vendredi 17 septembre 2010

Que deviendra la RDC face à l’avènement de la TNT?

La fin de l’ère analogique approche
Que deviendra la RDC face à l’avènement de la TNT?
Le 17 juin 2015 à 0h01, tous les pays des Régions 1 et 3 de l’UIT doivent impérativement basculer totalement et complètement vers le tout numérique, conformément à l’article 12 des Accords GE-06. L’ère analogique devrait donc prendre fin à cette date. Où en est la RDC avec ce grand événement planétaire ?
En mi-juin 2015, tous les pays membres de l’UIT en général et ceux des Régions 1 et 3 en particulier doivent obligatoirement migrer vers la Télévision numérique par voie de Terre (TNT). Cette migration suppose que chaque pays, plusieurs années plus tôt, devrait s’être préparé à cet avènement historique dans l’histoire de la télévision. Le cas de la RDC m’inquiète. Et pour cause. Hormis des milliers d’annonces faites à ce sujet, il semble qu’aucun travail sérieux n’est fait jusqu’à ce jour. L’on doit savoir que, pour qu’un réseau TNT puisse se développer dans un pays, à côté d’une étude de faisabilité minutieusement menée par un bureau expert en la matière, il faut au préalable entreprendre deux opérations. La première consiste à réaliser des simulations informatiques en fonction des données disponibles sur le relief et la topographie des zones de diffusion. Les résultats enregistrés au cours de cette planification informatique ouvriront la voie aux essais dans des conditions réelles qui, précisons-le, porteront sur une architecture opérationnelle ouverte constituée de plusieurs cellules de radiodiffusion.
L’intérêt de ces essais est qu’ils donneront des indications définitives quant à la viabilité de l’ensemble du système et surtout qu’ils permettront au radiodiffuseur de tester les fonctionnalités d’itinérance entre différents sites partenaires, c’est-à-dire la mise en œuvre de la télévision numérique afin d’en évaluer les performances techniques et la qualité des services telles qu’elles seront perçues par les téléspectateurs. Aujourd’hui, avec un « kit de télévision numérique » (il comprend une tête de ligne chargée du codage MPEG-2, du multiplexage et de la surveillance, de la transmission RF assurant la radiodiffusion, et d’un ensemble d’équipements pour évaluer la qualité de la transmission RF et des programmes vidéonumériques sur le lieu de l’utilisateur final) il est facile, endéans deux semaines ou un mois, de valider les technologies numériques de bout en bout et, pour évaluer, entre autres, les performances du codage MPEG-2, l’économie de largeur de bande par rapport à la qualité, de mesurer la capacité de couvrir une zone au moyen d’un seul émetteur (de service), de faire la preuve de l’efficacité du type de modulation appliquée à la TNT (modulation hiérarchique modulation non hiérarchique ? ou les deux ?) pour les téléspectateurs fixes et mobiles. Si les résultats sont positifs, le radiodiffuseur peut alors y ajouter, toujours à titre d’essai, des « services à valeur ajoutée », tels que : le guide électronique des programmes, la TV avec paiement à l’émission (NVOD), la radiodiffusion de données, l’internet et la messagerie électronique, les jeux, les prévisions météos, le téléachat, etc. C’est à l’issue de tous les résultats enregistrés qu’il pourra développer un réseau TNT, à l’échelle locale, provinciale ou nationale. Est-ce la logique suivie par la RDC pour développer son réseau TNT? Je doute qu’il en soit ainsi, tout en étant incapable de répondre à cette question.

