mercredi 22 janvier 2014

Et si l’on essaie une femme, après avoir échoué avec les hommes !



Coup de chapeau aux parlementaires centrafricains

Et si l’on essaie une femme, après avoir échoué avec les hommes !

            Les 135 membres du Conseil national de transition (CNT), parlement de transition de la Centrafrique méritent coup de chapeau après avoir pris le risque de placer à la tête de leur pays, écartelé par une crise politique très sanglante, une femme, Catherine Samba-Panza, parmi 7 autres candidats, même  pour une transition, pour essayer de relever d’énormes défis que Michel Djotodia, était incapable de relever. Après avoir essayé des hommes et échoué avec eux, les parlementaires centrafricains ont pris le risque d’essayer avec une femme qui doit diriger un pays avec plusieurs grands défis. Quelle gageure et quelles responsabilités sur des épaules féminines !
            «Les hommes ont tous échoué: il est temps que l'on essaie une femme», dit une de ces dames en robe traditionnelle. «Les femmes sont plus pragmatiques, elles sont plus énergiques. Nous avons de l'espoir.» Voilà ce cri du cœur d’une femme qui a déclenché le patriotisme des parlementaires pour qu’ils jettent leur dévolu sur cette femme dont tous reconnaissent le sens élevé d’écoute, de dialogue et de persuasion.
            Catherine Samba-Panza, élu présidente par intérim, devient la troisième femme africaine présidente, après Joyce Banda du Malawi et Ellen Johnson Sirleaf du Liberia.
            Ancienne maire de Bangui, capitale de la République centrafricaine, le nouveau président de transition centrafricain, a été l’un de 8 candidats à postuler à la magistrature suprême, avant de rester en course, pour le second tour avec Désiré Kolingba, fils de l’ancien président centrafricain, André Kolingba.
            En l’élisant à 75 voix contre 53 pour Désiré Kolingba sur 128 parlementaires participants, les parlementaires centrafricains n’ont pas hésité de prendre le risque de confier la destinée de leur pays à une femme. Catherine Samba Panza a failli être élue dès le 1er tour. Elle avait recueilli 64 voix, soit une voix de moins que la majorité absolue fixée par le CNT à 65 voix. Désiré Kolingba avait quant à lui obtenu 58 suffrages.
            Un choix très risqué que sous d’autres cieux aucun autre parlementaire, pardon honorable député, n’aura pris. Le CNT a privilégié l’intérêt national au détriment des intérêts mesquins et individuels qui auraient poussé ses membres à des pratiques qui sont tout sauf démocratiques.
            Tout l’honneur à ces « honorables » qui n’ont pas bradé leur honorabilité et qui, devant l’intérêt national, ont préféré émettre sur un même diapason.
            Aussitôt sa victoire annoncée, Catherine Samba-Panza a salué l'élection d'une «fille, d'une mère et d'une sœur de Centrafrique ; c'est un événement de portée historique, qui s'inscrit dans les annales de ce pays». Elle a aussi appelé les diverses milices à déposer les armes. «Je lance un appel vibrant à mes enfants Anti-Balaka, en leur nt demandant de donner un signal fort de déposer les armes. À mes enfants ex-Séléka, je leur demande de déposer les armes.»
            Voilà les défis prioritaires qu’elle est appelée à relever. Demander aux frères ennemis « Anti-Balaka » et les ex-Séléka de déposer les armes est une chose. Cependant, arriver à créer un climat de confiance et d’amour entre ceux qui hier s’entretuaient, voilà le défi majeur que le successeur du malheureux Michel Djotodia doit relever.
            Dans un pays qui a sombré dans un cycle de violence infernal depuis la prise de pouvoir de l'ancien membre des rebelles de la Seleka, Michel Djotodia, l'ancienne maire de Bangui symbolise l'espoir, la bouée de sauvetage.
            Catherine Samba-Panza  aura à faire la course à la montre. Elle aura très peu de temps pour préparer les élections en 2015 (voire en 2014 comme le souhaite la France) et pour jeter les bases d'une politique destinée à remettre en route un pays à genoux et secoué par une extrême violence.

