Le dernier verrou ayant saut
J.-P. Bemba pourra être jugé par la CPI
Après maints reports, le procès de Jean-Pierre Bemba peut enfin avoir lieu. Après que les juges de la CPI ont rejeté l’exception d’irrecevabilité de la procédure, J.-P. Bemba peut maintenant être jugé par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en République centrafricaine. "La chambre d'appel confirme la décision contestée et rejette l'appel", a déclaré la présidente de la chambre d'appel, Anita Usacka.
L'ouverture du procès de Jean-Pierre Bemba, l'ancien vice-président de la République Démocratique du Congo (RDC), prévue le 27 avril, avait été reportée plusieurs fois, les juges estimant dans "l'intérêt de la justice" que l'exception d'irrecevabilité soit tranchée avant le début du procès.
C’est le 25 février que les avocats de Jean-Pierre Bemba avaient soulevé ce qu’ils appellent une « exception d’irrecevabilité de la procédure » contre leur client. Les avocats du chairman avaient soutenu que celui-ci avait bénéficié d'un non-lieu en Centrafrique en septembre 2004 et que, par conséquent, il ne pouvait pas être à nouveau poursuivi pour les mêmes faits : meurtres, viols et pillages commis fin 2002-début 2003 par les rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC), présents à l'époque à Bangui pour tenter de sauver le régime d’Ange-Félix Patassé.
La chambre de première instance chargée de juger le prévenu avait rejeté, le 24 juin, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la défense qui avait alors interjeté appel.
Par cette démarche, la défense, qui conteste l’incompétence de la justice centrafricaine pour juger son client, cherchait des voies et moyens pour retirer le dossier de la CPI pour le remettre devant un tribunal centrafricain. Mais la justice de la RCA se serait déclarée incompétente. Maître Kilolo, l’un des avocats de Jean-Pierre Bemba, considère comme « une anomalie » le fait que le dossier de son client se trouve devant deux juridictions différentes. De son côté, la Chambre d’appel de la CPI à La Haye vient de décider que l’ancien vice-président du Congo-Kinshasa sera jugé pour crimes de guerre en Centrafrique. La défense demande que ce procès se tienne le plus rapidement possible.
Maints reports du procès
Après plusieurs reports, le procès de Jean-Pierre Bemba tarde à connaître un début, alors que le prévenu est détenu à la prison de la Haye depuis plus de deux ans. Alors que son ouverture était prévue le 27 avril de cette année, le début du procès avait été reporté, la première fois, au 5 juillet. Ce report a été justifié par l’exception d’irrecevabilité soulevée par la défense de M. Bemba. La Cour avait expliqué dans un communiqué que « l’examen de la requête de la défense, ainsi que les observations des autres parties et participants, devrait être soumis à un calendrier raisonnable et réaliste et que leur examen ne pourrait être achevé avant la date initialement prévue pour l’ouverture du procès ». « Elle a également considéré qu’il est dans l’intérêt de la justice de trancher l’exception d’irrecevabilité avant le début des débats au fond étant donné que la défense argumente que le procès ne devrait pas se tenir devant la Cour ».
Il sera ensuite reporté au 14 juillet. Cet énième report a été décidé «pour des raisons administratives, notamment la probable modification de la composition de la chambre, et afin de faciliter les préparations nécessaires au début du procès», avait indiqué la CPI. Il était prévu que des audiences se tiennent les 14 et 15 juillet pour «entendre les déclarations d’ouverture des parties et participants». Elles seront suspendues durant les vacances judiciaires et reprendront le 30 août.
Libération ‘’provisoire’’ de Bemba
Plus d’une année de détention après, la CPI avait ordonné la libération « provisoire » de Jean-Pierre Bemba le 14 août 2009, à condition que le détenu trouve un pays d’accueil. Elle avait néanmoins ordonné qu’il serait maintenu en détention à La Haye tant que la Cour n’aurait pas décidé quel Etat l’accueillerait. Aussi la Cour devait-elle encore décider, au plus tôt en septembre 2009, quel Etat l’accueillera dans l’attente de son procès. Le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo avait immédiatement fait appel.
Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a immédiatement fait appel de la décision, arguant que M. Bemba, accusé de meurtre, viol et pillage en République centrafricaine, de crimes de guerre et contre l’humanité, « qui est toujours physiquement détenu à La Haye, doit rester en prison ».
Pour cela, la CPI a convoqué six Etats proposés par M. Bemba : la Belgique, la France, le Portugal, l’Italie, l’Allemagne et l’Afrique du Sud - en audience du 7 au 14 septembre pour « discuter dans le détail » d’un éventuel séjour de l’accusé sur leur territoire.« A ce stade, les Etats ont par principe exprimé des objections et des inquiétudes », reconnaît la juge Ekaterina Trendafilova dans la décision rendue vendredi. Elle ajoute que la « mise en liberté provisoire » de l’accusé obéira à des « conditions » qui devront être déterminées durant ces audiences.
La juge a souligné que M. Bemba s’était « bien comporté » en détention, n’avait jamais tenté d’influencer la procédure et avait « donné sa parole qu’il ne prendrait pas la fuite » lors d’une audience le 29 juin. Le maintien en détention de M. Bemba « n’est pas nécessaire pour faire en sorte qu’il apparaisse au procès », dont la date n’a pas encore été fixée, a estimé la juge, selon laquelle il n’y a pas de risque qu’il fasse obstacle à l’enquête ou commette à nouveau des crimes.
Refus des pays d’accueil, malgré les 20 garanties de la défense
Pour faire accepter la demande de libération provisoire de son client, Me Aimé Kilolo, avait proposé vingt « garanties » à la Cour. L’accusé était ainsi prêt à pointer chaque jour à un commissariat, à être surveillé 24 heures sur 24 et offrait de « prendre à sa charge tous les frais » causés à l’Etat hôte. Malheureusement, cela n’a pas suffi pour pousser les pays proposés à l’accueil à accepter M. Bemba. La Belgique, notamment, s’était montrée peu désireuse de l’accueillir. Arguant que sa présence pourrait « poser des problèmes de sécurité publique », en raison de l’existence d’une importante communauté congolaise, notamment à Bruxelles, au sein de laquelle l’ex-vice-président ne « fait pas l’unanimité ».
La France avait également décliné l’offre, estimant qu’elle « n’était pas en mesure » de l’accueillir. Jean-Pierre Bemba possède des propriétés et des comptes bancaires en Belgique où ses enfants sont scolarisés et a des « liens sociaux importants » en France. Il en était de même pour l’Afrique du Sud qui n’avait « fait aucune offre pour recevoir Bemba ».
Jean-Pierre Bemba, 47 ans, est accusé de meurtres, viols et pillages commis entre octobre 2002 et mars 2003 par les hommes de sa milice, le Mouvement de libération du Congo (MLC), envoyés en Centrafrique pour soutenir le régime du président Ange-Félix Patassé qui avait maille à partir avec la rébellion de François Bozizé, l’actuel président de la Centrafrique. Il est poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Ancien vice-président de la République et candidat malheureux de la présidentielle de 2006, Jean-Pierre Bemba avait fui le pays en avril 2007 à la suite des affrontements post électoraux survenus entre ses hommes et la Garde républicaine en pleine capitale de la RDC. Sous le coup d’un mandat d’arrêt international de la CPI, le numéro un du MLC sera arrêté en mai 2008 à Bruxelles, avant d’être transféré à La Haye, siège de la CPI, où il est placé en détention début juillet 2008.
Kléber Kungu
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