RDC, où est ta TNT dont la naissance était bruyamment annoncée ?
(Un dossier de Kléber Kungu avec la collaboration de José Mambwini, spécialiste en TNT)
RDC, où est ta Télévision numérique terrestre (TNT) dont la naissance était bruyamment annoncée par Lambert Mende, ministre de la Communication et Médias de l’époque et le patron de Téléconsult, conseiller technique du gouvernement congolais dans le processus d'implantation de la TNT? Alors que le premier avait annoncé, devant une poignée importante de patrons de chaînes de télévision et de stations de radio, que « dans les tout prochains jours » plus exactement « dans cinq mois », c’est-à-dire au mois d’août 2010, la RDC entrait dans l’ère du numérique, le second avait clamait haut et fort, deux ans plus tôt, le 11 novembre 2008, comme pour préparer l’opinion, que « bientôt la TNT » serait « opérationnelle en RDC », avant de revenir en charge, que « d'ici la fin de cette année [2009, NDLR], l'espace audiovisuel congolais entrera dans le monde du numérique.» Plusieurs années plus tard, l’enfant TNT tarde à naître. Alors qu’on est à trois six mois de l’extinction définitive de la Télévision analogique terrestre (TAT) pour tous les pays appartenant à la Zone 3 de l’Union internationale de télécommunications (IUT).
Le plan international des fréquences, qui était en vigueur jusqu'ici pour l'utilisation du spectre dans les
bandes 174-230 MHz et 470-862 MHz, avait été établi à Stockholm en 1961 (Accord de Stockholm 1961). Ce plan était conçu pour la télévision analogique. A la fin des années nonante, il s'est avéré que le plan de Stockholm ne permettait pas une mise en place efficace de la télévision numérique terrestre. Par conséquent, la nécessité d'élaborer un nouveau plan remplaçant celui en vigueur s'est imposée.
Période transitoire jusqu'en 2015
Autrefois, les bandes de fréquences III (VHF), IV et V (UHF) étaient principalement utilisées pour la desserte TV analogique terrestre, mais dans certains pays aussi pour d'autres services "primaires", comme les applications militaires. Lors de la CRR-06, il a été établi que tous les émetteurs de télévision analogique se trouvant actuellement dans la situation de référence (décrite dans une annexe à l'Accord GE06) peuvent bénéficier d'une protection absolue contre les perturbations engendrées par les émetteurs numériques de radiodiffusion jusqu'au 17 juin 2015 au plus tard (à l'exception de quelques pays africains et arabes, qui ne prévoient de mettre hors service leurs émetteurs TV analogiques dans la bande VHF qu'en 2020). La période jusqu'au 17 juin 2015 est appelée "période transitoire". Alors que va démarrer le nouveau "plan numérique" avec l’avènement de la TNT.
Partons d’une évidence : l’introduction et le déploiement de la TNT est en retard en RDC Et l’on se demande si le gouvernement congolais se rend compte de l’importance de la TNT, partant des préjudices technologiques que le retard de l’avènement de la TNT va occasionner chez les consommateurs potentiels congolais. Pendant que d’autres pays africains, comme le Gabon, sont très avancés sur cette question, la RDC préfère des discours aux actions.
Nous devons imputer le retard de la RDC au maître d’ouvrage qu’est le gouvernement congolais et à l’entreprise chargée d’exécuter ce projet, en l’occurrence, la firme Teleconsult-Congo en sa qualité de Conseil technique du gouvernement congolais dans le processus d'implantation de la TNT sur toute l'étendue du territoire national, de fournisseur du matériel audiovisuel numérique et d’exécutant de cet ambitieux projet. Quel monopole ! Cette question doit préoccuper la représentation nationale de cette deuxième législature mise en place récemment car c’est elle, qu’elle le veuille ou pas,qui doit chercher à voir clair sur la gestion de la chose publique.
Rappel chronologiques des moments importants de l’histoire de l’introduction de la TNT en RDC
Tentons de rappeler les moments importants, par ordre chronologique, de l’histoire de l’introduction de la TNT en RDC. Pour un spécialiste de la question, le dossier TNT en République démocratique du Congo n’a pas été géré avec méthode et ce, en contradiction avec tous les protocoles observés dans la quasi totalité de pays où cette technologie avait été développée. Tant en Occident qu’en Afrique. Nous avons eu à dénoncer cette façon de mener les choses.
