mercredi 4 février 2015

Christophe Gbenye vient de rendre l’âme

Ancien chef rebelle et proche de Patrice Lumumba
Christophe Gbenye vient de rendre l’âme
            Christophe Gbenye, un ancien chef rebelle  et ancien compagnon de l'ancien Premier ministre Patrice Lumumba, vient de rendre l’âme, dans la nuit de lundi 2  à mardi 3 février courant, à Kisangani, chef-lieu de la province Orientale, selon RFI qui n’a pas précisé les causes de sa mort…
            Cet ancien chef rebelle que certains qualifient de sanguinaire, s’était illustré dans la rébellion des Simba, l’une des plus sanguinaires que le pays ait jamais connues. Née au lendemain de l’assassinat de Patrice Emery Lumumba, la rébellion des Simba avait occupé une grande partie de la RDC au début des années 60.
            A quiconque voulait connaître son âge, Christophe Gbenye n’avait qu’une réponse : « Je suis né vers 1929. Mon père m’avait déclaré à l’état civil alors que j’avais déjà atteint un certain âge ».
            Patrice Emery Lumumba, Christophe Gbenye  et d’autres amis vont fonder le Mouvement national congolais (MNC). En 1960, alors que le pays accède à  l’indépendance, Christophe Gbenye est nommé ministre de l’Intérieur, puis en 1963 sous le gouvernement Adoula, après avoir été le premier bourgmestre adjoint de cetteville..
            Après l’arrestation suivie de l’assassinat en 1961 au Katanga du Premier ministre Lumumba, Christophe Gbenye et d’autres partisans du Premier ministre décident de gagner Stanleyville, aujourd'hui Kisangani, ville d’où ils ont décrété la République populaire du Congo dont Christophe Gbenye fut le président. La rébellion Simba va occuper une grande partie du territoire congolais, jusqu’à son écrasement en 1964.
            Ce gouvernement sécessionniste, opposé au gouvernement de Léopoldville, est à l’époque reconnu par 7 pays dont l’ancienne URSS et l’Égypte. Gaston Soumialot en est le ministre de la Défense.
            Le rebelle Christophe Gbenye s’exile à partir de ce moment.  Un exil qui va prendre fin lorsqu’ à la faveur d’une amnistie décrétée par le président Mobutu, lui et ses autres compagnons  regagnent le pays vers les années 70. Devenu homme d’affaires, l’ancien rebelle a continué à diriger le Mouvement national congolais Lumumba, jusqu’à sa disparition  avec l’opération belgo américaine de novembre 1964.
Kléber Kungu

La rébellion Simba en un mot
            La rébellion Simba est une rébellion qui eut lieu, en 1964, au Congo-Léopoldville (aujourd’hui la République démocratique du Congo), en réaction aux abus du gouvernement central congolais1. Elle mit en place brièvement le gouvernement sécessionniste de la République populaire du Congo, basé à Stanleyville (aujourd’hui Kisangani) et qui a contrôlé l'est du pays. Moïse Tshombe met un terme à ce gouvernement de Stanleyville  avec l’aide de troupes britanniques, américaines, et de parachutistes belges du 24 au 26 novembre 1964…
            Les leaders des rebelles sont majoritairement de gauche. La plupart des combattants, par contre, sont des hommes issus des tribus de la province du Kivu et la province Orientale. La grande majorité d'entre eux sont issus de culture traditionnelle avec des croyances animistes. Le nom "Simba" provient de la croyance de ces hommes que, selon leurs shamans, ils seraient immunisés contre les balles, grâce à l'absorption massive d'alcool et de drogues par certains d'entre eux, et qu'ils seraient ainsi transformés en Simba (Lion en swahili) durant les combats, et que les balles tirées par leurs adversaires seraient transformées en inoffensives gouttes d'eau, comme aujourd’hui les Maï-Mai. Les jeunes combattants étaient majoritairement âgés entre 12 et 20 ans…
            L'insurrection commença en janvier 1964. Les Simba réussirent à tenir à distance deux bataillons bien équipés de l'armée gouvernementale qui refusèrent de combattre. Les Simbas commencèrent alors à capturer des villes importantes. Au bout de plusieurs semaines, la moitié du Congo était sous leur contrôle ; certaines de leurs bandes perpétrant des massacres et se livrant à des tortures, viols, et exactions, tant parmi les Africains que parmi les Européens restés en place ou revenus après l’indépendance du pays. Selon certains témoignages, des rivières ont charrié un nombre incalculable de corps de suppliciés par ces bandes.
            Kisangani, une grande ville, a été prise suite à la fuite des 1 500 hommes de la force gouvernementale, laissant derrière eux leurs armements (mortiers, et véhicules armés). L'attaque consista en une charge de quarante combattants Simbas, dirigée par les shamans. Aucun coup de feu ne fut tiré.
            Les chefs rebelles les plus importants avaient systématiquement recours à la terreur, torture et exécutions publiques des agents gouvernementaux, des traitres, et des voleurs4. De nombreux otages de diverses nationalités, principalement belges étaient menacés d'exécution ou ont été exécutés dans les pires conditions.

