lundi 7 mars 2011

L’Onu publie un nouveau rapport saisissant sur les violences sexuelles en RDC


Victimes de violences sexuelles en RDC
L’Onu publie un nouveau rapport saisissant
Les Nations unies viennent de publier un nouveau rapport sur des témoignages de quelques unes des centaines de milliers de victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo. Ce rapport constitue « un tableau extrêmement saisissant des ressources et des efforts, au mieux inappropriés et au pire inexistants, pour répondre à leurs besoins, allant des soins médicaux et psychologiques, à leur situation socio-économique, le manque d’accès à la justice, les compensations et autres formes de dommages et intérêts », renseigne un communiqué de presse publié par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Fort de 55 pages, le rapport onusien publié jeudi 3 mars par un panel spécial de haut niveau des Nations Unies, constitué par la Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Navy Pillay, « est le résultat d’une mission de terrain de 17 jours par les trois membres du panel et leur équipe dans sept localités de trois différentes provinces et dans la capitale de Kinshasa. »
Il est le résultat des entretiens du panel avec 61 survivantes de violences sexuelles, allant d’une petite fille violée alors âgée de 3 ans à une grand-mère de 61 ans, sur leurs besoins actuels et sur leurs sentiments à propos des recours et réparations qui leur sont actuellement disponibles. Beaucoup d’entres elles ont fait des descriptions graphiques détaillées aux membres du panel de ce qui leur était arrivé, ainsi qu’aux victimes de leur quartier. En plus de ces entretiens, des rencontres avec des représentants des autorités provinciales et locales et des tables rondes ont été organisés par le panel partout où il s’est rendu. A ces rencontres étaient invités des représentants des autorités judiciaires, de la société civile et des organisations des Nations Unies présentes sur place.
Lors de leur tournée, les membres du panel ont appris le calvaire des victimes qu’ils ont rencontrées soit individuellement, soit lors d’entretiens de groupe. Il ressort de ces entretiens que certaines victimes ont « contracté le VIH/SIDA du fait d'un viol, d’autres sont devenues enceintes et ont eu des enfants après avoir été violées, certaines femmes victimes ont été rejetées par leurs maris après le viol dont elles avaient été les victimes, des enfants ont été violés, des victimes de viol ont saisi la justice et d'autres ont été violées par des civils.
Le panel a également rencontré certaines victimes à besoins spéciaux, dont une jeune fille atteinte de handicaps sensoriels, une jeune femme malvoyante, et quatre hommes, dont deux avaient été victimes de viol et deux autres avaient été agressés sexuellement d’autres manières.
Pour le panel, la paix et la sécurité restent des conditions préalables au retour à une vie normale. Ainsi les victimes craignent que sans ces deux facteurs « ce qu'elles pourraient recevoir aujourd'hui pour rebâtir leur existence soit à nouveau détruit. »

La santé et l’éducation : priorité
La santé et l’éducation figuraient au nombre des principales priorités sur lesquelles les victimes ont également attiré l’attention du panel. « Elles souhaitent ardemment, dans bien des cas être pour autant en mesure de le faire, envoyer leurs enfants à l'école. Celles qui ont contracté le VIH/SIDA sont profondément préoccupées de ce qu'il adviendra de leurs enfants après leur mort. Nombre des victimes rencontrées par le panel ont été chassées de chez elles. Ces femmes ont exprimé la nécessité de programmes de réintégration socio-économique. »
« Le panel a été frappé par les différences entre les centres urbains et les villages dans lesquels il s’est rendu », indique le rapport. « Dans les régions reculées, les infrastructures sont tellement réduites que l’accès à une quelconque forme d’aide ou de réparation est pratiquement inexistant. En dehors des villes, la plupart des femmes ne peuvent bénéficier d'une aide médicale dans les 72 heures suivant le viol. De même, il n’existe pas de prison ni de tribunal à une distance raisonnable, ce qui rend la détention et la condamnation des auteurs extrêmement difficile et a pour effet de placer la justice hors de leur portée. »
Même à Bukavu, principale ville du Sud Kivu, le panel a noté que « le fonctionnaire de police en charge des enquêtes concernant les violences sexuelles disposait uniquement d’une moto, ce qui ne lui permettait pas de transporter les personnes arrêtées dans des locaux de détention. »
Beaucoup de femmes ne déclarent pas les viols à la justice, soit à cause de la peur d’être stigmatisée soit par un manque de foi dans le système judiciaire. « Il est inutile de déposer plainte » une femme a déclaré. « L'exemple de ce qui était arrivé aux personnes violées avant moi m'a appris qu'il n'y avait pas de justice ».»
Le panel a également rencontré des victimes de violences sexuelles qui ont pu surmonter les multiples difficultés liées à la saisine de la justice, et qui ont pu obtenir la condamnation de leur(s) violeur(s) ainsi que des réparations sous la forme de dommages et intérêts.
Cependant, le rapport indique que « les victimes ont fait part de leur colère à la suite de l’évasion des condamnés des établissements pénitentiaires où ils purgeaient leur peine, mais également parce qu'ils avaient omis de payer les dommages et intérêts … même dans les cas où l'État avait été condamné in solidum. »