2003 : Le gouvernement conclut un contrat de partenariat avec le groupe italien Teleconsult pour l’installation de 12 émetteurs TNT à Kinshasa. Ce contrat, faut-il le préciser, porte, dans un premier temps, sur la fourniture des équipements audiovisuels à la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), avant qu'il ne soit élargi à l'implantation de ce matériel sur l'ensemble du territoire national et à l'installation de la TNT.
Février 2008 : le ministre de la Communication et des médias de l’époque, Emile Bongeli procède au coup d’envoi des travaux de construction du Centre de formation et d’expérimentation de la Télévision numérique terrestre (TNT) et de l’implantation des émetteurs dans 20 nouvelles villes pour la couverture nationale en radiodiffusion et télévision, sous la conduite de Angelo Parenti, directeur général de Teleconsul (source : ACP du 27 février 2008).
À cette occasion, Dino Mandefo, représentant de la société Teleconsult, présente la fiche technique de son entreprise avant de tracer le programme d’action qui vise la couverture du territoire national selon les recommandations du Chef de l’État, afin que le signal officiel soit reçu partout en RDC. La nouvelle fait le tour de l’Afrique centrale !
2 août 2008 : Considérant que la TNT de Kinshasa ne peut guère être implantée sans le quitus de Brazzaville, le ministre des Postes, Télécommunications, chargé des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) de la République du Congo, Thierry Moungalla, se déplace à Kinshasa pour visiter, le samedi 2 août 2008, le Centre d’émission de Binza. Il y est conduit par son homologue congolais, la ministre des Postes, Téléphone et Télécommunications (PTT), Louise Munga. A cette occasion, Teleconsult s’engage à connecter six chaînes radiotélévision sur une même fréquence. Sauf changement de programme, le premier signal devrait être lancé dans la quinzaine du mois de septembre de cette année.
Le 11 novembre 2008 : l’administrateur du site de Teleconsult Congo annonce aux yeux du monde que « bientôt la TNT sera opérationnel en RDC », avant de confirmer que « la RDC était sur l’orbite ses NTIC. » Quelle bonne nouvelle ! Depuis cette date, tout Kinshasa audiovisuel ne jure que par la TNT. « Notre chaîne émet en TNT » pérore l’un des professionnels de média ; « la nôtre est en digital, vocifère l’autre ». Certains vont jusqu’à déclarer haut et fort que « nous, nous émettons en TVHD ». Ignorance en matière technologique mêlée avec un zeste d’orgueil quand tu prends le monde audiovisuel congolais !
Fin juillet 2009 : Emile Bongeli, promu vice-Premier ministre en charge de la Reconstruction, en compagnie de MM. Kimbuta Yango et Daniel Yengo Massampu, respectivement gouverneur de la ville de Kinshasa et administrateur-délégué général de la SNEL, visite le centre d’émission de Binza en vue de s’enquérir de l’état d’avancement des travaux. Angelo Parenti, président de Teleconsult, saisit la balle au bond et rassure l’opinion congolaise que « d'ici la fin de cette année (2009, NDLR), l'espace audiovisuel congolais entrera dans le monde du numérique. » A quelle date précisément ? Il faut attendre 8 mois, soit le mois de mars 2010 pour avoir une réponse claire.
Mardi 2 mars 2010. Au cours d’une conférence qu’il préside à Sultani Hôtel Kinshasa devant une poignée importante de patrons de chaînes de télévision et de stations de radio, Lambert Mende Omalanga, alors ministre de la Communication et des Médias rassure l’opinion et les professionnels des médias que « dans les tout prochains jours » plus exactement « dans cinq mois », c’est-à-dire au mois d’août 2010, la RDC entrera dans l’ère du numérique. Au cours de cette conférence, M. A. Parenti dévoile que sa firme qui travaille en partenariat avec la RTNC et la Renatelsat a la charge d'installer 12 émetteurs dans 20 villes de la RDC, avec 72 chaînes de télévision en raison de 10 chaînes pour chaque émetteur, Binza étant considéré comme le centre de diffusion nationale. Cette précision technique va plonger tout le paysage audiovisuel dans une euphorie aveugle et presque tous quotidiens kinois en font le chou gras, rivalisant d’ingéniosité et de zèle pour annoncer la bonne nouvelle.
