mardi 15 septembre 2015

Pourquoi les chefs d'Etat cachent leurs maladies ?

Pourquoi les chefs d'Etat cachent leurs maladies ?

            Dans notre précédent article, nous avons parlé de l’opacité ou du secret d’Etat qui entoure la santé des chefs d’Etat, en particulier ceux d’Afrique. La transparence sur la santé présidentielle reste un vain mot et un secret d’Etat si bien que la sanction de la témérité de ceux des confrères qui ont cherché à fouiner plus loin a parfois été la bagne ou la mort, sinon des menaces d emort ont payé parfois de leur vie cette témérité. D’où la question de savoir pourquoi ceux qui nous gouvernent cachent leurs maladies. Et celle de savoir quel est l’hôpital ou le pays de prédilection où ils vont se faire soigner.

            Pourquoi les chefs d’Etat cachent-ils leurs maladies au point que leur bulletin de santé.  Pourquoi  ne renseigne-t-il en rien sur l’état de forme réel du président ? Pourquoi la santé des chefs d'Etat est-elle un des secrets les mieux gardés de la République, ne fuitant que par des rumeurs les plus folles ?

            Dans les systèmes politiques autocratiques, un traitement médical ne peut être entrepris qu’au risque de perdre le pouvoir. S’il s’avère qu’en règle générale, nul n’aime aller en consultation chez le docteur,  pour un dirigeant politique, la seule nouvelle d’une visite chez le médecin parait sonner le glas de sa carrière politique.
            Il n’est donc pas étonnant que l’état de santé du chef de l’Etat soit, dans de nombreux pays, le secret le mieux gardé. En Afrique comme en Occident. L’entourage de nos dirigeants préfère garder le silence sur le bulletin de santé de ceux-ci, même si leur disparition de la circulation devient longue et inquiétante.
            Personne n’a oublié les rumeurs qui avaient entouré la disparition de Xi Jinping, pressenti comme le futur président chinois. Xi a disparu de la circulation pendant plusieurs semaines afin de poursuivre un traitement médical de douleurs lombaires ou de problèmes cardiaques..
            Au Venezuela, les électeurs s’étaient rendus aux urnes pour réélire, ou non, le président Hugo Chavez, qui s’était montré particulièrement mystérieux sur son cancer diagnostiqué, évoquant à plusieurs reprises des rémissions miraculeuses – tout en se rendant régulièrement à Cuba pour y être soigné.
            Au mois d’avril 2014, le Zimbabwe a bruissé des rumeurs de la mort du président zimbabwéen Robert Mugabeu, mais ses concitoyens n’ont pas été particulièrement rassurés par la poigne de fer maintenue par le gouvernement sur les médias à ce sujet.
            Cette année, le monde a assisté également  à la mort – dans leurs fonctions - de quatre présidents africains – en Ethiopie, au Ghana, en Guinée-Bissau et au Malawi – chacun d’entre eux ayant subi un traitement à l’étranger et ayant fait tout leur possible pour que leur état de santé demeure totalement secret avant leur mort.
            Si ces chefs d’Etat récemment décédés avaient des âges variés, de 57 ans à 78 ans, des études approfondies démontrent que les chefs d’Etat, et particulièrement dans les régimes non-démocratiques, dépassent de très loin l’espérance de vie médiane de leurs concitoyens.
            L’espérance de vie de ces pays est d’ailleurs bien souvent très basse en raison, précisément, de la manière très égoïste dont ces chefs d’Etat les dirigent. On peut supposer que tous ces dirigeants avaient accès aux meilleurs soins médicaux, mais bénéficier d’un tel traitement de faveur peut également provoquer une mort politique.

 

Pas de pouvoir sans la santé

            Pour les dirigeants africains,  tout soutien moral et toute loyauté dont ils peuvent bénéficier de la part de leur entourage ne peuvent se justifier que lorsqu’ils peuvent encore afficher une santé de fer. Ce qui signifie que l’entourage ou les membres de famille peuvent espérer tirer les dividendes du pouvoir de leur protecteur.
            il existe également une difficulté particulière, entre le maintien d’une bonne santé et la révélation aux proches -ou au bas peuple- que tout ne va pas forcément bien. Cette difficulté, particulièrement dans les systèmes autocratiques, est qu’un traitement médical ne peut être entrepris qu’au risque de perdre le pouvoir –un risque qui n’est valable qu’in-extremis.
            Donc, toute la campagne de soutien que peuvent mener les cercles les plus proches du pouvoir n’a d’autre explication que le souci de se faire voir en vue de bénéficier des largesses du chef. Quand la mort frappe à la porte du pouvoir, les cercles rapprochés ne résistent pas à se défaire, à se détourner et à chercher à s’attirer les bonnes grâces d’un éventuel successeur.

