Ituri,
Le HCR et ses protégés les retournés
(Par Kléber Kungu, envoyé spécial en Ituri/Bunia)
Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) est très actif en Ituri dans les actions de lutte contre les violences sexuelles et le VIH/Sida et de construction des abris transitionnels en faveur des retournés à Lengabo, victimes des affrontements interethniques de 2002-2003.
Le HCR et les ONG locales utilisent plusieurs moyens pour sensibiliser les populations sur les réalités de la pandémie du siècle : des ateliers de formation, par exemple. Tout récemment, des acteurs de prévention ( ONG nationales et internationales, les représentants du gouvernement, la société civile) ont participé à un atelier de formation de 2 jours. Marie Louise Uroya, chef de bureau Genre, Femme et Enfants a évoqué l’augmentation sensible de cas de violences sexuelles qui ont triplé en raison des guerres nationales et affrontements interethniques. On en compte environ une cinquantaine de cas de violences sexuelles par mois et par territoire. Et les zones aurifères sont les plus victimes de ces violences.
Ce sont, nous a-t-elle informé, les hommes en uniforme qui sont les auteurs de ces violences sexuelles. Certains miliciens pensent qu’en ayant des relations sexuelles avec des jeunes filles ou de vieilles femmes, ils avaient beaucoup plus de chance de remporter la victoire. Elle a accusé, par ailleurs, les autorités politico-administratives congolaises d’être à la base de cette situation avec la mise en place de l’ancien Code de famille et la loi qui avaient fixé à 14 ans l’âge de mariage de la jeune fille.
En dépit de la nouvelle Constitution, qui fixe cet âge à 18ans, les choses ne semblent pas évoluer positivement, étant donné que la tradition est si ancrée dans les mentalités des gens qu’ils ne sont pas près de s’en défaire vite. La prise de la boisson alcoolisée, du chanvre, la fréquentation régulière des lieux de plaisirs (débits de boisson, maison de passe, hôtels…), les mariages précoces constituent les facteurs qui favorisent la pérennisation des cas de violences sexuelles.
Qu’il s’agisse de la saynète jouée lors de l’atelier où un enseignant conditionne le passe d’une jeune élève du secondaire, ayant échoué à la fin de l’année, à des rapports sexuels que l’élève refuse, ou de la construction d’un Centre de dépistage volontaire à l’hôpital général de référence de Bunia où des personnes viennent se faire examiner volontairement, le HCR entend sauver la vie de plusieurs milliers d’Ituriens confrontés aux problèmes de violences sexuelles et au VIH/Sida.
La construction du Centre de dépistage volontaire (CDV) à l’hôpital général de référence de Bunia a favorisé non seulement le dépistage du VIH/Sida dans le cadre du projet exécuté par Oxfam/Québec avec un laboratoire pour le suivi biologique des malades du VIH/Sida, mais aussi et surtout la réduction de la transmission du VIH en améliorant la qualité de la vie des malades. Les retournés, les déplacés internes, les rapatriés, les familles d’accueil démunies et la population locale dans la zone de santé de Bunia sont la cible de ce programme.
Grand impact de l’intervention d’Oxfam/Québec
Aujourd’hui, il s’avère que l’intervention d’Oxfam/Québec, financé par la Banque mondiale, sur le terrain a un grand impact et que les chiffres parlent d’eux-mêmes. Pour le premier semestre de cette année, le CDV a enregistré 859 clients conseillés, dont 855 testés, 489 femmes dont 166 testées positives et 111 femmes VIH positives. Le travail de sensibilisation de la population est tel qu’aujourd’hui celle-ci est fortement sensibilisée t suffisamment informée sur la pandémie du siècle, au point que les PVV ont quitté la clandestinité.
