationale neutre pour surveiller la frontière entre la RDC et le Rwanda.
Hamuli Kabaruza a condamné l’attitude des rebelles du M23 qui selon lui, ont poursuivi les hostilités au Nord-Kivu même «après la signature des accords du 15 juillet à Addis Abeba, en Ethiopie ». Des sources sur place à Kampala indiquent que toutes les dispositions sécuritaires et protocolaires sont prises pour la tenue de ce sommet qui doit accueillir six chefs d’Etat de la CIRGL.
La délégation congolaise composée notamment de ministres des Affaires étrangères, de la Défense nationale, du coordonnateur national de la CIRGL et du gouverneur du Nord-Kivu séjourne à Kampala depuis trois jours pour préparer ce sommet.
A l’issue d’un tête-à-tête, Joseph Kabila et Paul Kagame avaient adopté le principe du déploiement d’une force neutre internationale le 15 juillet dernier à Addis-Abeba lors d’une réunion de la CIRGL tenue en marge du sommet de l’Union africaine. La force neutre sera chargée de la surveillance de la frontière commune entre la RDC et le Rwanda que Kinshasa accuse de soutenir les rebelles du M23. Elle luttera aussi contre les groupes armés notamment le M23 et les rebelles hutus des FDLR.
La société civile du Nord-Kivu souhaite que les Etats membres de la CIRGL condamnent ouvertement le Rwanda et tous ceux qui soutiennent les rebelles du M23. «L’Ouganda, le Rwanda même le Burundi qui ont des intérêts ne peuvent pas faire partie de cette force internationale neutre mais d’autres Etats qui sont disponibles peuvent le faire », a déclaré le président de cette organisation, Thomas-D’Aquin Mwiti.
A Addis Abeba, les deux présidents s'étaient rencontrés pour la première fois depuis la reprise des hostilités par le M23, et s'étaient entretenus en tête-à-tête.
Si les deux chefs de l'Etat s'étaient accordés sur le principe du déploiement d'une force "neutre" internationale, reste à définir ce qu’elle sera. A ce sujet, beaucoup d’observateurs avisés de la scène politique congolaise parient fort que Kinshasa et Kigali ont des visions très différentes.
Le M23, un des groupes armés
Peu avant l'ouverture de la réunion, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, en visite à Pretoria, a exhorté les Etats d'Afrique centrale, "notamment le Rwanda", à coopérer pour priver de soutiens les mutins du M23, un des principaux groupes armés actifs dans l'est de la RDC.
"Nous exhortons tous les Etats de la région, y compris le Rwanda, à travailler ensemble pour tarir le soutien aux rebelles du M23, pour les désarmer et pour traduire leurs leaders devant la justice", a déclaré Hillary Clinton.
Quelques mois plus tôt, un rapport de l'Onu a récemment accusé Kigali de soutenir les mutins du M23, issus d'une ancienne rébellion intégrée le 23 mars 2009 à l'armée de RDC aux termes d'un accord de paix avec Kinshasa et qui s'est mutiné en avril dans l'est du pays.
Le sommet extraordinaire de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) s'est ouvert en milieu d'après-midi, à huis clos en périphérie de Kampala, en présence du président ougandais Yoweri Museveni, hôte de la réunion, et de ses homologues congolais Joseph Kabila, rwandais Paul Kagame, tanzanien Jakaya Kikwete et burundais Pierre Nkurunziza. Par contre, le Kenya et le Soudan sont représentés par leurs vice-présidents respectifs Kalonzo Musyoka et Adam Youssef. Les quatre autres Etats-membres de la CIRGL (Angola, Centrafrique, Congo et Zambie) sont représentés à des niveaux inférieurs.
La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) compte onze pays : la RDC, le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi, la Tanzanie, le Kenya, le Soudan, l’Angola, la Centrafrique, la République du Congo et la Zambie.
Une solution africaine au conflit dans l'est de la RDC ?
Tandis que les rebelles avancent vers Goma, les dirigeants des pays de la région des Grands Lacs discutent à Kampala, en Ouganda, des modalités nécessaires pour mettre sur pied une force africaine d'intervention commune.
La mission de la future troupe sera avant tout de maîtriser les rebelles du M23 menés par Sultani Makenga et Bosco Ntaganda, qui contrôlent de grandes parties du Nord-Kivu et qui menacent maintenant de prendre la ville stratégique de Goma, la capitale provinciale.
Selon certains spécialistes de la question sécuritaire dans la région des Grands Lacs, les intérêts divergents des onze pays africains membres de la CIRGL, (fondée sous la pression des Nations unies comme alliance régionale) les empêcheront de s'entendre. Au nombre de ces spécialistes, Ilona Auer-Frege du Réseau oecuménique allemand pour l'Afrique centrale qui estime que les membres de la CIRGL, qui ont des intérêts différents et qui sont soumis à la pression des donateurs internationaux, auront de la peine à émettre d’une seule voix.
« La difficulté de la Conférence des pays des Grands Lacs, c'est que ses membres ont des intérêts trop différents. [...] C'est ce que l'on constate encore dans le conflit actuel : ils sont soumis à la pression des donateurs internationaux qui veulent qu'ils s'entendent, mais d'un autre côté, leurs intérêts sont diamétralement opposés, et c'est donc très, très difficile. »
Entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, par exemple, les relations sont au plus bas. Le gouvernement de Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir la rébellion, alors qu'à Kigali le gouvernement de Paul Kagame dément formellement. Le président assure que son pays est victime d'un complot.
Toutefois, lors des premières discussions de la CIRGL, le Rwanda a pu imposer que la future troupe commune n'intervienne pas seulement contre le M23, mais aussi contre toutes les "forces négatives" présentes dans l'est de la RDC, donc aussi contre les restes de la milice des FDLR , un groupe de rebelles rwandais hutus, impliqué dans le génocide de 1994.
Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a déclaré à ce sujet : « Malheureusement, nos voisins ont toujours estimé qu'il faut combattre les FDLR et ne pas toucher au M23, et nous nous demandons bien pourquoi ! Les gens qui sont tués le sont aussi bien par les FDLR que par le M23 et c'est pourquoi il faut éradiquer ces deux mouvements. Mais il y a eu une évolution à Addis Abeba, car le président Kagame a signé cette déclaration, qui définit aussi le M23 comme force négative. Il y a donc un progrès. »
Cependant, la plupart des observateurs pensent que la question d'une troupe d'intervention commune ne restera qu'une déclaration de bonne intention. En effet, en 2005 déjà, une force d'intervention avait été décidée par l'Union africaine pour la RDC. Elle n'a jamais vu le jour.
De quoi donc va accoucher cette rencontre dont les Congolais attendent beaucoup dans le sens du rétablissement de la paix au Nord-Kivu ?
Kléber Kungu
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