LA TNT encore ignorée de professionnels congolais de l’audiovisuel
Le comportement de certains détenteurs congolais de chaînes TV face à la réalité de la TNT nous place devant une évidence : la TNT est un domaine encore ignoré de professionnels congolais de l’audiovisuel. Et pour cause : certains réduisent la TNT à l’utilisation d’un émetteur numérique. D’autres confondent la TNT avec le transport des flux de leurs chaînes TV par satellite. S’autoproclamant spécialiste en multimédia et en nouvelles technologies de l’information et de la communication, un détenteur de chaîne TV de Kinshasa nous a même confié qu’il était en train de créer son propre réseau TNT dans la capitale congolaise. Deux visions purement et simplement congolaises. La réalité est que la TNT est une technologie très complexe. Et sa mise en place dans un pays exige plusieurs années de préparation, plusieurs milliards d’euros ou de dollars, de centaines de concertations et des réunions, de dizaines d’études de faisabilité menées par des spécialistes et des experts en TNT.
L’on doit savoir que, à côté de la volonté politique et d’équipements, la réussite d’un réseau TNT dépend de l’implication et de « l’interopérationabilité » de trois opérateurs, à savoir : les fournisseurs des contenus (programmes), l’opérateur de réseau et surtout l’opérateur de multiplexage. L’opérateur spécifique de la TNT, c’est donc lui qui organisera la cohabitation des programmes regroupés sur un canal et assurera la gestion technique optimale du canal tout au long du temps de diffusion en fonction de la nature du programme diffusé. Etant donné les multiples encodages des images numériques, il devra effectuer en temps réel les réglages et les ajustements techniques nécessaires pour garantir au téléspectateur une qualité d’image excellente en continu. L’opérateur de multiplexage est une spécialité qu’on acquiert après 3 ans d’étude supérieure en « informatique liée aux NTIC ». De combien d’opérateurs de multiplexage dispose notre pays ? Qu’on ne croie pas que, si l’on dispose d’un émetteur numérique, on peut réaliser un réseau TNT. Cela implique beaucoup de « choses » aujourd’hui ignorées de Congolais. Les énumérer ici prendra plusieurs dizaines de pages. C’est cette ignorance qui, à mon avis, explique la banalité avec laquelle on traite le « dossier TNT » et la spontanéité d’annonce sur l’imminence de l’entrée de la TNT dans notre pays. Si la RDC ne veut pas rater le coche, qu’elle redéfinisse aujourd’hui une autre politique devant faciliter et favoriser la migration de son paysage audiovisuel vers le tout numérique d’ici à l’an 2015 et surtout qu’elle fasse confiance en l’expertise de ses fils qui ne demandent qu’à servir leur pays.

Le « réseau TNT » de Kinshasa est-il virtuel ou réel ?
Au cours d’une conférence de presse tenue le 5 mars dernier par le ministre de la Communication et des Médias en compagnie d’Angelo Parenti, le patron de Téléconsult, il a été annoncé la mise en service à Kinshasa «dans cinq mois», soit en août 2010, d’un réseau TNT. Cette bonne nouvelle était arrivée auprès des personnes non aveugles ni sourdes et très intéressées, dont certains spécialistes en TNT. Du coup, intéressé aussi par cette nouvelle, nous nous sommes ces questions : comment parler de la TNT en RDC quand on sait que la nouvelle loi sur l’audiovisuel n’est pas encore adoptée et promulguée? Comment parler de la TNT quand on sait que le gouvernement congolais n’a pas encore opéré son choix sur l’une de normes en vigueur, à l’ASTC, le DVB-T, l’ISDB-T et la norme chinoise encore embryonnaire ? Aveuglés par leur ignorance, plusieurs détenteurs de chaîne TV locales nous ont affirmé, la main sur le cœur, que le réseau TNT de Kinshasa est déjà opérationnel.
Cette nouvelle nous avait laissé pantois parce que les chaînes qui seraient diffusées dans ce réseau, sont captées sans décodeur. Mais, puisque l’information émane des professionnels de l’audiovisuel, nous nous sommes posé une pléiade de questions. Conformément aux « Plans d'assignation et d'allotissement de fréquences pour la radiodiffusion analogique et numérique, pour les bandes 174-230 MHz et 470-862 MHz, annexés à l'Accord régional relatif à la planification du service de radiodiffusion numérique dans certaines parties des Régions 1 et 3, dans les bandes de fréquences 174-230 MHz et 470-862 MHz, Genève, 2006 (p. 118-123), la ville de Kinshasa ne dispose que de 4 fréquences dédiées à la TNT, à savoir : 186.0 Mhz, 470.0 Mhz (canal 21), 498.0 (canal 24) et 522.0 Mhz (canal 27).
Pour information, conformément à ce document, la ville de Brazzaville en dispose d’une quinzaine. S’il est vrai que Kinshasa dispose d’un réseau TNT expérimental, nous aimerions savoir ceci : 1) sur quelle fréquence est diffusé ce réseau ? 2) Avec quelle modulation, quel rendement de code, quelle intervalle de garde et quel débit utile et surtout quel mode : 2 K ou 8 K ? 3) Quelles sont les chaînes TV qui y sont diffusées ? 3) Avec quel type de multiplexage leurs flux sont transportés : multiplexage statistique ou statique ? 4) Parmi ces chaînes, lesquelles disposent d’un flux à priorité élevée (flux HP) et quelles sont celles qui ont un flux à priorité faible (flux LP) ? 5) Ces chaînes sont en clair ou cryptées ? Dans la première hypothèse, avec quelle famille de décodeurs sont-elles captées? Dans la seconde hypothèse, quel système de cryptage utilisent-elles : le simulcrypt ou le multicrypt ? Pour information le simulcrypt est le système dont l’interopérabilité est gérée par les opérateurs en tête de réseaux et le multicrypt est celui dont l’interopérabilité est gérée dans les terminaux. 6) S’il est vraiment établi que Kinshasa dispose d’un réseau TNT expérimental, il est impératif qu’on sache sur quel réseau de référence (RN) est construite son architecture. De plus, quel que soit le type de RN choisi, il est impératif de savoir le type de configuration d’émetteurs appliqué à ce réseau. Est-ce la configuration « parapluie » ou « repartie » ? Pour information, la configuration « parapluie » consiste en un émetteur point haut de puissance élevée (entre 10 et 30 KW de PAR) et de plusieurs émetteurs complémentaires de puissance faible (entre 100 W et 1 KW de PAR). La configuration « repartie » consiste en plusieurs émetteurs point hauts de puissance comparable (élevée entre 1 et 30 KW de PAR ou plus faible).

