jeudi 12 avril 2012

Joseph Kabila décide d’arrêter Bosco Ntaganda

Soucieux d’instaurer la paix dans l’Est du pays
Joseph Kabila décide d’arrêter Bosco Ntaganda
Le chef de l’Etat Joseph Kabila a décidé d’arrêter et juger par un tribunal militaire congolais le général Bosco Ntaganda et les officiers mutins. Après plus d’une semaine de négociations menées par des personnalités aux plus hauts postes de l’Etat, le président Joseph Kabila a annoncé lors d’une conférence discrète à Goma qu’il souhaitait que tous les officiers mutins soient arrêtés et jugés pour trahison, y compris Bosco Ntaganda. "L’indiscipline dans l’armée est inacceptable, sans exception", a déclaré le chef de l’Etat congolais mercredi. Par cette décision, la voie de l’arrestation et, par la suite, de l’extradition à la CPI de du général Bosco Ntaganda, surnommé The Terminator, est largement ouverte.
Exaspéré par le climat d’insécurité provoqué par l’ancien chef rebelle devenu général, Bosco Ntaganda et ses hommes dans l’Est de la RDC, le président Joseph Kabila a appelé, mercredi 11 avril, à leur arrestation. C’était lors d'une réunion avec les élus, les chefs coutumiers et les différents responsables de la province du Nord-Kivu dans un hôtel de Goma.
Bosco Ntaganda se déplace librement dans le pays malgré sa mise en accusation par la Cour pénale internationale pour le recrutement des enfants-soldats pour participer aux combats en Ituri, en Province Orientale, dans le nord-est de la RDC, de 2002 à 2003 alors qu’il servait dans les rangs de l’UPC, la milice de Thomas Lubanga.
« Je veux arrêter Bosco Ntaganda parce que l'ensemble de la population souhaite la paix », a dit Joseph Kabila qui est présent dans l’est depuis lundi. Mercredi soir, il était attendu dans le Sud-Kivu. Tous les hauts responsables de la sécurité du pays, du chef d’état-major de l’armée au chef des services de renseignement, se trouvent actuellement à Goma. Joseph Kabila séjourne dans l'est du pays depuis plusieurs jours pour résoudre la crise sécuritaire générée par la désertion des officiers ex-CNDP.
Bosco Ntaganda et ses hommes, majoritairement des Tutsis originaires du Rwanda, ont été intégrés à l'armée congolaise. Leur intégration leur a permis d'imposer leur contrôle sur une grande partie de l'est de la RDC, mais ils sont accusés de brutaliser les communautés des autres ethnies.
L'annonce du président Kabila survient après des affrontements cette semaine entre les hommes de Ntaganda et l'armée congolaise à Rutshuru, dans l'est de la RDC, selon un porte-parole militaire de la région, le major Sylvain Ikenge.
L'organisation américaine Human Rights Watch, qui a fait campagne pour l'arrestation de Bosco Ntaganda, s'est réjouie de la déclaration du président congolais.

Désertion des soldats de Bosco Ntaganda
Près de 300 soldats appartenant à l’ex-rébellion du CNPD ont déserté l’armée dimanche 4 avril, créant un vent de panique et une situation tendue au Nord-Kivu. Des éléments de l’ex-CNDP, un groupe rebelle intégré à l’armée congolaise (FARDC) depuis 2009, devenu un parti politique, ont déserté l’armée ce dimanche, répondant selon toute vraisemblance à l’ordre du général Bosco Ntaganda, le commandant des opérations des FARDC au Nord-Kivu.
M. Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre commis en Ituri en 2002-2003, alors qu’il servait dans les rangs de l’UPC, la milice de Thomas Lubanga. Il est accusé de mêmes crimes que Thomas Lubanga.
La conclusion d’un accord de paix entre le CNDP et le gouvernement congolais en 2009 a permis aux troupes du CNDP avaient été intégrées aux FARDC et Ntaganda promu général malgré le mandat d’arrêt de la CPI . Mais depuis la condamnation de Lubanga par la CPI le 14 mars, le gouvernement congolais est sous pression pour arrêter Ntaganda, que les autorités congolaises avaient jusqu’ici présenté comme un élément stabilisateur de la situation sécuritaire dans l’est.
La rumeur d’une arrestation imminente circulait depuis quelques semaines à Goma. Pour un officier supérieur des FARDC, sous couvert d’anonymat, "Bosco Ntaganda a peur et il réagit comme une bête traquée, en gonflant la poitrine pour intimider l’adversaire".
La désertion des soldats des FARDC appartenant à l’ex-CNDP serait ainsi une simple démonstration de force de la part de Ntaganda, et non le début d’une nouvelle rébellion comme beaucoup l’ont craint.
Un certain nombre de déserteurs seraient d’ailleurs déjà en train de réintégrer les rangs de l’armée, suite à la médiation de hauts responsables militaires venus de Kinshasa le jour même.
La rébellion du CNDP avait fait de nombreux morts entre 2006 et 2009 et Goma avait failli tomber aux mains des rebelles.
Bosco Ntaganda avait toujours bénéficié de la protection de Kinshasa en contrepartie de son rôle dans les négociations qui avaient mis fin à la rébellion du CNDP en 2009. Bosco Ntaganda avait livré Laurent Nkunda, le leader du CNDP, et avait obtenu en échange la protection de Kinshasa contre le mandat de la CPI et un rang de général dans l’armée nationale congolaise (FARDC).
Depuis, Kinshasa a dû faire un revirement de sa position. Alors qu’il contrôlait largement les opérations militaires au Nord-Kivu, l’ex-chef rebelle semble sortir affaibli de cette confrontation avec Kinshasa. Si le nombre de soldats ayant initialement déserté a été estimé entre 200 et 600, nombre d’entre eux ont déjà réintégré l’armé ou ont été neutralisés par des troupes FARDC loyales à Kinshasa.