Appel au paiement des dommages
Le rapport appelle l’autorité compétente au paiement des dommages-intérêts déjà alloués, estimant le contraire entamerait fort son image. « Il s’agit là d’un aspect extrêmement préoccupant pour les magistrats et fonctionnaires de justice et les autorités publiques provinciales, de même que pour la société civile et les victimes elles-mêmes. Le défaut de paiement du montant de ces dommages sape l'autorité du système judiciaire et la confiance des victimes en celui-ci, » déclare le rapport, lançant un appel pour que des mesures immédiates soient prises pour payer les dommages et intérêts déjà alloués.
Le rapport remarque cependant que la plupart des victimes avec lesquelles s’est entretenu le panel n'étaient pas en mesure d'obtenir justice des tribunaux car elles n'étaient pas à même d'identifier leur(s) violeur(s) ou dans certains cas car les violeurs n’avaient pas été arrêtés. « Les victimes ont un droit à réparation qui inclut la restitution, l’indemnisation, la réhabilitation, la liquidation et des garanties de non-répétition. Il est nécessaire d'insister sur la responsabilité de l'État à cet égard, avec le soutien de la communauté internationale. »
Le panel a entendu de multiples opinions concernant les avantages et les inconvénients des réparations collectives par rapport aux réparations individuelles, et il a été suggéré à maintes reprises que les deux types de réparations étaient nécessaires.
Le panel recommande la mise en place, de manière prioritaire, d’un fonds destiné à financer des réparations. La gouvernance du fonds de réparation devra inclure des représentants de l’État de la RDC, des Nations unies, des donateurs, de la société civile et des survivantes elles-mêmes. Un tel fond devrait bénéficier les victimes de violences sexuelles partout dans le pays.
« Faire peser l'opprobre non sur les victimes mais sur les violeurs aurait un impact très important sur la capacité des victimes à retrouver leur dignité et à reconstruire leur vie, » ajoute le rapport. « La rupture du silence et la mobilisation du soutien du public en faveur de ces victimes pourraient constituer les formes de réparation les plus importantes. »
L’organisation des auditions, et notamment l'identification et la sélection des victimes qu'a rencontrées le panel, a été effectué conjointement par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) et l’Hôpital Panzi, en concertation avec le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme de la MONUSCO (BCNUDH). Les risques potentiels pour la sécurité de chacune des victimes ont été évalués et des mesures ont été prises pour veiller à leur sécurité, ainsi qu’à la confidentialité des audiences. Il a été fait appel aux services de psychologues pour présélectionner chaque témoin. Les psychologues étaient également disponibles avant les auditions, ainsi qu’au cours de celles-ci et après.
Le panel était constitué de Kyung-wha Kang, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Elisabeth Rehn, ex-Ministre de la Défense de Finlande et co-auteur du rapport du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) sur « Les femmes, la guerre et la paix », et le Dr Denis Mukwege, Directeur médical de l’Hôpital Panzi de Bukavu (Sud-Kivu).
Kléber Kungu

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