Pourquoi les chefs d'Etat cachent leurs maladies ?
Dans
notre précédent article, nous avons parlé de l’opacité ou du secret d’Etat qui
entoure la santé des chefs d’Etat, en particulier ceux d’Afrique. La transparence sur la santé
présidentielle reste un vain mot et un secret d’Etat si bien que la sanction de
la témérité de ceux des confrères qui ont cherché à fouiner plus loin a parfois
été la bagne ou la mort, sinon des menaces d emort ont payé parfois de leur vie
cette témérité. D’où la question de savoir pourquoi ceux qui nous gouvernent
cachent leurs maladies. Et celle de savoir quel est l’hôpital ou le pays de
prédilection où ils vont se faire soigner.
Pourquoi les chefs d’Etat
cachent-ils leurs maladies au point que leur bulletin
de santé. Pourquoi ne renseigne-t-il en rien sur l’état de forme
réel du président ? Pourquoi la santé des chefs d'Etat est-elle un
des secrets les mieux gardés de la République, ne fuitant que par des rumeurs
les plus folles ?
Dans les systèmes politiques autocratiques,
un traitement médical ne peut être entrepris qu’au risque de perdre le pouvoir.
S’il s’avère qu’en règle générale, nul n’aime aller en consultation chez le docteur, pour un dirigeant politique, la seule nouvelle
d’une visite chez le médecin parait sonner le glas de sa carrière politique.
Il n’est donc
pas étonnant que l’état de santé du chef de l’Etat soit, dans de nombreux pays,
le secret le mieux gardé. En Afrique comme en Occident. L’entourage de nos
dirigeants préfère garder le silence sur le bulletin de santé de ceux-ci, même
si leur disparition de la circulation devient longue et inquiétante.
Personne n’a
oublié les rumeurs qui avaient entouré la disparition de Xi Jinping, pressenti
comme le futur président chinois. Xi a disparu de la circulation pendant
plusieurs semaines afin de poursuivre un traitement médical de douleurs
lombaires ou de problèmes cardiaques..
Au Venezuela,
les électeurs s’étaient rendus aux urnes pour réélire, ou non, le président
Hugo Chavez, qui s’était montré particulièrement mystérieux sur son cancer diagnostiqué, évoquant à plusieurs reprises des rémissions miraculeuses – tout
en se rendant régulièrement à Cuba pour y être soigné.
Au
mois d’avril 2014, le Zimbabwe a bruissé des rumeurs de la mort du président
zimbabwéen Robert Mugabeu, mais ses concitoyens n’ont pas été particulièrement
rassurés par la poigne de fer
maintenue par le gouvernement sur les médias à ce sujet.
Cette année, le
monde a assisté également à la mort –
dans leurs fonctions - de quatre présidents africains – en Ethiopie, au Ghana,
en Guinée-Bissau et au Malawi – chacun d’entre eux ayant subi un traitement à
l’étranger et ayant fait tout leur possible pour que leur état de santé demeure
totalement secret avant leur mort.
Si ces chefs
d’Etat récemment décédés avaient des âges variés, de 57 ans à 78 ans, des
études approfondies démontrent que les chefs d’Etat, et particulièrement dans
les régimes non-démocratiques, dépassent de très loin l’espérance de vie
médiane de leurs concitoyens.
L’espérance de
vie de ces pays est d’ailleurs bien souvent très basse en raison, précisément,
de la manière très égoïste dont ces chefs d’Etat les dirigent. On peut supposer
que tous ces dirigeants avaient accès aux meilleurs soins médicaux, mais bénéficier
d’un tel traitement de faveur peut également provoquer une mort politique.
Pas de pouvoir sans la santé
Pour les
dirigeants africains, tout soutien moral
et toute loyauté dont ils peuvent bénéficier de la part de leur entourage ne
peuvent se justifier que lorsqu’ils peuvent encore afficher une santé de fer.
Ce qui signifie que l’entourage ou les membres de famille peuvent espérer tirer
les dividendes du pouvoir de leur protecteur.
il existe
également une difficulté particulière, entre le maintien d’une bonne santé et
la révélation aux proches -ou au bas peuple- que tout ne va pas forcément bien.
Cette difficulté, particulièrement dans les systèmes autocratiques, est qu’un
traitement médical ne peut être entrepris qu’au risque de perdre le pouvoir –un
risque qui n’est valable qu’in-extremis.