Jeudi 11 mars 2010, soucieux de voir le paysage de son pays basculer dans le numérique, le président de la République, Joseph Kabila, assiste en personne à l’installation de « l’antenne TNT lourde de 800 kg » sur « le pylône long de 110 m » censé transporter « l’image et le son numérique à l’intérieur et à l’extérieur de la République démocratique du Congo ». À cette occasion, répondant à une question d’un journaliste, M. Mende annonce que la diffusion de la TNT devra « commencer aux environs du 30 juin 2010 et nous comptons terminer en 2015 de sorte que, au delà de l’horizon 2015, il n’y ait plus d’analogique dans ce pays ». A cette occasion, Angelo Parenti donne même une précision technique de taille : pour recevoir le signal TNT les utilisateurs doivent acheter un « démodulateur-convertisseur », terme inapproprié pour dire décodeur ou terminal numérique. Et M. Dino Mandefo d’ajouter : grâce à la technologie TNT, toutes les chaînes TV de la RDC, une cinquantaine, seront « regroupées sur 12 émetteurs ». (source extrait d’un reportage vidéo mise en ligne : http://www.youtube.com/watch?v=VzoTH_unFlQ ).
Le 30 juin 2010 : Alors que le pays célèbre le cinquantième anniversaire de son indépendance, la TNT est toujours inaccessible au point que l’opinion commence à douter de la véracité de ce dossier. En réalité est que ceux qui annoncent à cor et à cri l’avènement de la TNT dans un bref délai sont sauf grâce à l’ignorance de la majorité des Congolais sur ce dossier. Dis-moi le nombre de Congolais qui parle de ce dossier, je te dirai qui ils sont.
La RDC est réellement équipée d’un réseau TNT ? L’Observateur, le quotidien kinois de l’avenue colonel Ebeya relaie ce doute populaire à travers une série d’articles, dont celui du lundi 21 décembre 2009 intitulé « Guerre de la technologie audiovisuelle : le Gabon doté de la TNT, la RDC toujours analogique ! ». Cet article a mis mal à l’aise certaines personnes qui, de près ou de loin, avaient une quelconque connexion avec le dossier TNT. L’une d’entre elles est celle qui s’est lâchement présentée sous le pseudonyme d’OPENMMIND. Se mettant à intimider ceux des Congolais qui tentent de voir clair sur ce dossier.
Le 24 février 2011, croyant bien faire, le pseudo OPENMMIND (facilement identifiable quand on visionne la vidéo qu’il fait lui-même (en tant que personne morale) circuler sur Youtube (http://fr.search.yahoo.com/search;_ylt=A7x9QXjom4xP6kcAHp5jAQx.?p=Openmmind&fr2=sb-top&fr=yfp-t-703&rd=r1) poste sa réaction sur le blog du journaliste Kleber Kungu affirmant que c’est depuis octobre 2008 que la TNT est disponible à Kinshasa sur le canal 26 (UHF) diffusant le signal numérique de chaînes suivantes : « RTNC 3 Institution, Tropicana TV, La chaîne du Sénat, Télé 50, Raga TV et B-One. Pour ne pas plonger ses lecteurs dans l’ignorance, L’Observateur s’était vu dans l’obligation d’apporter un cinglant éclairage dans son édition du mardi 26 avril 2011.
Aujourd’hui, à 36 mois de l’extinction définitive de l’analogique dans le monde, la TNT congolaise se fait toujours attendre, sauf au centre d’émission de Binza. D’où cette question : Teleconsult, où en est la RDC avec l’introduction et le déploiement de la TNT ?
Quelques incohérences constatées dans le dossier TNT congolaise
La TNT est une technologie très sophistiquée qu’il ne faudrait pas prendre à la légère. Son implantation et son déploiement doivent obligatoirement respectés les protocoles établis par l’UIT lors de la CCR-06. Un spécialiste de la question constatera facilement que, dans son exécution, le dossier TNT congolaise contient des incohérences inexcusables.
