vendredi 18 février 2011

Abbé François Luyeye : « La marche des Congolais ne doit pas s’arrêter »

16 février 1992-16 février 2011
Abbé François Luyeye : « La marche des Congolais ne doit pas s’arrêter »
Il ya 19 ans depuis que des chrétiens de Kinshasa ont été tués par la soldatesque de Mobutu au cours d'une répression violente et sanglante le 16 février 1992 alors qu'ils marchaient pacifiquement pour réclamer la réouverture des travaux de la Conférence nationale souveraine (CNS). Les Kinois se sont donc rappelés ces martyrs du 16 févier. « Nous nous sommes réunis ici pour nous rappeler les chrétiens tués le 16 février, pour leur dire que l’Eglise ne les a pas oubliés. Notre grand espoir est de construire un nouveau Congo, un autre Congo. Est-ce possible ? ». C’est en ces termes que l’abbé François Luyeye a introduit sa prédication de la messe d’action de grâce organisée en l’église de la paroisse saint Alphonse de Matete mercredi 16 février.
C’est une messe de sensibilisation sur la prise de responsabilité des chrétiens congolais face au destin de leur pays, à leur propre destin. En se souvenant des chrétiens kinois tombés sous les balles de la soldatesque du maréchal Mobutu, les Congolais réunis en l’église de la paroisse saint Alphonse voulaient montrer que ces chrétiens ne sont pas morts au nom de Jésus-Christ. « Est-ce qu’il faut toujours pleurer chaque 16 février ?, a interrogé l’abbé François Luyeye, en répondant par la négative, estimant que « la marche du peuple congolais ne doit pas s’arrêter. Elle signifie sa prise en main de ses responsabilités devant Dieu ».
Dans sa prédication, l’abbé François Luyeye s’est servi du message de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) du 24 juin 2010 à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Indépendance de la RDC, intitulé «Notre rêve d’un Congo plus beau qu’avant », dont il a épinglé certains passages clés et qui ont constitué son message.

« Une vision et une pratique du pouvoir politique contraires aux idéaux de l’indépendance »
« Ne faudrait-il pas reconnaître que la source première de la plupart de nos problèmes et de nos échecs réside dans une vision et une pratique du pouvoir politique contraires aux idéaux de l’indépendance et des sociétés démocratiques ? En effet, au lieu d’être un service du bien commun, les responsabilités publiques sont appréhendées et exercées dans la logique du partage des avantages économiques au détriment de la population. On préfère la légitimité des alliances politiques et militaires à celle que confère un service loyal du peuple. » (point 13) Il a relevé le fait que l’idéal des dirigeants congolais est de s’enraciner au pouvoir et que la RDC a plus reculé qu’avancé.
« Ne nous voilons pas la face : le rêve de bâtir un Congo plus beau qu’avant n’a-t-il pas été brisé ? Pour nous, la RD Congo a plus reculé qu’avancé. L’homme congolais n’a pas été au centre de l’action politique, ni économique ni sociale. Après cinquante ans d’existence, notre pays est sous accompagnement et encadrement international spécial pour sa survie et son fonctionnement. Pouvons-nous espérer que ce cinquantenaire sera un tournant décisif pour un avenir meilleur ? » (point 30)
« Les politiciens que nous voulons pour le Congo de demain sont ceux qui craignent Dieu, aiment notre peuple jusqu’au bout et vivent leur engagement politique comme un service du bien commun. C’est l’homme qui doit être au coeur de tout engagement politique. » (point 36)
En rappelant ces trois passages significatifs du message des évêques de RDC, l’abbé François Luyeye a tenu, selon ses propres termes, à raviver l’espérance, de faire naître un Congo nouveau qui ne viendra pas avec des prières, mais plutôt avec le travail. L’espérance chrétienne est l’antidote de toute fatalité, a déclaré le prédicateur du jour, estimant qu’on ne gouverne pas un pays par des cadeaux et que nous avons tous la responsabilité de participer à la naissance d’un Congo nouveau, d’amour. Le vol, la corruption et autres antivaleurs sont des vices qui avilissent notre pays.

Ne pas se taire
Dans un élan de sensibilisateur, l’abbé François Luyeye, recteur au Grand Séminaire Jean XXIII, aumônier de la classe politique, a lancé cet engagement devant des centaines de fidèles catholiques rassemblés au cours de cette messe « nous sommes venus prendre un engagement devant Dieu pour dire qu’aussi longtemps que le peuple congolais continuera de croupir dans la misère, je ne me tairai pas. Je suis prêt à refaire un autre 16 février. Aussi longtemps que nous n’avons pas encore vu le nouveau Congo, je ne dormirai pas ni ne me tairai.»
Comme pour donner un autre relief à l’événement, deux témoins de la journée du 16 février ont fait part de ce qu’ils ont vécu ce jour-là : le père Léon de saint Moulin qui a rappelé le bilan de cette tuerie (12 morts et plus de 33 blessés graves) dont il a cité quelques noms, et Mme Marie-Thérèse Mulamba, l’une des organisatrices du comité laïc.
24 heures plus tôt, dans une conférence animée à la paroisse Notre-Dame d’Afrique à Lemba, l’abbé Richard Mugaruka a insisté sur ce que doit être « le martyre chrétien en RDC », qui était même le thème de sa conférence. Parlant au nom de Jésus, il a invité les Congolais « à nous convertir et à nous engager dans le combat pour l’avènement du Royaume de Dieu en RDC, Royaume de vérité et de justice, d’amour et de paix ». Comme quoi, cet « engagement implique la croix, le martyr ». Cela dit, Jésus exhorte les Congolais à ne pas craindre « ceux qui peuvent tuer le corps mais qui ne peuvent pas tuer l’âme ».
Kléber Kungu

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