Ituri, un district en reconstruction
Les retournés de Dz’na ravitaillés à la foire de l’Unicef (3)
(Par Kléber Kungu, envoyé spécial en Ituri/Bunia)
Femmes, hommes, enfants : ils sont 5 542 ménages rassemblés sous une grande tente, comme des électeurs devant un bureau de vote, attendant de déposer les bulletins dans l’urne. Ils sont venus de 34 localités du groupement de Dz’nna du territoire de Djugu. Un agent les sensibilise sur les procédures de la foire. Entre temps, un animateur, habillés en ‘’Père Noël’’, anime sous les sons tonitruants d’un baffle distillant des chansons des artistes musiciens congolais. Rangés sur un côté, une cinquantaine de commerçants de la région piaffant d’impatience attendent le coup d’envoi de cette foire des biens alimentaires : piles, postes récepteurs, cahiers, cartables, habits (hommes, femmes et enfants), tôles, matelas, casseroles, babouches, sandales en cuir, chaussures (hommes, femmes et enfants), savons, bicyclettes, machettes, houes, bidons…Bref, tout ce qui est nécessaire aux ménages des retournés pour refaire une vie brisée par des affrontements interethniques, l’Unicef, avec son partenaire Solidarités International, l’offre à ces centaines de nécessiteux, dans le cadre du programme Réponse rapide aux mouvements des populations (RRMP).
La Foire aux NFI (No Foods Item, biens non alimentaires) est une approche que l’Unicef, en appui à l’ONG Solidarités International, utilise pour venir en aide à 5 542 ménages des retournés du groupement de Dz’na, collectivité de Walendu Pitse, territoire de Djugu en Ituri dans le cadre de l’aide humanitaire d’urgence. Les besoins sont identifiés au préalable auprès des ménages de 5 personnes vulnérables chacun. Des commerçants de 4 centres commerciaux de la région signent également des protocoles d’accord avec Solidarités International.
Le jour de la foire, les ménages sont représentés par des femmes accompagnés de leurs maris et de quelques membres de famille devant aider au transport des biens achetés. A chaque ménage, Solidarités International remet un jeton quelques jours plus tôt avant le marché et un coupon le jour même d’une valeur de 75 dollars. Des dispositions pratiques sont prises par les organisateurs pour éviter des cafouillages et des fraudes de la part des bénéficiaires.
Cette année, les organisateurs ont apporté de la nouveauté : c’est le volet éducation. Au cours de la foire, ils invitent un directeur d’école pour la perception des dettes des frais scolaires des parents d’enfants créanciers ou le paiement anticipatif des frais scolaires. Une approche qui semble marche aux dires du directeur.
Plus de 400 000 dollars injectés dans l’économie de la région
La foire a une portée économico-sociale dans la région que son coup d’envoi est précédé par une cérémonie officielle marquée par plusieurs interventions des autorités coutumières, économiques (Fec). Le chef de groupement de Dz’na a insisté sur l’importance de l’éducation en demandant aux parents de profiter de la foire pour acheter en priorité les fournitures scolaires de leurs enfants.
Une fois le coup d’envoi donné, des centaines de personnes, femmes, hommes et enfants se ruent sur les étalages des marchandises pour des achats au moyen de coupons. Une opération intéressante au cours de laquelle des avances des commerçants se confondent aux cris des acheteurs qui se mettent à marchander dans un brouhaha assourdissant englouti par une musique très tonitruante. Ce sont des matelas, des tôles, des pagnes, des casseroles qui sont les plus achetés par les bénéficiaires.
Selon un agent de Solidarités International, cela s’exprimait les besoins urgents des bénéficiaires désireux d’avoir une habitation décente pour refaire une vie détruite par des guerres interminables. Il a ajouté que le jour où il y aurait un projet dans ce sens, ce serait une très bonne chose pour la population.
Le marché de Dz’na de cette année a un impact économique d’autant remarquable qu’il a permis d’injecter plus de 400 000 dollars dans l’économie de la région. En effet, 5 542 ménages ont bénéficié chacun de 75 dollars d’aide de l’Unicef. En plus, environ une cinquantaine de commerçants de la région qui ont eu une occasion gratuite de se faire de bonnes affaires au cours de cette foire, dont l’origine remonte en mars 2009.
Il s’avère cependant qu’au cours de ce marché aux biens non alimentaires, le soleil ne luit pas à tous les commerçants. Comme l’un d’eux venus du territoire de Mahagi, qui nous a confié que c’était d’autres commerçants de la région, parlant le dialecte lendu, qui ont réalisé de bonnes ventes.
A la fin de la foire qui dure environ trois heures, les uns et les autres rentrent heureux : les bénéficiaires avec des biens qui leur permettront un tant soit peu de refaire la vie, les commerçants en réalisant en un coup de bonnes ventes qu’ils n’ont pas l’habitude de réaliser quotidiennement et les organisateurs d’avoir redonné le sourire à des personnes qui ont perdu le sens de la vie.
Aux autorités politico administratives, avec ses moyens, si modestes soient-ils, d’accompagner aussi les humanitaires dans cette tâche de venir en aide à leurs administrés. Question de leur montrer que les humanitaires y sont pour l’aide d’urgence et que le gros du travail leur revient (aux gouvernants).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire