jeudi 18 août 2011

Lutumba Simaro : « Le nom de Simon signifie pouvoir »

Clôture de la Conférence internationale sur Simon Kimbangu
Lutumba Simaro : « Le nom de Simon signifie pouvoir »
Ses parents furent des surveillants kimbanguistes. Son père l’a prénommé Simon. Lorsque sa mère a demandé aux pères catholiques de le baptiser, ils ont refusé. C’est par l’insistance de son père qu’il avait finalement été baptisé. Lutumba Ndomanueno Simaro, que nous avons rencontré le jour de la clôture de la Conférence internationale sur Simon Kimbangu, à laquelle il a été invité, nous a dévoilé un secret : pourquoi les prêtres catholiques avaient refusé de le baptiser avec son prénom de Simon. Le prénom de celui qui est à la base de l’Eglise kimbanguiste dont l’organisation et l’amour des fidèles ont marqué notre interlocuteur. Entretien.

L’Observateur : Papa Simaro, vous êtes au Centre kimbanguiste d’accueil et de conférences de Kinshasa où se déroule la Conférence internationale sur Simon Kimbangu. Pour vous, qui est Simon Kimbangu ?
Lutumba Simaro : Je vous dirai d’abord que je suis né le 19 mars 1938. Mon père et ma mère furent des surveillants kimbanguistes. Mais, moi je suis catholique. Lorsque les prêtres ont voulu me baptiser, ma mère leur a informé que je m’appelais Lutumba Simon. Ce à quoi, les prêtres ont répondu qu’ils ne pouvaient pas me baptiser avec le prénom de Simon. Mon père leur a répondu qu’il m’a fait porter les noms de Lutumba Simon, qui appartenaient à mon oncle. C’est pourquoi, il ne pouvait pas changer de nom. Deux semaines plus tard, les prêtres ont accepté difficilement de me baptiser avec les noms de Lutumba Simon. Quelle est la raison du refus des prêtres ? Durant cette période, papa Simon Kimbangu opérait des miracles. Aussi les Flamands avaient-ils peur [du prénom de Simon, NDLR]. Porter le prénom de Simon veut dire avoir du pouvoir.
Simon Kimbangu est notre prophète. Il a été envoyé par Dieu pour réaliser des œuvres. Si les Flamands en sont arrivés à l’arrêter et à l’emprisonner, c’est parce qu’ils ont eu peur de sa puissance face à leur pouvoir colonisateur.

Pourquoi vous ne vulgarisez pas la pensée de Simon Kimbangu dans vos chansons ?
Ne me posez pas cette question. Je crois que nous prions tous Jésus-Christ. Mais en auditionnant bien nos œuvres, vous suivrez à travers les chansons de Ok Jazz de l’époque que Josky avait chanté ‘’Tata Simon Kimbangu, venez me sauver’’. Avant son entrée dans Ok Jazz, le P.-D.G Verckys est venu de l’Eglise kimbanguiste où il jouait le saxophone. Et dans ses chansons, il chantait Simon Kimbangu. Ecoutez sa chanson ‘’Nakomitunaka’’, il chante ‘’d’où est venu l’homme noir ?’’. Le mal de vous les jeunes, vous les journalistes ou les chroniqueurs musicaux, vous n’allez pas dans la profondeur des chansons pour les analyser en vue de connaître la pensée de l’auteur. Ntesa Nzitani était chantre kimbanguiste, il était l’un des meilleurs compositeurs [de ce pays]. Et depuis sa mort, le timbre de sa voix n’a jamais été remplacé dans ce pays…

Revenons à Simon Kimbangu, papa Simaro, car vous commencez à nous entraîner vers le domaine musical. Le 22 juillet 2011, la Haute cour militaire de Kinshasa a innocenté Simon Kimbangu de griefs dont le Conseil de guerre colonial de Thysville l’avait accusé en le condamnant à mort en 1921. Quel était votre sentiment quand vous avez appris cet arrêt ?

