jeudi 29 janvier 2015

Loi électorale modifiée : ce qui a été modifié

Congo: Kinshasa
Loi électorale modifiée : ce qui a été modifié
            Pendant plusieurs jours,  le peuple et les dirigeants se sont affrontés dans un combat législatif qui a vu, semble-t-il, le peuple remporter une victoire à l’arraché. Baissant du coup la situation tendue qui a prévalu durant tous les rounds d’un combat qui a vu le pire éviter de justesse. Mais qu’est-ce qui a été modifié dans cette Loi controversée présentée par le Gouvernement et votée par L’Assemblée nationale ? Un alinéa litigieux a été retiré, mais pas le reste, apprend-on.
            Cette incise à l'origine de trois jours de violences à Kinshasa et dans d'autres villes du pays depuis le 19 janvier, a été d'abord corrigée par le Sénat, avant d'être carrément extirpée de la version finale et unique du projet de loi adoptée par le Parlement.
            D’après quelques sources dont Jeune Afrique, la nouvelle loi électorale apporte quelques changements ou innovations dans l'organisation des scrutins en République démocratique du Congo. Une dizaine en tout. :

Les Congolais résidant à l'étranger pourront (enfin) voter
            Si en  2006 et en 2011, les Congolais se trouvant à l'étranger le jour du scrutin n’avaient pas voté, l'une des conditions pour être électeur étant la présence sur le territoire national, la nouvelle loi leur permet de voter cette fois-ci en en retirant cette obligation – d’être présent sur le territoire national le jour du vote, uniquement pour l'élection présidentielle. Du moins à condition de disposer d'une carte d'identité et d'une carte consulaire.

Le recensement toujours exigé pour l'organisation des législatives
            Dans le projet de loi initial, il est prévu que la liste électorale soit "actualisée en tenant compte de l'évolution des données démographiques et de l'identification de la population". Une incise qui conditionne la tenue des prochains scrutins présidentiel et législatifs, en l'occurrence, à l'organisation préalable du recensement général dans le pays. C'est cett modification qui est à l’origine des émeutes qu’a connues la RDC et qui a divisé la classe politique congolaise.
            Le Sénat a dû reformuler la disposition controversée pour apaiser les esprits surchauffés. Mais la source rapporte que cette option n'est cependant pas passée à la commission mixte paritaire. Celle-ci a choisi de la supprimer du texte. Mais des voix s'élèvent pour dénoncer le maintien du recensement comme préalable à l'organisation des législatives en RDC.
            Pour l'élection des députés nationaux, le nombre des sièges à pourvoir dans chaque province ne sera plus en effet déterminé par le nombre des électeurs enrôlés de la circonscription considérée, mais suivant "les données démographiques actualisées".
Le fichier électoral doit être disponible sur internet
Contrairement à la loi électorale en vigueur, le projet de loi devant être promulgué sous peu par le chef de l’Etat Joseph Kabila  oblige à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) de "[rendre] disponible sur [son] site internet" le fichier électoral national.

Un parti doit être agréé au plus tard 12 mois avant l'enregistrement des candidatures
Pour éviter tous les aventuriers politiques, l nouvelle Loi électorale prévoit qu’un parti soit agréé au plus tard 12 mois avant l’enregistrement des candidatures. Désormais, les partis politiques nouvellement créées doivent être agréés par le ministère de l'Intérieur au moins 12 mois avant le début de l'enregistrement des candidatures. Ce délai est réduit à trois mois pour les regroupements politiques. Les transfuges politiques de dernière minute sont donc prévenus. Par conséquent, si le projet de loi est promulgué, ils ne pourront plus se présenter aux élections sous l'étiquette d'un parti créé à la veille du scrutin.

Les Congolais ne pourront voter que le dimanche ou un jour férié
Si les jours de vote sont laissés à la discrétion de la Ceni, cette dernière est néanmoins tenue, pour le scrutin direct (la présidentielle et les législatives notamment), d'organiser l'élection le dimanche ou un jour férié, entre 6 heures et 17 heures.

Les amendes sont revues à la hausse
Tout perturbateur lors des scrutins seront frappés de fortes amendes dont  plusieurs ont été revues à la hausse. Un membre de bureau de vote, par exemple, qui retarde ou interrompt le déroulement du vote sera sommée à payer une somme maximum de 500 000 francs congolais (environ 540 dollars), par exemple, pour.

Un diplôme de licence (Bac + 5) obligatoire pour être candidat à la présidentielle
La nouvelle loi prévoit que tout candidat à la présidentielle soit porteur d’un diplôme de licence (Bac + 5), à defaut, il devra justifier d’une "expérience professionnelle d'au moins cinq ans dans le domaine politique ou administratif". Le diplôme de graduat (Bac + 3) ne suffira plus – comme ce fut le cas en 2006 et 2011 – pour postuler à la magistrature suprême en RDC. .

