Epilogue d’un long épisode
Laurent Gbagbo arrêté et humilié
Regard hagard, visiblement tout épuisé, chemise déboutonnée faisant entrevoir un singlet blanc, visage morne que le sourire habituel a déserté. Voilà le portrait malheureux de l’ancien homme fort de Côte d’Ivoire que des millions de téléspectateurs à travers la planète ont pu regarder lors de son arrestation lundi 11 avril. Peu avant, il était en petite tenue, singlet blanc, s’essuyant le visage et un corps tout suants, à l’aide d’un essuie-main blanc, ayant de la peine de réaliser ce qui est arrivé. Lui qui, quelques minutes auparavant, narguait, défiait tout le monde, sauf son entourage composé de ses inconditionnels fidèles. C’est une Simone Gbagbo en tenue débraillée, soutien-gorge dehors, chevelure éparpillée, encadrée d’éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) que les téléspectateurs vont voir également quelques minutes plus tard. Son mari et elle en train d’être acheminés à l’Hôtel du Golf, où, pris en otage par les pro-Gbagbo, Alassane Ouattara et son gouvernement étaient retranchés pendant plusieurs mois. Telle est la fin humiliante et déshonorante du couple présidentiel.
Lorsque les premières informations sur l’arrestation de celui qui a pris un goût effréné de défier et d’humilier la communauté internationale par une position et des déclarations tranchantes, mais suicidaires durant plus de 4 mois, l’attention des téléspectateurs, qui se sont, près de cinq mois durant, délectés de l’actualité ivoirienne, était devenue plus soutenue. Pour suivre, de visu, comment a été la chute de l’homme aux turpitudes les plus folles, et de son épouse, l’une des pièces maîtresses qui ont contribué largement à la pourriture de la situation ivoirienne.
Lundi 11 avril, le retranchement de M. Gbagbo et son entourage le plus fidèlement radical dans un bunker, devait prendre fin de la manière la plus humiliante pour un chef de l’Etat. Arrêtés par les forces spéciales françaises avant d’être remis à des chefs de la rébellion, le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo et son épouse Simone Gbagbo viennent d’accomplir leur mission : montrer à la face du monde comment s’accrocher à un pouvoir qui vous a échappé, lâché par la communauté internationale. Avec pour le seul soutien ceux qui, pour des raisons de ventre, n’ont pas renié leur serment de fidélité.
C’est dans son bureau que Laurent Gbagbo a été cueilli, après que "les chefs de la rébellion ont été convoyés sur place par les forces françaises qui ont pénétré dans la résidence avec des chars". Retranchés dans ce bunker, Laurent Gbagbo suait de tous ses pores : les images l’ont abondamment montré.
Fidèle à sa logique jusqu’au-boutiste, Laurent Gbagbo a réussi à ne pas quitter le pouvoir, mais à pousser la communauté internationale, qui lui a retiré sa confiance, à le chasser du pouvoir. De la manière
Cloîtré dans son bunker, Gbagbo priait avec ses fidèles
Le plus têtu des présidents a tenu bon durant plusieurs mois, entouré de pasteurs et de généraux. Qui l’aident en le poussant à croire qu’il est investi d’une mission divine : celle certainement de rester l’éternel président des Ivoiriens. C’est grâce à ses prières que, croient certains esprits, que Laurent Gbagbo est parvenu à tenir assez longtemps, malgré la neutralisation une grosse partie de ses armes.
Une semaine après leur entrée dans Abidjan, les Forces républicaines du président Alassane Ouattara se sont finalement repliées aux portes de la capitale économique ivoirienne, pour se remettre en ordre de bataille avant de lancer un nouvel assaut… Alors que les forces restées fidèles à l’ex-président Laurent Gbagbo contrôlent toujours plusieurs points stratégiques de la ville, dont le quartier où se trouve la résidence présidentielle à Cocody.
Il se croit investi d’une mission divine
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a beau répéter qu’« il est absolument nécessaire qu’il cède le pouvoir avant qu’il ne soit trop tard », Gbagbo continue à défier le monde entier, persuadé d’avoir gagné les élections.