Donc, toute la
campagne de soutien que peuvent mener les cercles les plus proches du pouvoir
n’a d’autre explication que le souci de se faire voir en vue de bénéficier des
largesses du chef. Quand la mort frappe à la porte du pouvoir, les cercles
rapprochés ne résistent pas à se défaire, à se détourner et à chercher à
s’attirer les bonnes grâces d’un éventuel successeur.
Se
faire soigner dans un autre pays
Les chefs
d’Etat rechignent à se faire soigner dans leurs propres pays où les médecins
sont présentés comme des gens dangereux et sans secret. Aussi un secret est
vite ébruité et la « mauvaise nouvelle » atteint les oreilles
indiscrètes. Ce qui peut provoquer un malaise au sein de la famille politique
au pouvoir.
Comprenez donc
pourquoi tout chef digne de ce nom doit maintenir une maladie fatale aussi
secrète que possible. Une maladie en stade terminal ou un trop grand âge -sans
doute la plus terminale des maladies, quand on y pense- sont des indices clairs
que l’on ne pourra plus longtemps compter sur le grand timonier bien aimé.
Quoi de plus
simple pour les soutiens ou collaborateurs du timonier que de se mettre à le
défendre, bec et ongles, à voir le rouge là où se trouve le blanc, à déclarer
haut et fort que l’état de santé du chef est reluisant alors que l’intéressé
est agonisant. En effet, au bout du compte, il y a divers dividendes à
tirer : pouvoir, avantages, privilèges, générosité sans limites,
affection.
De là se
demander pourquoi les partisans du chef de l’Etat se livrent à de tant de zèle
dans sa défense, l’explication saute facilement aux yeux !
D’une manière
générale, l’Histoire a montré que des chefs en bonne santé rassurent leurs
fidèles qui, à leur tour, le soutiennent; les chefs malades n’offrent plus une
telle garantie.
L’importance de
la santé d’un chef d’Etat dans une révolution n’a rien de neuf. Feu Mobutu Sese
Seko en sait quelque chose. En 1997, les forces rebelles de Laurent Désiré
Kabila ont conquis tout le Zaïre, actuelle République démocratique du Congo,
quand il est devenu évident que Mobutu Sese Seko était gravement malade. Mobutu
avait commis une grosse erreur : celle de s’être fait soigner publiquement
en Europe et de convier le peuple à célébrer son retour de soins – alors que la
qualité des soins médicaux laissait pour le moins à désirer au Zaïre. Bien des
dirigeants du monde ont subi le même traitement.
Plusieurs
chefs d’Etat du monde ont réussi à cacher leurs maladies, aidés par leur
entourage. Il s’agit notamment de l’entourage de Woodrow Wilson, président
des Etats-Unis, qui dissimula la gravité de
ses problèmes respiratoires sévères au cours de la Première guerre
mondiale; Franklin D. Roosevelt dissimula sa paralysie; John Kennedy cacha sa
dépendance aux corticoïdes. La liste est loin de s’arrêter ici. En effet, il
est important qu’un chef d’Etat, surtout de la nation la plus puissante, soit
sanitairement très fort, viril, puissant, même en apparence.
Le très
viril Vladmir Poutine
Le président
russe Vladimir Poutine a des leçons à donner à ses pairs et reste un modèle
politiquement. On le voit régulièrement torse nu, chassant dans la forêt, pilotant des ULM au-dessus de l’Arctique
ou effectuant diverses prouesses
physiques.
Au
final, une bonne santé est un atout indéniable surtout pour un autocrate. Car
il suffit quelques rumeurs sur l’état de santé défaillant du chef d’Etat pour
que l’opposition prenne la balle au bond et aggraver la situation.
Les
visites de médecins étrangers, les visites d’hôpitaux à l’étranger pour régler
des problèmes de santé présentés comme mineurs (comme le traitement prolongé du
roi saoudien Abdallah pour «des problèmes de dos»), les changements d’apparence physique
–comme une prise de poids liée à la prise de corticoïdes– et de longues
absences de la vie publique sont autant d’avertisseurs d’une future instabilité
politique.
Alors,
où tous ces chefs d’Etat, qui refusent les hôpitaux de leurs propres pays, se
font-ils soigner ? La réponse dans notre édition de vendredi 13 mars.
Kléber Kungu
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