jeudi 21 juillet 2011

Crise politique belge : le Roi Albert II inquiet et affligé

J+403
Crise politique belge : le Roi Albert II inquiet et affligé
Aujourd’hui, le 21 juillet, les Belges célèbrent leur fête nationale. Ils la célèbrent depuis une loi du 27 mai 1890. Cette journée commémore le serment prêté, le 21 juillet 1831 par Léopold de Saxe-Cobourg, premier roi des Belges, de rester fidèle à la Constitution. Le serment du roi marquait le début d'une Belgique indépendante, sous le régime d'une monarchie constitutionnelle et parlementaire. Voilà pour la petite histoire. Cette fête est célébrée concomitamment avec le 403ème jour de la crise politique qui déchire le Royaume de Belgique. En effet, 403 jours après, les Belges peinent à avoir un gouvernement – excepté celui qui expédie les affaires courantes. A cette occasion, le Roi Albert II s’est adressé à ses compatriotes. Il n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude et son affliction face à cette crise qui a battu le record après celui des Irakiens. En 2010, les Irakiens avaient mis 249 jours pour conclure un accord de partage du pouvoir entre chiites, sunnites et kurdes, et 40 de plus pour qu’un gouvernement prête serment.
Le Roi Albert II a profité de la fête nationale de son pays pour exprimer son inquiétude et son affliction face à la crise politique qui l’endort depuis…403 jours. C’est un chef d’Etat contristé, dans un discours pour le moins menaçant qui s’est adressé à son peuple en le prenant à partie, en lui demandant à se connaître, alors que son pays empêtré dans une crise politique interminable est, à quelques heures, sur le point de fêter ses 181 années d'existence.
Albert II déplore de ne pouvoir se réjouir avec son peuple « de la prestation de serment d’un nouveau gouvernement fédéral de plein exercice. » Tout en rappelant au peuple belge, particulièrement aux politiciens de qui dépend essentiellement le dénouement de cette crise, « l’urgence et la nécessité de former un gouvernement investi de pleines responsabilités et qui devra réaliser les réformes structurelles nécessaires dans les domaines institutionnel et socioéconomique », le souverain a fait savoir la nécessité pour lui d’user de son « droit de mettre en garde », après avoir utilisé dans ses « audiences » les deux autres que lui reconnaissent « les prérogatives de la monarchie constitutionnelle », à savoir : « le droit d’être informé, le droit d’encourager .»
Dans son discours, le Roi ne cache pas son affliction, comme bien des Belges, pour « la plus longue durée, de mémoire d’homme, de formation d’un gouvernement ». En raison de cela, un sentiment d’inquiétude sur l’avenir, et d’ « incompréhension vis-à-vis du monde politique qui n’apporte pas de solution aux problèmes. Cela risque de développer une forme de poujadisme qui est dangereuse et néfaste pour la démocratie. »
Plus grave encore, poursuit-il, si cette crise perdure, « elle pourrait affecter de façon négative et très concrète le bien-être économique et social de tous les Belges. » Aujourd’hui, cette situation « crée de l’inquiétude auprès de nos partenaires, et pourrait endommager notre position au sein de l’Europe, voire l’élan même de la construction européenne déjà mis à mal par les eurosceptiques et les populistes ». Et pourtant, souligne-t-il « un des atouts importants de la Belgique, depuis la seconde guerre mondiale, est son rôle au sein de l’Europe. Cela nous a valu de devenir de fait, comme pays, la capitale de l’Europe et de jouer un rôle moteur dans cette formidable aventure qu’est la construction européenne. Notre pays, avec sa diversité culturelle, était considéré d’une certaine manière comme un modèle pour l’Union européenne. »
Pour mieux mettre chacun des acteurs proches et lointains dans cette crise, il a rappelé « les risques qu’une longue crise fait courir à tous les Belges » tout en exhortant « à nouveau tous les hommes et toutes les femmes politiques, et ceux qui peuvent les aider, à se montrer constructifs et à trouver rapidement une solution équilibrée à nos problèmes. »
Depuis les législatives du 13 juin 2010, la Belgique patauge dans une crise politique sans issue plus d’une année après. Le pays n’est pourtant pas sans pilote à bord. Le gouvernement sortant du chrétien-démocrate flamand Yves Leterme continue à expédier les affaires courantes de manière discontinue. Pendant que les flamands et les francophones s’entêtent à persévérer dans leur crise.