Pression de la communauté internationale
Depuis la condamnation de Thomas Lubanga par la CPI le 14 mars, le gouvernement congolais est sous pression la communauté internationale pour arrêter M. Ntaganda, que les autorités congolaises avaient jusqu’ici présenté comme un élément stabilisateur de la situation sécuritaire dans l’est, après la signature de l’accord de paix entre le gouvernement et les groupes armés de l’Est en 2009.
Les Etats-Unis d’Amérique, par la voix de leur ambassadeur en RDC, James Entwistle, ont demandé à Kinshasa d’arrêter l’ancien chef rebelle et de livrer à la CPI. Il a montré la position de son pays en marge de la visite en RDC du chef du commandement militaire des Etats-Unis pour l’Afrique, le général Carter Ham.
Après la condamnation de Thomas Lubanga par la CPI, le procureur Louis Moreno avait demandé au pouvoir de Kinshasa de livrer à la Cour le général Bosco Ntaganda, soupçonné de complicité dans les crimes commis par Thomas Lubanga en 2002 dans le district de l’Ituri en Province Orientale durant la guerre inter-ethnique entre Hema et Lendu.
Interrogé sur l’arrestation de Bosco Ntaganda, le porte-parole de la Monusco, Madnodje Mounoubai, a affirmé, mercredi 4 avril, qu’il revenait au seul gouvernement congolais de le livrer ou pas à la CPI, indiquant que la mission onusienne n’était impliquée « ni de loin, ni de près » à une arrestation de l’ex-chef rebelle.
Lors de sa visite à Kinshasa, le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders, avait déclaré, le mardi 27 mars, aux membres des bureaux de deux chambres du Parlement que la RDC devrait coopérer avec la CPI sur la question du transfert de Bosco Ntaganda. Il a ajouté que la difficulté était d'intervenir sans ouvrir un conflit sanglant. "Il faudrait la collaboration du Rwanda".

Soutien du FLNC
La décision de Joseph Kabila de faire arrêter Bosco Ntaganda n’a pas laissé indifférent Nickel Rumbu, président du Front de libération nationale congolais (FLNC). « Les Congolais doivent soutenir avec force la décision prise à Goma par le Commandant suprême des FARDC, président de la République et chef de l’Etat,[Joseph Kabila Kabange], sur la situation sécuritaire et les défections au sein des FARDC dans le Kivu au regard de la demande de la Cour pénale internationale (CPI) d’arrêter le général Bosco Ntaganda », a-t-il déclaré, dans une mise au point publiée le jeudi 12 avril et dont L’Observateur a obtenu copie.
Le numéro un du FLNC a ajouté qu’ « à l’instar des dispositions prises pour traquer Joseph Kony, contrairement aux avis de deux professeurs invités à l’émission [Dialogue inter-congolais de la Radio Okapi, NDLR] et les termes du mandat de la CPI étant clairs sur la personne en cause, le Rwanda, la RDC, l’Ouganda, le Burundi et la communauté internationale par la Monusco, doivent conjuguer ensemble leurs efforts pour arrêter et transférer le général Bosco Ntaganda à la CPI.»
L’insécurité dans la partie orientale de la RDC reste très préoccupante, en dépit de tous les efforts que le gouvernement déploie pour y restaurer l’autorité de l’Etat. Les différents groupes armés qui y pullulent pour diverses raisons, notamment d’exploitation illégale des ressources minières fragilisent quotidiennement la paix. « Dix ans après la signature de l’Accord global inclusif de Sun City, la paix traîne toujours dans l’Est de notre pays et l’insécurité est entretenue par le fait de l’impunité ainsi que de l’échec du brassage des FARDC », a constaté Nickel Rumbu, qui estime qu’on ne doit pas « bâtir une maison sur les fondations instables ou mouvantes. »
Si nous tenons à manger des omelettes, nous devons accepter de casser les œufs qui doivent nous permettre d’avoir ces omelettes. Sinon, nous devons-nous contenter de manger quelque chose qui ressemble à des omelettes, mais pas des omelettes.
Kléber Kungu

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