1) Étant donné que la technologie TNT est de la compétence directe du ministère des PTT, ce dossier devrait être géré en partenariat avec ce ministère. C’est ce qu’ont fait tous les pays du monde ayant introduit la TNT dans leur paysage audiovisuel. Or, exception congolaise oblige, la TNT congolaise serait réalisée ou en voie d’être réalisée sans l’implication du ministre des PTT qui, par l’intermédiaire de l’Autorité de régulation de la poste et télécommunication (ARPTC) qui a octroyé à Teleconsult l’autorisation d’exploitation, c’est-à-dire l’acte d’agrément. D’ailleurs selon le « Rapport relatif au contrôle de l’exécutif de la loi de finances de l’exercice 2009, 1er semestre », publié en mars 2010 par la Commission économique et financière de l’Assemblée nationale de la RDC , rapport consultable sur internet ( http://bamanisajean.unblog.fr/files/2011/04/rapportecofin.pdf), le ministère des PTT s’était plaint que ses « crédits aient été détournés en partie, au profit du ministère de la Communication et Medias, dont Téléconsult est le bénéficiaire le plus important grâce aux marchés obtenus de gré à gré » (cf. p. 25, point, 2.3.3.4.4, relatif au ministère des Postes, Téléphones et Télécommunications). Rien que sur ce point, dans l’esprit de la continuité des institutions de la République, nos députés nationaux dont le bureau définitif vient d’être élu et installé récemment devrait avoir des éclaircissements « parlementaires » sur l’évolution de la TNT. Et puisque c’est l’argent du contribuable qui finance la TNT, les parlementaires pourraient exiger un audit pour cerner l’enveloppe budgétaire qui a été déjà alloué pour cette technologique dont l’accessibilité se fait toujours attendre.
2) Si l’on analyse le discours de tous les intervenants sur ce dossier, l’on constatera que la TNT congolaise aurait été introduite avant même que le législateur légifère sur le système à adopter. DVB-T ? DVB-T2 ou ISDB-T ? Or, comme nous l’avons souligné dans plusieurs de nos publications, c’est le tout premier préalable pour l’implantation et le développement d’une infrastructure TNT. C’est à partir de ce cadre juridique que le pays devrait commander des décodeurs spécifiques à son réseau. Nous avons déjà développé ces trois systèmes, leurs avantages et leurs inconvénients sur le réseau congolais. La pertinence de nos analyses avaient même conduit certaines représentations diplomatiques accrédites en RDC et certaines personnes très intéressées à bénéficier de nos conseils.
3) Vu la complexité de la mise en place et du développement d’une infrastructure TNT, l’UIT a, noir sur blanc, recommandé des expérimentations in situ ( et non in vitro) afin de déterminer, dans un cahier technique consultable par tous, tous les paramètres techniques et informatiques qui conviendraient audit réseau. A ce stade, le ministère des PTT est très sollicité car c’est lui qui s’occupera de la planification des fréquences (avec possibilité de réutilisation des fréquences tabou), du choix et de l’implantation des réseaux (SFN, MFN ou MIXTE), du (des) choix technique (s) et surtout de la détermination des sites de diffusion. C’est à ce stade aussi que les experts informatiques de ce ministère et de l’exécutant des travaux, sur base des choix techniques effectués par le législateur, travailleront de pair pour vérifier l’applicabilité des normes de compression, des normes de transmissions, etc.
Sauf erreur de notre part, nous croyons savoir qu’aucune expérimentation in situ n’a été effectuée sur l’allotissement de Kinshasa. En France, par exemple, où nous avons eu le privilège se suivre le processus d’introduction et du développement de la TNT, pour arriver au niveau où la TNT est, le pays de Charles de Gaulle avait expérimenté sa TNT en DVB-T dans la ville de Coulommiers (77). De même l’introduction de la DVB-T2 sur son réseau français de la TNT dépendra aussi des résultats de l’expérimentation menée par le groupe TDF dans la ville de Rennes sur le canal 43, depuis les émetteurs Rennes- Cesson Sevigne et Rennes-Janvier.
Pourquoi la RDC fait-elle exception quand on sait qu’aujourd’hui avec les nouvelles technologies, contrairement à hier, une expérimentation in situ peut durer un à trois mois, l’on doit savoir que l’expérimentation in vitro (en laboratoire) n’a pour but que vérifier la compatibilité de différentes techniques devant être utilisés dans un réseau TNT déterminé. L’ordinateur ne fait qu’une projection de la manière dont devrait, normalement, réagir tel ou tel réseau dans tel ou tel site selon les données topographiques en sa possession.
II importe que les autorités politiques de la RDC songent à se rattraper, à rattraper le retard que le pays connaît en matière d’implantation et de déploiement de la TNT. Si on veut rattraper le retard déjà accumulé par le réseau congolais de la TNT, il faudrait que la nouvelle législature en fasse une priorité. La RDC a tout ce qu’il faut pour démocratiser cette technologie et la rendre très accessible à tous, notamment avec les applications ADSL dont les Congolais pourraient rapidement profiter grâce à la fibre optique (dont la mise en service piétine encore).
Montrons notre amour envers notre pays en cherchant à combler notre retard en si peu de temps en nous servant de l’expertise des filles et des fils de la RDC disposés à apporter leur petite brique à la reconstruction et au décollage de leur pays.
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