mercredi 14 novembre 2012

Le M23 coincé : Sultani Makenga sanctionné, l’Ouganda ferme sa frontière

Guerre au Nord-Kivu Le M23 coincé : Sultani Makenga sanctionné, l’Ouganda ferme sa frontière Les jours des rebelles du M23 sont-ils désormais comptés ? Les dernières sanctions des Etats-Unis d’Amérique et de l’Organisation des Nations unies (Onu) à l’endroit du chef militaire du M23, le colonel Sultani Makenga ainsi que la décision des autorités de Kampala de fermer la frontière de l’Ouganda à Bunagana peuvent constituer un signe avant-coureur de la fin d’une aventure qui n’aura duré que quelques mois. Les Etats-Unis d’Amérique ont placé le colonel Sultani Makenga sur la liste noire des personnes physiques ou morales sanctionnées pour leur participation au conflit en RDC. Cela est consécutif à la décision prise mardi 13 novembre par les Etats-Unis d’Amérique et l’Organisation des Nations unies (Onu) de prendre des sanctions contre le chef des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), Sultani Makenga, accusé d’être à l’origine des violations des droits de l’homme et de violer l’embargo sur les armes en RDC. Le Trésor américain, à l'origine de la décision américaine, accuse Sultani Makenga d'être "responsable d'horreurs à grande échelle contre la population en RDC, notamment du recrutement d'enfants soldats et de campagnes de violence contre les civils". Le ministère affirme également dans un communiqué que M. Makenga a reçu des cargaisons d'armement en violation de l'embargo international sur les armes qui vise ce pays. Le département du Trésor américain a pris un train de mesures contre le chef des rebelles du M23, notamment le gel des avoirs dont pourrait posséder le chef rebelle aux Etats-Unis. Il a également indiqué que les ressortissants américains qui commerceraient avec Sultani Makenga seront désormais passibles des poursuites judiciaires. De leur côté, l’Organisation des Nations unies n’a pas hésité à emboîter le pas aux Etats-Unis d’Amérique. Elle a émis à l’encontre de Sultani Makenga une interdiction de voyager et un gel de ses avoirs, l’accusant notamment de meurtres, d’exactions et de violences sexuelles. Certaines personnalités du monde n’ont pas tardé à réagir favorablement à ces sanctions. C’est le cas de Susan Rice qui, sur son compte Twitter@AmbassadorRice, s’est réjouie que « les nouvelles sanctions prises par les Etats-Unis et l’Onu contre Sultani Makenga montrent que le monde ne restera pas inactif devant les atrocités commises sous ses ordres par le M23 ». Susan Rice, une spécialiste américaine en politique étrangère et ambassadrice américaine auprès des Nations unies depuis le 22 janvier 2009, est présumée remplacer Hillary Clinton au poste de secrétaire d’Etat. Dans un communiqué publié, samedi 20 octobre, le Conseil de sécurité des Nations unies avait exprimé sa volonté d’appliquer des sanctions ciblées « contre les dirigeants du M23 et tous ceux qui leur fournissent des armes ». Ces sanctions avaient été préconisées par les chefs d’Etat et de gouvernement à la clôture du XIVe sommet de la Francophonie tenu à Kinshasa du 12 au 14 octobre. En juillet dernier, le département d’Etat américain avait annoncé la suspension de son aide militaire au Rwanda, soupçonné de soutenir le M23, des allégations que Kigali a toujours rejetées catégoriquement. Un rapport des Nations unies, non encore publié mais dont la presse s’est fait un large écho, accuse le Rwanda et l’Ouganda de soutenir les rebelles du M23 qui mènent la guerre contre l’armée régulière depuis le mois de mai dernier. « Le gouvernement du Rwanda continue de violer l’embargo sur les armes en apportant un soutien militaire direct aux rebelles du M23, en facilitant leur recrutement, en encourageant et facilitant les désertions au sein des FARDC, ainsi qu’en fournissant des armes, des munitions, des renseignements et des conseils politiques », à en croire le rapport onusien. Makenga s’innocente La réaction du chef militaire du M23 ne s’est fait pas attendre. Le colonel Sultani Makenga a déclaré qu’il était « innocent » des exactions dont l’accusent les Etats-Unis et l’Onu, qui ont pris des sanctions contre lui. « Je suis innocent. Je n’ai pas de problème », s’est-il innocenté. Il a estimé que les experts de l’Onu ne disposaient pas de bonnes informations. Fermeture de la frontière de Bunagana L’Ouganda vient de fermer sa frontière de Bunagana, frontière qui débouche dans la zone rebelle occupée par les éléments du M23, quelques heures seulement après la suspension, par la Belgique, de l'aide militaire au Rwanda. Il ya près de 4 mois, le Gouvernement