Ituri, un district en reconstruction
Lorsque Coopi et l’Unicef s’occupent des enfants ex-soldats (4)
(Par Kléber Kungu, envoyé spécial en Ituri/Bunia)
Tous gais, filles et garçons, chantant joyeusement, c’est dans cet état d’esprit que nous avons rencontré ces enfants sortis des groupes armés (ESFGA) et ces enfants vulnérables au Centre d’accueil alternatif (CAA) dans la cité de Bunia tenu par Cooperazione internazionale (Coopi) et financé par l’Unicef et le Pam, dans le cadre du projet de prévention, réintégration et protection des ESFGA et des enfants vulnérables. Parmi eux, un ex-combattant de la LRA et un ex-enfant de la rue, avec lesquels nous nous sommes entretenu. Des témoignages autant poignants que révoltants, faits sous le sceau de l’anonymat, sur ce que des irresponsables font subir à la jeunesse innocente.
J.M. nous dévoile les circonstances de sa sortie des rangs de la rébellion. « Après avoir marché dans la forêt sur une distance de 9 km, j’ai atteint un village où des civils m’ont conduit chez des militaires ougandais qui, à leur tour, m’ont conduit auprès des militaires congolais des FARDC. C’est entre leurs mains que Coopi est venu me récupérer », nous a-t-il confié, la voix posée. Pourquoi il a décidé de quitter la rébellion ? « J’ai décidé de quitter la LRA car elle nous faisait subir un calvaire en nous faisant transporter entre autres des armes lourdes. Dans ma fuite, j’ai marché sur des fétiches et j’en ai eu des jambes enflées. Les rebelles de la LRA m’ont brisé l’une de mes jambes. »
C’est dans cet état que Coopi, une ONG italienne, a récupéré cet enfant. Il n’a pas hésité de reconnaître les bienfaits de l’encadrement de l’ONG. « Je suis très content, a-t-il avoué, d’être dans ce Centre où je suis considéré comme son propre enfant », a avoué cet ex-enfant rebelle qui a combattu aux côtés de la LRA qui ambitionne de devenir commerçant.
A tous les enfants qui combattent dans les groupes armés, J.M. adresse ce message : « Qu’ils cessent de combattre dans les groupes armés. »
Si le témoignage de J.M. arrache de la compassion, celui de G.S., ex-enfant de la rue, est révoltant et irrite les bonnes consciences. Cet enfant qui était scolarisé a dû abandonner ses études en raison de l’irresponsabilité de son géniteur biologique qui se mettait à prendre même ses économies, alors qu’il refusait de lui payer les frais scolaires. « Mon papa était un ivrogne qui rentrait soûl chaque jour. Il était devenu très agressif envers ma mère. Ce que je n’ai pas pu supporter. Pour payer mes frais scolaires que mon père était incapable de payer, j’étais devenu chargeur de briques avant de devenir vendeur de pétrole dont les recettes étaient insuffisants pour payer les frais scolaires », nous a-t-il confié. Mais son père était si ivrogne et irresponsable qu’il est parvenu à utiliser les fruits de la vente du pétrole de son fils pour acheter à boire. La révolte de G.S. était telle qu’il a décidé d’abandonner l’école pour aller dans la rue où il a rencontré d’autres amis qui l’ont entraîné dans la prise de l’alcool et de la cigarette.
Aujourd’hui, il est récupéré par le CAA où il vit comme un poisson dans l’eau. Cet ex-shégué (enfant de la rue, NDLR) ne manque pas de grandes ambitions. « Je compte devenir président de la République ou encadreur d’enfants », nous a-t-il confié en demandant aux enfants de ne plus aller dans la rue et aux parents de ne pas les y pousser par leurs comportements.
Les ambitions, parfois démesurées à première vue de ces deux enfants, montrent le contenu réel des cœurs d’une jeunesse dont les ambitions ont été brisées par le comportement inhumain des adultes. Coopi et ses partenaires tentent de redonner un sens à ces vies dont l’élan avait été brutalement interrompu.
Comment vivre dans un village assaini
Offrir l’occasion de vivre une vie saine à des retournés et à la population locale, c’est le combat que l’Unicef, et Oxfam/Québec en appui technique mènent dans le district de l’Ituri dans le cadre du programme national ‘’Village assaini’’. Boya I est l’un des rares villages que nous avons visités qui bénéficient de ce programme mis en œuvre par des zones de santé des cinq territoires d’Ituri (Aru, Djugu, Irumu, Mahagi et Mambasa) depuis 2006. Boya I, à 35 km de Bunia, dans l’aire de santé de Marabo, zone de santé de Nyankunde, dans le territoire d’Irumu, est un village assaini, disposant de toilettes en pisé, mais dont la propreté invite à s’y rendre même et à y rester aussi longtemps que possible. Avec des produits aussi locaux que accessibles (cendre, eau, savon), l’Unicef et Oxfam/Québec ont appris (apprennent) aux bénéficiaires de leur programme comment vivre une autre vie : propre, dépouillée de bien des maladies de mains sales particulièrement. Des installations hygiéniques propres et des sources d’eau construites dans ce village aident ses habitants à la vivre.
Aujourd’hui, ‘’fiers de vivre dans notre village assaini’’ (les membres du comité portent des tee-shirts frappés de ces écrits), les habitants de Boya I témoignent qu’ils ne sont plus visités par des fourmis rouges et des serpents, qu’il y a disparition d’autres maladies (notamment hydriques, dites de mains sales, du paludisme, verminose) et diminution de décès de nouveaux nés…
Ne pas créer la dépendance
Comment éviter de créer la dépendance chez les bénéficiaires de l’aide de l’Unicef ? Genti Miho, chef de bureau de l’Unicef/Bunia nous a donné la philosophie de son institution. « Nous essayons de ne pas créer la dépendance dans l’esprit des bénéficiaires en faisant passer le message selon lequel ce sont eux (les bénéficiaires, NDLR) qui ont la charge de leur propre développement. Notre approche avec le gouvernement est que nous assistons, mais la décision vient du gouvernement avec les communautés bénéficiaires. Aussi le projet est-il pris en charge par le gouvernement et la communauté de base dès le début et non après », a insisté Genti Miho. La construction des écoles, des centres de santé, des maternités, a estimé le numéro de l’Unicef à Bunia, est une réponse à la stabilisation dans l’Est.
Evoluant dans une partie du pays instable du point de vue de l’insécurité, Genti Miho a reconnu que l’Unicef prend des risques en allant dans des zones inaccessibles sur le plan sécuritaire, exemple à Aru, à Mahagi, tout en reconnaissant que les plus grandes difficultés que les humanitaires éprouvent sont entre autres l’insécurité, les contraintes logistiques (manque de routes ou en mauvais état).
Tous ces défis sont loin de le décourager. Aussi l’Unicef envisage-t-il de continuer à accompagner le gouvernement congolais, dans le cadre du plan Starec, en mettant ses ressources au profit de l’éducation de l’enfant congolais pour le développement du pays.
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