Le Pr. Martial Sinda fait docteur honoris causa
Le professeur Martial Sinda, du Congo Brazzaville, a été fait docteur honoris causa par l’Université Simon Kimbangu. Il a le mérite d’être le tout premier universitaire africain à avoir soutenu une thèse sur Simon Kimbangu et le kimbanguisme. Une pléiade d’éminents professeurs ont constitué le jury chargé d’octroyer ce titre honorifique. Il s’agit du Pr. Dr. Elikia M’Bokolo (président), du Pr. Dr. Tshungu Bamesa (secrétaire), du Pr. Dr. Kabengele Munyanga (membre), du Pr. Dr. Dianne M Diakhité (membre), du Pr. Dr. Sabakinu Kivilu (membre) et du Pr. Dr. Mwene Batende (membre).
« Vous ne serez pas seulement, que dis-je, tu ne seras pas seulement le premier Africain honoré par ce grade, tu seras aussi le premier à ouvrir cette série de doctorats honoris causa que nous espérons longue et prestigieuse dans cette université », déclarait le professeur Elikia M’Bokolo, dans une présentation autobiographique en faveur de Martial Sinda.
Il a ensuite justifié le choix fait sur septuagénaire né à M'bamou-Sinda, région de Kinkala, au Congo Brazzaville en 1935. « Nous avons donné notre préférence à ceux des chercheurs qui se distinguent par leur volonté d’innovation, par leur audace, par leur refus des idées reçues et par leur souci de l’excellence. Ce sont ces chercheurs-là que nous avons invités ici et c’est ce modèle de chercheurs qu’incarne notre aîné Martial Sinda », a précisé le président du jury.
Alors qu’il n’a que 20 ans, Martial Sinda qui est à Paris pour des études, côtoyant déjà des célébrités du monde littéraire comme Léopold Sédar Senghor, va publier son premier recueil de poésie intitulé Premier chant du départ, aux éditions Seghers. Ce livre va faire l’effet d’une bombe dans un monde dominé par le colonialisme.
Premier chant du départ va valoir à son auteur des ennuis auprès de la métropole. Mais cela n’empêchera pas d’obtenir un prix colonial qui n’était pas prévu pour les Africains qu’il était. Martial Sinda devenait ainsi le premier poète d’Afrique centrale, d’Afrique noire française couronné par un grand prix.
Ce grand prix est loin de donner des ailes à ce jeune poète. Il va ainsi poursuivre sereinement « le chemin de la décision et de la maîtrise des connaissances : le voilà sur le banc de l’université. A l’époque, il n’y a qu’une seule université : la Sorbonne.
Ayant pris goût à l’écriture, Martial Sinda va réitérer l’exploit en publiant en 1972 « Le Messianisme congolais et ses incidences politiques depuis son apparition jusqu'à l'époque de l'indépendance, 1921-1961 ».
« Je suis donc très heureux, Martial, que tu sois ici aujourd’hui, vivant, à 76 ans, pour recevoir de nous, nous donc l’USK, et nous le Comité scientifique et le Comité d’organisation de cette Conférence sur Simon Kimbangu, de recevoir cet hommage de nous vivant. Je n’aime pas cette habitude africaine qui consiste à négliger des vivants, à laisser les intellectuels croupir dans la misère et l’anonymat pour les honorer avec les grands discours le jour de leur mort. Nous avons décidé que toi, de ton vivant, tu recevrais de nous, ici, à Kinshasa, dans cette salle Mama Muilu, le doctorat honoris causa de l’Université qui porte le nom de cet homme qui a occupé tant d’années de ta jeunesse et tant d’années de toute ta vie… »
La présentation biographique est si émouvante que je vois son épouse, Albertine Mambou qu’il a épousée en 1958, verser quelques larmes. Elle qui lui sert de camerawoman et de photographe au cours de cette cérémonie d’investiture.
Une série de messages laudatifs d’éminents professeurs vont encourager l’heureux récipiendaire. « L’USK a décidé d’honorer l’historien Martial Sinda qui, pendant plus de 40 ans, s’est consacré dans ses préoccupations intellectuelles et scientifiques à la défense et à la promotion africaine et congolaise », a déclaré le professeur Sabakinu Kivilu.
« Je crois que ce titre de docteur honoris causa qui va vous être octroyé par l’USK n’est pas un simple geste de courtoisie ou de travail intellectuel qui flatte l’intelligence. Il s’agit de la reconnaissance académique et politique d’une œuvre de réflexion intelligente engagée sur nos problèmes, une œuvre d’analyse du mouvement messianique… Votre œuvre nous invite à être pilote de notre destin, à sortir de cette position de copilote ou de simple voyageur dans le train vers le développement », a reconnu le professeur Kabengele Munyanga.
C’est d’une voix ferme, dénuée de toute émotion due à ce genre de circonstance que l’heureux récipiendaire, le professeur Martial Sinda va remercier ses collègues, surtout l’Eglise kimbanguiste, par son chef spirituel et l’Université Simon Kimbangu d’avoir pensé à lui. Il a insisté sur le fait que l’œuvre de Simon Kimbangu soit défendue, arguant que « le chef du village meurt, mais le village ne disparaît pas ».
Si le jeudi 28 juillet, Martial Sinda n’a pas cédé à l’émotion, qui était du reste très forte, quelques jours plus tard, le professeur Martial Sinda m’a confié ceci le lundi 25 juillet : « J’ai pleuré de joie en trouvant des bâtiments immenses. J’ai vu des bâtiments et non des huttes ». Il s’extasiait ainsi sur les grandes réalisations de l’Eglise kimbanguiste au sujet de laquelle il avait consacré beaucoup de son énergie.
A 76 ans, Martial Sinda, qui se déplace dans une bicyclette, a le ferme espoir de revenir en RDC, terre du kimbanguiste.
Kléber Kungu
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