La bataille des enjeux du « dividende numérique » aura-t-elle lieu en RDC ?
A côté des avantages classiques de la TNT, l’homme congolais ignore que, derrière la TNT, se profile une bataille économique des enjeux du « dividende numérique ». Conformément aux recommandations de l’UIT, le 17 juin 2015 à 0h1, toutes les fréquences situées dans la sous-bande 790-862 Mhz., c’est-à-dire entre le canal 60 et 69, doivent obligatoirement être libérées au profit de service mobile. Autrement dit, contrairement aux autres chaînes TV diffusant sur les fréquences situées entre le canal 21 et le canal 59 et peuvent bénéficier d’une certaine largesse en fonction du lieu géographique de leur centre d’émission, toutes les chaînes congolaises émettant sur les fréquences situées dans la sous-bande 790-862 Mhz doivent obligatoirement cesser d’émettre au même titre que toutes les chaînes TV situées à 50 km de la frontière. Ce sont ces fréquences libérées dans la sous bande 790-862 Mhz qu’on appelle « dividende numérique » ou « fréquence en or » parce que, étant en dessous de 1 G, elles disposent des qualités physiques naturelles favorisant une bonne propagation du signal téléphonique mobile. C’est pour cette raison que, partout dans le monde, à coup de plusieurs milliards d’euros ou de dollars, les opérateurs téléphoniques se bousculent aux portillons des ministères de PTT pour arracher des autorisations d’exploitation desdites fréquences. Qu’en sera-t-il de la RDC ? Sera-t-elle hors jeu de cette bataille qui se profile à l’horizon ? Laissera-t-elle passer cette manne d’argent nécessaire à son économie et donc à son développement économique ?
2015 n’est pas loin : c’est dans 4 ans. Les décideurs politiques congolais doivent savoir que, contrairement à d’autres pays, la RDC est en retard dans le domaine de la TNT. Ainsi sont-ils appelés à se ressaisir pour rattraper ce retard en ayant à l’esprit que la TNT est toute autre chose que celle qu’on est en train de leur faire miroiter. Outre les nouveautés qu’elle apportera à notre vie de tous les jours, surtout avec la TV mobile sur nos portables et l’instantanéité d’informations pratiques, la TNT est une aubaine économique dont notre pays a tant besoin pour sa reconstruction. En tout cas, le manque de préparation observé en RDC fera en sorte que notre pays entre dans l’ère de la télévision en retard. Nous sommes en 2010. Oui, notre pays peut rattraper son retard avec l’implication de certains fils du pays ayant l’expertise dans ce domaine. La situation de la TNT en RDC exige que les autorités politiques de notre pays réexaminent le dossier TNT avec responsabilité. C’est à prendre ou à laisser.
Kléber Kungu

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