Après un temps court d’accalmie
L’Angola reprend l’expulsion des Congolais sur fond de viols
Après une période d’accalmie, relativement courte, les Angolais ont repris les expulsions de leur territoire des ressortissants de la République démocratique du Congo (RDC). Des sources humanitaires rapportent que près de 200 ressortissants congolais viennent d’être expulsés violemment et sans préavis de l’Angola ces derniers temps. Ces personnes, selon l’ONG internationale CISP, citée par le Bureau de Coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha), expulsées de l’Angola depuis le 16 octobre sont arrivées dans les localités de Tembo, Kasongo Lunda, Swana Mukanza, Kizamba et Kahemba, dans la province du Bandundu dans des conditions très déplorables. Ces expulsions se sont soldées par deux morts et de nombreux cas de viols. On rapporte même que les femmes ont été violées et les hommes sauvagement battus, après avoir passé plusieurs heures dans des cachots des puits creusés sous terre.
Depuis mai 2010, le nombre de personnes expulsées de l’Angola vers le Bandundu est estimé à 356 personnes dont 155 hommes, 136 femmes, 36 garçons et 29 filles, selon des sources locales. Ces expulsions qui se font par des petits groupes, ont souvent lieu en dehors des postes de contrôle de la police congolaise et s’accompagnent des abus des droits et de la dignité de la personne. On rapporte des cas de viol, d’attouchement sexuel, d’extorsion des biens, etc. Une petite assistance humanitaire est apportée aux personnes expulsées en terme de trousses de prise en charge après viol (PEP) par CISP ainsi que d’aliments et/ou moyens de transport par Caritas Popokabaka. Les humanitaires craignent l’accentuation du mouvement d’expulsions qui pourra résulter, comme l’année dernière, à des représailles contre les citoyens angolais vivant en RDC.
Plus de 400 000 expulsés en 6 ans
Les chiffres fournis par la presse internationale indiquent que plus de 400.000 migrants clandestins, de nationalité congolaise pour la plupart, ont été expulsés depuis 2004 des provinces minières de l'Angola pour lutter contre le trafic illégal de pierres précieuses extraites sur place. En représailles aux expulsions de ses ressortissants menées par Luanda -- dont 160.000 en 2009 --, la RDC avait commencé début octobre 2009 à expulser les Angolais installés sur son territoire -- souvent légalement -- lors de la guerre civile (1975-2002) avant que les présidents congolais Joseph Kabila et angolais Eduardo Dos Santos décident, mi-octobre de la même année, de suspendre ces mesures réciproques en créant une commission mixte pour statuer sur la question.
Avec ces expulsions des sujets congolais du territoire angolais de manière aussi violente que répétitive, certains analystes très avisés estiment que l’intégration africaine tant prônée par les Africains reste une chimère. Pour justifier la violence de ces expulsions, les Angolais n’hésitent pas de ranger ces Congolais dans le rang de "migrants clandestins" pour leur infliger des traitements pires que ceux que subissent les immigrants clandestins africains sur les côtes espagnoles.
Comme pour ainsi dire, un Congolais est pour l’Angola ce qu’est un Rom ou un Africain pour la France. Certes, l’on ne peut légitimement s’en prendre à José Eduardo Dos Santos d’exiger des papiers qui légalisent la présence des étrangers sur son sol. C’est d’ailleurs la pratique en vigueur dans tout Etat qui se veut moderne. Cela lui permet de prospecter, d’anticiper. Mais encore faut-il que les conditions à remplir pour l’obtention de ces papiers soient favorables. En d’autres termes, les conditions posées, comme si cela était sciemment fait, rendent inutiles les voies légales et favorisent par là même la clandestinité. Tout compte fait, ces expulsions de Congolais montrent deux défaillances notoires.
D’abord de la part de l’Etat congolais. Au fait, que manque-t-il à ce pays pour que ses ressortissants traversent ses frontières à la recherche de la pitance quotidienne au risque souvent de leur vie ? Le diamant, il y en a à gogo. Le coltan, l’or, la cassitérite, on en trouve à suffisance. Bref, tout ce que les milliers des jeunes congolais vont chercher loin de leur pays, ils peuvent les trouver chez eux. Il y en a presque à portée de main. Que toute la classe politique congolaise cesse donc d’en vouloir à Santos pour ne s’en prendre qu’à elle-même. La classe politique doit faire en sorte que les Congolais fuient de moins en moins leur pays. Mais cela doit nécessairement passer par des principes d’une bonne gouvernance, qui engendre un pays économiquement et socialement prospère et riche où il fait bon vivre. La nation angolaise, du fait qu’elle ait connu la guerre civile, est excusable. D’ailleurs, ses dirigeants ont su, malgré tout, bâtir une économie pour le moins prospère. Un exemple que la RDC devrait plutôt suivre.
Ensuite, ces expulsions montrent qu’une SADC (Communauté pour le développement de l’Afrique australe) et une CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) sont incapables de s’entendre sur les principes de l’intégration africaine. En tout cas, ces deux organisations donnent tort aux gradualistes, c’est-à-dire ceux qui pensent qu’il ne peut y avoir d’Union africaine sans des intégrations sous-régionales réussies. Ainsi, entre les discours porteurs d’espoir d’une Union africaine que l’on entend lors des sommets et les réalités sur le terrain, c’est un grand fossé à remplir.
Enfin, ces expulsions des Congolais d’Angola suscitent une inquiétude quant aux relations entre les deux Etats. L’on se souvient qu’en réaction aux traques de ses concitoyens en Angola, Kabila avait, en 2008, eu recours au principe de réciprocité pour faire partir des Angolais de la RDC. En tout état de cause, il est à souhaiter que les deux Etats favorisent l’intégration des peuples plutôt que de donner à voir au reste du monde des images qui n’honorent pas l’Afrique.
Kléber Kungu
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