C’est entouré de tous ses proches, de plusieurs généraux, de nombreux conseillers et même de plusieurs pasteurs de l’Eglise évangélique que Gbagbo a vécu dans l’illusion d’être toujours président et a tenu bon. L’homme, qui dans son bunker de la présidence s’est réfugié dans la prière, avait cru en effet « investi d’une mission divine » pour sauver la Côte d’Ivoire contre « le candidat de l’étranger », comme il a toujours qualifié son grand rival Alassane Ouattara, et les musulmans du Nord.
A ses côtés, plusieurs « hommes de Dieu » dont peut-être un pasteur à la réputation sulfureuse : Moïse Koré. D’ethnie bété comme Gbgabo et né dans la même région de Gagnoa, dans l’ouest du pays, cet ancien champion de basket (devenu ingénieur et soupçonné de trafic d’armes) a fondé l’Eglise des ministères de la gloire de Dieu en 1998, l’année où il a rencontré Gbagbo, sur lequel il conserve depuis une grande influence. Pendant la campagne électorale, son épouse Simone — qui est toujours à ses côtés — parlait déjà du diable et appelait ses compatriotes à « vaincre les forces du mal » en votant comme un seul homme pour Gbagbo!
Parmi ses derniers fidèles sont également présents le général Dogbo Blé, commandant de la garde républicaine, le vice-amiral Vagba Faussignaux, commandant de la marine, et le colonel Nathanaël Ahouman, patron de la garde présidentielle, qui assurait la sécurité du palais. Le général Bi Poin, patron du Ceicos (Forces spéciales), aurait en revanche fui au Ghana.
Laurent Gbagbo, dans son entêtement à s’accrocher au pouvoir, a poussé les FRCI aidées par la force de la Licorne et l’Onuci à commettre des massacres qu’il allait utiliser comme fonds de commerce. Il a cherché à laisser une Côte d’Ivoire exsangue, chaotique, avec le principe cher aux hommes de la trempe de Gbagbo ‘’après moi, c’est le dékuge’’. Ce qu’elles ont évité avec beaucoup de sagesse, de doigté.
La fin malheureuse de M.Gbagbo est une grande leçon aux dirigeants africains qui croient que Dieu est de leur côté, pas du côté de leurs adversaires. L’ancien homme fort de la Côte d’Ivoire a continué de croire, jusqu’ en dernière minute, que Dieu continuait à être de son côté, avant de réaliser, in extremis, que le Dieu juste l’avait déjà abandonné au profit de son adversaire Alassane Ouattara.
Laurent Gbagbo humilié comme il a été, il aura cherché, il aura poussé les humiliés à lui rendre la pièce de sa monnaie, le moment venu. Il a défié toute la communauté internationale, durant plusieurs mois, en soutenant la thèse, perdue, selon laquelle il a gagné les élections qu’il n’avait aucun devoir de céder le fauteuil à celui que la communauté internationale faisait passer pour le vainqueur.
Têtu comme une mule affamé et brimé, M. Gbagbo est resté accroché au pouvoir en dépit de toutes les sanctions économiques, sociales, psychologiques de la communauté internationale, renforcées d’un grand isolement.
A-t-on déjà vu un homme, président de la République soit-il, défier toute la communauté internationale, sourd à tout conseil, mais seulement attentif à sa conscience ? Peut-on espérer sortir victorieux d’un tel combat pour lequel on partait perdant sur toute la ligne ?
A malin, malin et demi. Durant les 133 jours qu’a duré la crise postélectorale ivoirienne, Laurent Gbagbo a été malin durant 132 jours. La communauté internationale n’a eu qu’un petit jour pour être malin et demi. Cela a suffi pour déboulonner Laurent Gbagbo de son piédestal de la manière que nous n’oublierons jamais, surtout les présidents africains qui se complaisent à rester au pouvoir par tous les moyens, sauf honnêtes : humiliante, déshonorante.
Ceux à qui Laurent Gbagbo a essayé de léguer ce triste héritage, vont réfléchir deux fois avant de l’accepter. Des gens comme vous, qui se complaisent à s’engraisser sur le dos maigre de ses compatriotes, ont droit à tout, sauf à de la compassion. Des dirigeants qui donnent l’occasion à la communauté internationale de s’ingérer dans les affaires internes d’un Etat méritent notre malédiction. Malheureusement, leur nombre ne fait que croître au jour le jour.
Au revoir M. Gbagbo et bonne route vers la CPI.
Kléber Kungu
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