Je ne suis pas sorti de vos questions. Parce qu’en citant Ntesa, Verckys, Josky, parce que vous avez demandé si nous musiciens chantons aussi le nom de Simon Kimbangu. Mais en tant que Congolais et Africain, si on a innocenté Simon Kimbangu, c’est parce qu’eux-mêmes ont compris qu’ils ont tort. Même après beaucoup d’années, ils ont été obligés de l’innocenter. Les Blancs ont voulu nous coloniser jusqu’au niveau spirituel. Nous avons abandonné beaucoup de nos coutumes à cause d’eux. Bien qu’ils nous aient apporté bien du bien, mais ils ont détruit notre pouvoir. Voici ce que mon papa, surveillant kimbanguiste a vécu à l’hôpital ex-Mama Yemo où il était allé rendre visite à un malade. Ce jour-là, la personne était très malade. Après avoir prié, mon père est rentré chez lui. Le jour suivant, il l’a rencontré en bonne santé. Selon le malade, un homme, qui n’a pas dit son nom, l’a tenu à la main. Après avoir prié, il avait dit au malade qu’il allait rentrer chez lui. Cet homme-là n’était que papa Simon Kimbangu.
Les Blancs savaient qu’ils étaient redevables envers nous les Noirs. Il fallait qu’ils lavent leurs mains sales, comme je l’avais chanté dans Eau bénite. Ils ont lavé leurs mains, Dieu leur a pardonné, nous également.

Mais bien des gens trouvent cela inutile. Que pouvez-vous leur dire ?

Je viens de vous dire tout à l’heure que je suis catholique et mes parents kimbanguistes. Chacun est libre de choisir le chemin qu’il veut suivre. Les Congolais doivent savoir une chose : Simon Kimbangu est leur prophète. En se battant, que cherchent les Arabes ? Leur prophète. Il s’agit également d’une question de génération. Il y a une différence entre votre génération et la nôtre. Le Président de la République qui s’est investi dans ce dossier [celui de la reconnaissance de Simon Kimbangu, NDLR) sait le pourquoi. Si le président de la République et beaucoup d’autres autorités de ce pays qui se rendent à N’Kamba, ce que c’est sérieux. Ceux qui n’ont pas encore compris, ils comprendront un jour. Peut-être sera-t-il trop tard.

Papa Simaro, qu’est-ce que qui vous a le plus marqué dans l’Eglise kimbanguiste ?

C’est l’organisation. Regardez l’endroit où vous m’interviewez, regardez cette concession, regardez beaucoup d’œuvres que les kimbanguistes ont réalisées et qu’ils sont en train de réaliser par rapport aux autres que je ne critique pas du reste. Aujourd’hui, l’argent est placé à l’avant-plan. « Que je devienne pasteur pour récolter beaucoup d’argent, pour qu’on m’achète une voiture Mercedes ; c’est parce que je vais utiliser des produits et que les gens vont se mettre à me suivre, les femmes vont tomber amoureuses de moi ». Est-ce qu’ils ont la véritable divinité en eux ? Christ a dit : « Ils vont venir nombreux et ils vont opérer des miracles en mon nom. Mais ce n’est pas moi. » Vous remarquez actuellement une avenue de 100 personnes avec 60 Eglises. Prier n’est pas une mauvaise chose, mais papa Simon Kimbangu n’a pas associé la religion avec la magie. Aujourd’hui, papa Simon Kimbangu mort, ses œuvres continuent. Quand un pasteur meurt, on se dispute l’argent, la parcelle qu’ils ont achetée.
Bref, ce qui m’impressionne beaucoup, c’est l’organisation et cet amour. Rendez-vous dans un lieu de deuil [et vous remarquerez cette organisation et cet amour]. Le jour où mon père était mort, des flûtistes kimbanguistes ont joué jusqu’au matin. Ils ont transporté à la main la dépouille de la maison sise sur l’avenue Isangi n° 226 jusqu’au cimetière de la Gombe. Il en était pareil lorsque ma mère était morte.

N’avez-vous jamais projeté de chanter un jour Simon Kimbangu et le kimbanguiste ?

A cet instant, je dois être franc, cette inspiration n’est pas encore arrivée. Il est encore temps. Aujourd’hui, à l’âge de 73 ans, le corps commence à s’affaiblir un peu, mais le cerveau est encore performant. Je réaliserai ce projet un jour. Mais, ce qui me fait mal, c’est que quand nous avons commencé ce métier, nous avons travaillé l’art pour l’art. Mais les musiciens actuels font de la musique de business. Ils ont beaucoup d’argent. Quand nous avons commencé, nous avions des studios d’enregistrement de 2 pistes, mono, mais tous les instruments étaient audibles. Aujourd’hui, on a des studios de 52 pistes, 60 pistes et ça coûte cher…

C’est pourquoi, il faut avoir des moyens
Oui, mais ces moyens, personne ne nous le donne. Aujourd’hui, la musique est devenue commerciale où des gens investissent pour avoir de l’argent. Allez à Matonge, il n’existe plus de discothèques. A ce jour, beaucoup de données ont changé.
Propos recueillis par Kléber Kungu



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