Trois défis majeurs
            Face à plusieurs défis, la nouvelle présidente aura à s’attaquer en priorité à trois défis : la sécurité, une aide humanitaire d'urgence, rétablir les structures administratives et remettre en marche l'économie.
            Sans nul doute, l'arrêt des violences sera un défi d'envergure... et le plus urgent. Le désarmement et le retour de la sécurité seront les priorités. Pour faire revenir la sécurité et pour la sécurisation des élections à venir, la présidente par interim doit compter aussi bien sur les forces internationales, mais aussi l’implication des chefs des anti-balaka et des ex-Seleka.
            En raison des déplacements massifs de population provoqués par les violences -près d'un million de personnes ont fui leurs foyers en Centrafrique depuis fin mars 2013 et environ 2,6 millions de personnes, soit la moitié de la population, ont besoin d'aide humanitaire, la fourniture d’une aide humanitaire d'urgence reste la 2ème priorité.
            A ce sujet, des nouvelles intéressantes arrivent de la communauté internationale qui, réunie à Bruxelles, s'est engagée à débloquer près de 500 millions de dollars.
            Rétablir les structures administratives et remettre en marche l'économie reste le 3ème défi.
Depuis la chute de François Bozizé, le pays est quasiment ingouvernable et les structures administratives inexistantes. Les écoles, les services de santé, les bâtiments administratifs, les tribunaux, les prisons, la police... sont complètement (ou quasiment) détruits. Les fonctionnaires ne sont pas payés ou au compte-goutte.
            Devenue le 7e président de la RCA depuis l'indépendance du pays en 1960, Catherine Samba-Panza n'a été élue que pour un poste de transition qu'elle est censée abandonner dès que des élections générales seront organisées, et auxquelles elle n'aura pas le droit de participer.
            Après Ange-Félix Patassé en 1993, c'est le second chef d'État centrafricain à être issu d'un processus relativement démocratique, les autres ayant tous accédé au pouvoir par un coup d'État. Les titulaires du poste se succèdent depuis un an. François Bozizé avait été déposé par les rebelles de la Séléka en mars 2013. Son successeur, Michel Djotodia, placé au pouvoir par la Séléka avant de devenir président de transition, a été évincé le 11 janvier par le sommet des chefs d'État de N'Djamena.
            Remettre sur les rails un pays totalement détruit par ses propres fils, rassembler tous les Centrafricains, chasser le démon des rivalités sanglantes entre musulmans et chrétiens, … des défis qui semblent trop lourds pour des épaules féminines de Catherine Samba-Panza, 59 ans.
           
Femme de caractère
            C’est mal connaître cette femme de caractère née d'un père camerounais et d'une mère centrafricaine, qui a été nommée mairie de Bangui par…celui qu’elle remplace – Michel Djotodia.          Alors qu’elle n'était pas le candidat initialement préféré par les parrains de cette élection, sa forte personnalité, son expérience du monde des affaires, ayant été longtemps à la tête des filiales centrafricaines de plusieurs compagnies d'assurance française, font finalement d'elle une candidate relativement acceptable à la tête d'un pays déchiré.
            Catherine Samba Panza jouit d’une certaine considération aussi bien de la part des ex-Séléka que des Anti-Balaka. Pour avoir été nommée par Michel Djotodia, la nouvelle présidente de la RCA jouit de la considération des ex-Seleka qui sont loin de la considérer comme une ennemie.
            Du côté des Anti-Balaka, qui récusent la légitimité du CNT, nommé à la suite d'un accord avec la Séléka, Catherine Samba-Panza ne constitue pas non plus « persona non grata ». Pour être bien certain que ces miliciens n'allaient pas une fois encore faire dérailler les plans par une attaque surprise sur Bangui, la France et la Fomac avaient séquestré pendant la nuit les principaux responsables du mouvement, convoqué à M'Poko sous le prétexte d'une réunion. Libérés aujourd'hui, ils n'ont jusqu'à présent pas manifesté d'hostilité trop marquée envers la première femme élue à la présidence de la Centrafrique.
Kléber Kungu

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