Les points de la crise
La volonté d’autonomie régionale accrue des Flamands, le fossé culturel croissant avec les francophones, le statut de Bruxelles, les tensions linguistiques, voilà les principaux points de cette crise.

Réforme de l’Etat
La Flandre, région néerlandophone du nord de la Belgique, réclame une autonomie toujours plus renforcée, en matière fiscale, d’emploi et de santé par rapport à la Wallonie (Sud) et à Bruxelles, deux régions francophones. Les Flamands (60% de la population environ) estiment qu’ils subventionnent excessivement aujourd’hui les francophones (40%), moins prospères et veulent que chaque communauté prenne davantage sa destinée en main. Les francophones sont prêts à des transferts de compétences mais limités. Ils redoutent à défaut leur propre appauvrissement et à terme la scission du pays.
La solidarité entre régions va toutefois de moins en moins de soi dans un pays coupé en deux linguistiquement, culturellement et politiquement depuis une série de réformes des années 1960 aux années 1990.

Statut de Bruxelles
Le statut de Bruxelles, région-capitale, est l’un des points-clés de la crise belge. Ce point a refait surface avec les négociations en cours sur une décentralisation accrue des pouvoirs vers les régions. Les néerlandophones ont fait de Bruxelles, ville historiquement flamande, la capitale officielle de la Flandre au sein de laquelle la métropole est enclavée. Mais, disposant d’un statut de région autonome, Bruxelles est très majoritairement francophone (jusqu’à 90%). Les partis flamands souhaitent avoir davantage leur mot à dire dans la gestion de la ville et les plus nationalistes lui refusent le statut de région à part. La capitale veille en retour à préserver son autonomie. De leur côté, des francophones souhaiteraient élargir la ville à certaines de ses banlieues situées en Flandre, où le français est majoritairement parlé. Les mêmes, ou d’autres, prônent un rattachement de Bruxelles à la Wallonie au Sud via un «corridor», ce dont les Flamands ne veulent à leur tour pas entendre parler.
En somme, flamands et francophones se livrent une bataille rangée autour de Bruxelles.

Différend linguistique
Les tensions linguistiques se cristallisent autour de droits spécifiques acquis par les francophones vivant dans la banlieue flamande de Bruxelles. Pour remettre en cause ces droits qu’ils jugent injustifiés, les Flamands demandent la scission du seul district électoral et judiciaire bilingue du pays, celui de Bruxelles-Hal-Vilvorde, dit «BHV». Il réunit l’agglomération bruxelloise et 35 communes flamandes entourant la métropole.
Cette particularité autorise les quelque 130 000 francophones installés dans le pourtour de Bruxelles à voter pour des partis francophones bruxellois lors des élections. Les francophones peuvent aussi bénéficier de procédures dans leur langue devant les tribunaux. Dans six communes flamandes où les francophones sont massivement représentés, ces derniers ont des droits supplémentaires : écoles francophones, documents administratifs dans leur langue. La Flandre n’est prête à accepter un maintien de droits particuliers que dans ces six communes.
Nous ne cesserons jamais de le dire. Si les Belges, qui ne perdent aucune occasion de donner des leçons à leurs anciennes colonies en cas de crise politique, peinent à trouver une solution à leur propre crise depuis plus d’une année, eux qui savourent déjà les fruits de la démocratie depuis plusieurs décennies, étant indépendant déjà près de deux siècles, nous nous mettrons à douter de leur compétence en matière d’arbitrage – sans pourtant refuser les bons offices qu’ils sont disposés à nous proposer. Car, là où se querellent deux personnes, on trouve toujours un négociateur prêt à offrir ses bons offices, qui est parfois loin d’être un modèle chez lui.
Kléber Kungu

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