Les uns et les autres notent une grande différence entre la période d’avant CDV et d’après CDV dans le dépistage du VIH/Sida. Avant l’installation du CDV, les consultations se faisaient en catimini, mais depuis qu’il a été construit, on a noté l’afflux des personnes pour le dépistage volontaire. Pour M. Robert, président de l’Union congolaise des personnes vivant avec le VIH/Sida, il était difficile de procéder au dépistage et au traitement de la maladie et qu’il fallait se rendre en Ouganda pour recevoir les soins. La situation est telle qu’aujourd’hui ce sont les Ougandais qui viennent se soigner à Bunia au CDV.
Mais devant l’annonce du départ d’Oxfam/Québec, les bénéficiaires et les autorités médicales de l’HGR d Bunia expriment leur inquiétude de voir la situation se détériorer. Pour le médecin directeur de cette institution hospitalière, « si le gouvernement ne prend pas la relève d’Oxfam/Québec, le fardeau risque de peser sinon sur la structure de prise en charge, du moins sur la personne vivant avec le VIH/Sida (PVV). » Aussi les uns et les autres souhaitent que l’Oxfam/Québec continue ses activités. Aujourd’hui, alors que l’Oxfam/Québec est encore en service, il y a 34 malades du VIH éligibles aux antirétroviraux (ARV) en attente, faute de ces médicaments. Qu’en sera-t-il si les activités de cette ONG canadienne venaient à s’arrêter ?
Le Dr Godé du PNMLS/Ituri, parlant au nom du gouvernement congolais, a souligné l’impact de l’intervention de l’Oxfam/Québec, estimant que « la situation de l’épidémie avant l’arrivée d’Oxfam/Québec était sombre et dramatique, renforcée par les conflits armés et interethniques ». Et en dépit du départ annoncé d’Oxfam/Québec, « le gouvernement n’est pas encore en mesure de prendre en charge les PVV ».
Des abris transitionnels
L’intervention du HCR, dirigé par Jorge Holly, va plus loin en apportant son aide aux retournés victimes des affrontements interethniques à Lengabo à qui il construit des abris transitionnels en collaboration avec l’ONG Adra. Sans le HCR, ces vulnérables, démunis de tout, vivraient aujourd’hui comme des animaux, errant par-ci, par-là. Chassés par des affrontements interethniques de 2002-2003 au cours desquels les miliciens du Front révolutionnaires patriotiques de l’Ituri (FPRI) de Germain Katanga de l’ethnie Ngiti ont pilonné la localité de Lengabo pour le rendre un point stratégique pour la prise de Bunia, de nombreuses personnes, particulièrement des habitants de Lengabo de la tribu Bira, sont rentrés dans leurs villages incendiés avec des bétails, champs, étangs et greniers saccagés, après quelques mois seulement de refuge en Ouganda. Une fois en Ituri, les retournés ont occupé pendant 4 ans la ferme du sénateur Tibasima Mbogemu avant d’en être chassés. Aussi le HCR est venu au secours de ces vulnérables sans abris ni autres moyens de vivre en leur construisant 48 abris transitionnels dans le cadre du projet d’Autonomisation communautaire et de consolidation de la paix en Ituri (ACCPI), en partenariat avec l’ONG Adra, financé par le gouvernement japonais. Les activités d’élevage et d’agriculture ont été associées pour permettre à cette population de se remettre dans la vie autonome.
En dépit de toutes les réalisations sur le terrain, beaucoup reste à faire. Sur 36 zones de santé que compte le district de l’Ituri, il n’y a qu’une seule- celle de Bunia – qui est prise en charge par Oxfam/Québec. Pendant ce temps, on annonce la fermeture des activités de MSF en Ouganda qui aura pour conséquence l’afflux des malades ougandais à Bunia. En plus, la maladie a encore de beaux jours au sein d’une population qui croit que le Sida n’existe pas et victime de nombreux actes de violences sexuelles, l’un des principaux vecteurs de la maladie du siècle.
Du côté du HCR, on tire la sonnette d’alarme. « Les projets du HCR sont des programmes d’urgence qui ne vont pas s’éterniser. Pour cela, il est nécessaire que la relève soit assurée une fois que ces projets arriveront à terme ».
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