Présidentielle : une caution non remboursable de plus de 100 000 dollars
            La caution non remboursable pour se porter candidat à la présidentielle vient d’être doublée, passant de 50 millions à 100 millions de francs congolais, soit environ 108 000 dollars américains (86 000 euros). Question de décourager des candidatures fantaisistes en grand nombre, comme on en a connu aux présidentielles antérieures.

La parité homme-femme souhaitée dans les bureaux de vote
Dans le projet de loi, il est demandé à la Ceni de "[tenir] compte de la parité homme-femme" dans la composition de ses bureaux de vote éparpillés dans l'ensemble du territoire national. La loi électorale en vigueur est muette sur la question.
Des témoins seront associés à l'acheminement des bulletins de vote
Pour "mieux garantir la vérité des urnes", dans son projet de loi, le gouvernement autorise les témoins, "qui en font la demande", à accompagner l'acheminement des bulletins de vote au centre de compilation.
            Voici les 10 principales nouveautés apportées à cette Loi dont la controverse a permis aux Congolais de s’entretuer pendant trois jours comme dans un combat de boxe à cinq rounds.
            Premier round : jeudi le 15 janvier, Kinshasa bruit de la nouvelle sur la modification de la Loi électorale conditionnant la tenue de la présidentielle et des législatives de 2016 au recensement de la population. La tension monte d’un cran au sein de l’opposition politique qui appelle la population à marcher le lendemain. Kinshasa est plongée dans une psychose qui tarde à se nommer. La plénière de l’Assemblée nationale est vite reportée au lendemain.
            Deuxième round : alors que ce samedi 17 janvier courant, Kinshasa se réveille sous l’étonnement dû à la nouvelle selon laquelle, dans la soirée du 16 janvier, date anniversaire de l’assassinat de M’Zee Kabila, les députés vont se réunir au courant de cette journée dans un Palais du peuple bien ceinturé par un imposant dispositif policier et militaire.

Plénière jusqu’à 23 heures 30
            La plénière ira, apprend-on, jusque tard à 23 heures 30. Et la nouvelle tombe, surprenante : les députés - excepté ceux de l’opposition - viennent d’amender, au forceps, la loi électorale. Avec pour précision à l’article 8, la présidentielle et les législatives sont conditionnées aux résultats du recensement de la population – le premier après celui de 1984 -.. Un recensement, dont les opérations confiées à l’Office national de l’identification de la population (ONIP), qui a la chance de prendre plusieurs années et le mérite de permettre au chef de l’Etat Joseph Kabila d’aller au-delà de son mandat qui expire  en décembre 2016. Alors que la Constitution lui interdit de se représenter pour un troisième mandat.
            Troisième round : de lundi 19 au mercredi 21 janvier, la population déferle dans la rue pour manifester contre le vote de cette loi. Des jeunes délinquants se donnent à cœur joie aux pillages de certains magasins et boutiques des Chinois particulièrement.  Les agents de l’ordre s’interposent dans des affrontements violents qui font plusieurs morts et quelque 300 personnes arrêtées..
            Quatrième round : la Loi électorale est  envoyée au Sénat pour examen. Entre temps, la RDC, dans son ensemble retient son souffle en attendant le « verdict » ds sénateurs. Qui tombe vendredi le 23 janvier, après un report de 24 heures : l’alinéa litigieux à l’origine des émeutes vient d’être rejeté. La population lâche un petit ouf de soulagement. En effet, il faut attendre qu’une Commission paritaire mixte Sénat-Assemblée nationale siège pour faire le dernier toilettage pour avoir le texte final.

Cinquième round
            Cinquième round : dimanche 25 janvier, en fin d’après-midi,  la Commission paritaire mixte annonce les résultats de ses travaux. Par la voix de leurs présidents respectifs, Léon Kengo wa Dondo et Aubin Minaku, la Chambre haute et la Chambre basse annonce la bonne nouvelle : les résultats du recensement général de la population ne conditionnent plus la tenue de la présidentielle et des législatives qui doivent se tenir en principe au même moment.
            L’annonce de cette nouvelle fait baisser d’un coup la tension et désamorce en même temps la bombe de l’opposition avec une nouvelle manifestation à laquelle le population est appelée lundi 26 janvier.
            Les deux protagonistes, groggy sur le ring, lâchent un ouf de soulagement après trois jours d’émeutes presque sur l’ensemble (Kinshasa, Goma, Bukavu, Mbandaka, Bunia, Uvira)  Mais chacun reste sur ses gardes, à l’exemple d’un crocodile qui, même endormi, garde un œil en éveil…
            La source rapporte également que ne sont pas modifiés les articles qui exigent des candidats aux postes électifs des diplômes ou, à défaut, "une attestation de services rendus délivrée par l’autorité compétente". La Société civile a dénoncé cette disposition qui risque de déboucher sur l’arbitraire au profit des candidats non méritants et bénéficiant de privilèges dus à certains critères subjectifs.
Kléber Kungu

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