Se faire soigner dans un autre pays
            Les chefs d’Etat rechignent à se faire soigner dans leurs propres pays où les médecins sont présentés comme des gens dangereux et sans secret. Aussi un secret est vite ébruité et la « mauvaise nouvelle » atteint les oreilles indiscrètes. Ce qui peut provoquer un malaise au sein de la famille politique au pouvoir.
            Comprenez donc pourquoi tout chef digne de ce nom doit maintenir une maladie fatale aussi secrète que possible. Une maladie en stade terminal ou un trop grand âge -sans doute la plus terminale des maladies, quand on y pense- sont des indices clairs que l’on ne pourra plus longtemps compter sur le grand timonier bien aimé.
            Quoi de plus simple pour les soutiens ou collaborateurs du timonier que de se mettre à le défendre, bec et ongles, à voir le rouge là où se trouve le blanc, à déclarer haut et fort que l’état de santé du chef est reluisant alors que l’intéressé est agonisant. En effet, au bout du compte, il y a divers dividendes à tirer : pouvoir, avantages, privilèges, générosité sans limites, affection.
            De là se demander pourquoi les partisans du chef de l’Etat se livrent à de tant de zèle dans sa défense, l’explication saute facilement aux yeux !
            D’une manière générale, l’Histoire a montré que des chefs en bonne santé rassurent leurs fidèles qui, à leur tour, le soutiennent; les chefs malades n’offrent plus une telle garantie.
            L’importance de la santé d’un chef d’Etat dans une révolution n’a rien de neuf. Feu Mobutu Sese Seko en sait quelque chose. En 1997, les forces rebelles de Laurent Désiré Kabila ont conquis tout le Zaïre, actuelle République démocratique du Congo, quand il est devenu évident que Mobutu Sese Seko était gravement malade. Mobutu avait commis une grosse erreur : celle de s’être fait soigner publiquement en Europe et de convier le peuple à célébrer son retour de soins – alors que la qualité des soins médicaux laissait pour le moins à désirer au Zaïre. Bien des dirigeants du monde ont subi le même traitement.
            Plusieurs chefs d’Etat du monde ont réussi à cacher leurs maladies, aidés par leur entourage.  Il s’agit notamment  de l’entourage de Woodrow Wilson, président des Etats-Unis, qui dissimula la gravité de ses problèmes respiratoires sévères au cours de la Première guerre mondiale; Franklin D. Roosevelt dissimula sa paralysie; John Kennedy cacha sa dépendance aux corticoïdes. La liste est loin de s’arrêter ici. En effet, il est important qu’un chef d’Etat, surtout de la nation la plus puissante, soit sanitairement très fort, viril, puissant, même en apparence.

Le très viril Vladmir Poutine
            Le président russe Vladimir Poutine a des leçons à donner à ses pairs et reste un modèle politiquement. On le voit régulièrement torse nu, chassant dans la forêt, pilotant des ULM au-dessus de l’Arctique ou effectuant diverses prouesses physiques.
            Au final, une bonne santé est un atout indéniable surtout pour un autocrate. Car il suffit quelques rumeurs sur l’état de santé défaillant du chef d’Etat pour que l’opposition prenne la balle au bond et aggraver la situation.
            Les visites de médecins étrangers, les visites d’hôpitaux à l’étranger pour régler des problèmes de santé présentés comme mineurs (comme le traitement prolongé du roi saoudien Abdallah pour «des problèmes de dos»), les changements d’apparence physique –comme une prise de poids liée à la prise de corticoïdes– et de longues absences de la vie publique sont autant d’avertisseurs d’une future instabilité politique.
            Alors, où tous ces chefs d’Etat, qui refusent les hôpitaux de leurs propres pays, se font-ils soigner ? La réponse dans notre édition de vendredi 13 mars.
Kléber Kungu

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