La révolution populaire africaine
Les mutineries au Burkina Faso : l’Afrique noire contaminée ?
Depuis février, le continent africain est secoué par des manifestations populaires monstres réclamant plus de réformes politiques. L’Afrique du Nord a donné le coup d’envoi d’une série de révolution populaire d’un autre genre, une sorte de coup d’Etat populaire, c’est-à-dire mené par un peuple las de voir, pour la plupart des cas, les mêmes têtes au sommet de l’Etat avec la même manière de gérer la res publica. En tête de cette révolution qui voit les présidents chassés du pouvoir par des populations sans armés, la Tunisie, avec la révolution du jasmin, suivie de l’Egypte. En Algérie, le feu est en train de couver, le Maroc attend silencieusement son heure.
Pendant tout ce temps, l’Afrique subsaharienne et silencieuse, attentiste, avec des populations qui ne sont plus loties que les nordistes, mais ayant vent de ce qui se passe au Nord. Peut-on dire que l’Afrique subsaharienne est contaminée par le vent de la révolution populaire ? Si ce qui se passe au Burkina Faso ne peut pas être comparé à la révolution populaire, du moins, il est loin de s’en inspirer.
Depuis février, le pays des hommes intègres bouillonne, bruit. Le président Compaoré fait face à une série de contestations de militaires, de la jeunesse, de magistrats et de commerçants. Pour contenir la révolte des militaires qui a repris jeudi à Ouagadougou, le chef de l'Etat burkinabè a nommé samedi soir de nouveaux responsables à la tête des armées de terre, de l'air et de la gendarmerie. On y entend énormément de bruits de bottes. Les hommes en uniforme semblent refuser de se voir prendre l’initiative qu’ils ont toujours prise depuis de renverser les hommes au pouvoir. C’est cela la différence. Les soulèvements ne se cantonnent désormais plus à la capitale burkinabée. Des tirs en l'air de militaires, qui ont commencé samedi 16 avril dans la soirée, étaient toujours entendus dimanche à Pô, importante ville du sud du pays, où des soldats se livraient encore à des pillages.
Malgré ces mesures, la contestation n'a pas faibli. Samedi, excédés par les pillages des soldats mutins, des commerçants de la capitale s'en sont pris à plusieurs édifices publics.
Quoique les raisons de cette mutinerie de soldats à Pô ne soient pas connues, tout porte à croire que ce sont les signes avant-coureurs du vent de la révolution du jasmin.
Pô, une ville située à la frontière ghanéenne, est un symbole pour le président Blaise Compaoré qui a dirigé son centre national d'entraînement et de commandement (CNEC). C'est de Pô que le capitaine Blaise Compaoré est parti avec ses commandos pour renverser le commandant Jean-Baptiste Ouédraogo et installer au pouvoir son ami et compagnon d'armes, Thomas Sankara, en 1983. Celui-ci sera tué en 1987 lors de la prise du pouvoir par M. Compaoré à la suite d'un coup d'Etat.
L’Afrique subsaharienne est l’une des parties géographiques du continent noir où règnent bien des monarques qui refusent une moindre parcelle d’ouverture démocratique, quoique parlant toujours au nom d’un peuple sur le dos duquel ils ne cessent de s’enrichir.
Le jour où cette partie sera atteinte par le vent de la révolution du jasmin, nous craignons que l’onde de choc soit telle que nous assisterons à un véritable tsunami qui emportera plusieurs têtes.
Il faut que la fin déshonorante du règne de Laurent Gbagbo, dont les images ont été suivies par des millions de téléspectateurs à travers la planète, serve de leçon à tous les dictateurs africains, jeunes et vieux, même s’il ne s’est pas agi de la révolution du jasmin.
L’heure est à l’écoute des aspirations populaires et non de celles des caciques du régime. Voici deux dictons parmi les plus significatifs qui peuvent inspirer ceux des dictateurs africains qui croient que le pouvoir est leur domaine privé, de leur famille biologique et politique : « Des amis garde-moi », « Je ne connais pas le chemin de la victoire, mais je puis vous indiquer celui de la défaite : essayez de plaire à tout le monde » (Voltaire).
Kléber Kungu
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