congolais avait fermé sa frontière avec l'Ouganda, principalement à Bunagana, quelques jours après le contrôle de cette localité par le M23. Et depuis lors, les rebelles du M23 s’y étaient installés en vue de percevoir des redevances issues des trafics frontaliers avec l'Ouganda. Dans l'entre temps, Kampala était menacé par les Nations unies d’être considéré comme agresseur de la RDC à la suite de l'appui apporté au M23. Ayant mal digéré cette accusation, l'Ouganda a répliqué en menaçant l’Onu de retirer ses troupes de la Somalie et d'ailleurs s'il venait à être retenu dans le rapport des experts de l’Onu. Dans une bataille diplomatique de grande envergure, Kinshasa a profité de la guéguerre entre les Nations unies et l'Ouganda pour démontrer à son voisin agresseur que l'ouverture de sa frontière vers la zone rebelle était effectivement un soutien tacite au M23. Ce qui est démontré du reste par le trafic régulier entre l’Ouganda et la RDC, précisément entre Kisoro (ville frontalière ougandaise) et Bunagana (ville frontalière congolaise) où les gros camions faisaient les navettes en transportant des marchandises dont la contenu relevait du secret entra rebelles et marchands. Le président congolais Joseph Kabila n’a pas tardé de dépêcher une mission à Kampala il ya quelques jours, pour rencontrer son homologue ougandais en vue d'obtenir de lui la fermeture de la frontière du coté ougandais. Président en exercice de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), le président ougandais, Yoweri Kaghuta Museveni était mis devant un fait accompli. Ainsi a-t-il décidé de procéder à la fermeture de la frontière de Bunagana lundi 12 novembre lorsque la population de Bunagana a assisté à une scène: d'abord le remplacement de tous les agents de l'Etat commis à la frontière ougandaise suivi de leur expédition vers Kampala. Ils étaient accusés de n'avoir pas donné rapport sur le trafic entre Kampala et les zones rebelles du M23. Des agents véreux renvoyés dans la capitale ougandaise, les nouveaux agents venus de Kampala ont signifié à tous que désormais la frontière ougandaise était fermée au trafic des biens et des personnes. Et du coup, apprend-on, un bataillon de l'Uganda People's Defence Force (UPDF) UPDF (armée ougandaise ) s'est positionnée le long de la frontière pour cette fin. Satisfaction des uns et déception des autres La décision des autorités de Kampala a été accueillie avec beaucoup de satisfaction dans le rang des officiels congolais qui pensent qu’en prenant cette décision courageuse, le voisin de leur pays n’a fait que honorer son rang de président en exercice de la CIRGL. Cependant, dans les rangs des rebelles du M23, c’est la déception totale. Ils estiment que l'Ouganda venait de leur jouer un vilain tour. Consternés par cette décision inattendue, les hommes du pasteur Runiga se demandent ce que demain sera fait pour eux. Ils ont de la peine de réaliser ce qui leur est arrivé après cette décision-surprise de l’Ouganda considéré par eux comme leur interlocuteur. Le point de passage de Bunagana, situé dans le Nord-Kivu en RDC, est essentiel au commerce de la région et de nombreux réfugiés congolais l'empruntent pour fuir les combats entre insurgés et forces gouvernementales Sans douter de la bonne foi ou volonté de Kampala, dont les dernières accusations portées contre lui par les experts de l’Onu ont beaucoup écorché l’image, les autorités de Kinshasa ne doivent pas considérer déjà la décision de Kampala comme une victoire diplomatique. Il y a lieu de continuer de veiller au grain. Les voisins de la RDC ont tellement de cordes à leur arc qu’une surprise déconcertante est vite arrivée pour Kinshasa. En termes clairs, en dépit de ces quelques signes de bonne foi de la part de son voisin ougandais – il reste à prouver qu’il en est une -, Kinshasa doit continuer à faire pression sur lui et sur Kigali pour obtenir d’eux l’affaiblissement de leurs affidés. La décision de l’Ouganda est-elle vraiment sincère ? Ne réserve-t-il pas un revirement de position quelques jours, semaines ou mois plus tard ? Que va-t-il se passer demain dans les rangs des rebelles du M23 après la décision de Kampala ? Peut-on s’attendre à des défections ? Quelle sera la position ou l’attitude de Kigali après la décision de Kampala ? Va-t-il continuer à soutenir les rebelles du M23 ? Quand Kampala rouvrira cette frontière ? Les réponses à toutes ces questions, c’est dans quelques jours, semaines voire mois. En attendant, la RDC reste suspendue à l’avènement de la Force neutre internationale. Kléber Kungu

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