Fin de la rébellion

            Il  a fallu donc l'intervention de la Belgique pour délivrer Stanleyville. Le nom de code était opération Dragon rouge. C'est le 1er régiment para-commando qui exécuta l'opération en synchronisme avec une colonne terrestre progressant dans la brousse sous le nom de code de Ommegang (du nom d'un cortège folklorique bruxellois). L'opération réussit, mais il y eut tout de même 24 otages tués. Auparavant, le gouvernement belge avait fait exfiltrer par le service africain de la Sûreté de l'État belge un représentant des rebelles pour lui proposer de libérer les otages sous peine d'une intervention militaire. Celui-ci fut reçu par le ministre des Affaires étrangères Paul-Henri Spaak, mais rien ne sortit de l'entrevue. Dès lors, les dés étaient jetés et Spaak put convaincre ses collègues du Conseil des ministres de lancer l'opération.

Source ; wikipedia.


Christophe Gbenye et les stocks d’or, de diamant et d’ivoire de la RDC

                Christophe Gbenye décédé, le secret du trésor estimé à un milliard de dollars que les rebelles Simba avaient emporté de Stanleyville au Soudan en 1964, l’accompagne dans sa tombe, laissant cette affaire toujours opaque et les Congolais bénéficiaires dans un grand suspense.

            Donc, avec la disparition de l’ancien chef rebelle des Simba, l’affaire des stocks d’or, de diamant et d’ivoire entreposés à la succursale de la Banque du Congo à Kisangani alors Stanleyville et que les anciens rebelles Simba défaits dans cette ville avaient convoyé dans leur fuite jusqu’au Soudan où ce butin aurait été saisi par les autorités de ce pays, reste toujours une énigme dont les Congolais attendent, depuis des décennies, un dénouement heureux.
            Sans doute, le dossier de la récupération de ce trésor fabuleux qui a suscité beaucoup d’espoir et de convoitises auprès des Congolais, reste-t-il à jamais hors de leur portée. Lire cet article ci-dessous de Colette Braeckman publié en 2006.
            En 1964, des rebelles congolais ont pris la fuite avec des camions bourrés d’or, de diamant et de défense d’éléphant. Leur fabuleux butin vient d’être retrouvé. Et il attise les convoitises.
            Lorsque, le 24 novembre 1964, des paras commandos belges sautent sur Stanleyville, aujourd’hui Kisangani, prennent le contrôle de la ville et libèrent les otages européens, une page se tourne dans le Congo d’après l’indépendance: La rébellion de l’Est, demeuré fidčle au souvenir du Premier ministre Patrice Lumumba, est définitivement vaincue.
            Et cependant, depuis janvier jusqu’ŕ novembre 1964, le Conseil national de libération, dirigé par Gaston Soumialot, Christophe Gbenye et Laurent-Désiré Kabila, avait réussi à prendre le contrôle de plus de la moitie du pays et de sept villes importantes, tandis que Pierre Mulele avait établi dans le Kwilu un mouvement paysan fortement inspiré par la Chine. Dans la presse de l’époque, les combattants, les Simbas, étaient qualifiés de rebelles. Pour en venir ŕ bout, l’Occident aligna contre eux des paras commandos, des avions T-28 déjà testés à Cuba lors du débarquement de la baie des Cochons, et des mercenaires, qui épaulaient l’armée nationale congolaise ou plutôt qui combattaient à sa place.
            Images et récits de l’époque évoquent des maquisards aux pieds nus, dépénalisés, des Simba féroces, couverts d’amulettes, qui prenaient les Européens en otages, les tuaient et parfois les mangeaient. Cependant, lorsque, après la reprise de Stanleyville par les troupes gouvernementales, les Simba et leurs chefs fuient vers le nord et traversent la frontière soudanaise, ils ne sont pas aussi désorganisés ni aussi démunis qu’on se l’imagine dans le camp d’en face. Ils se replient en bon ordre et, dans leurs camions, emportent un lourd trésor de guerre, un butin composé de lingots d’or et d’argent, de caissettes de diamants, de sacs de cassitérite et autres métaux précieux, des devises, dont des francs belges.
            Ils emportent aussi des défenses d’éléphant, des peaux de léopard, des véhicules et des armes qui leur ont été données par les Chinois. L’or a été saisi dans les banques locales, mais surtout dans les sièges d’exploitation des mines d’or de Watsa et de Kilo Moto.
            Lorsque l’armée vaincue, dirigée par le général Nicolas Olenga, arrive à Juba, la capitale du Sud-Soudan, elle est accueillie par le commandant soudanais de la place, le général Bechir, un officier promis à un brillant avenir puisqu’il est aujourd’hui président du Soudan.
            Celui-ci enregistre les avoirs de ses hôtes et les aide à les transférer par avion vers la Banque nationale du Soudan. Un avocat soudanais, Me Anwar Adham, assiste à l’opération et le gouverneur de la Banque,  El-Sid El-Fid, délivre aux rebelles un reçu en bonne et due forme, attestant qu’il a bien reçu un premier lot de 27 tonnes d’or. D’autres livraisons suivront, dont 8 tonnes d’or, déposées en 1965. Le trésor transféré au Soudan s’élèvera au total à 36,6 t d’or fin sous forme de lingots, 37 kilos de diamants de joaillerie ainsi que 66 défenses d’éléphant.
            A la même époque, 9 tonnes d’or sont également déposées en Egypte. Il serait faux de croire que ces dépôts ont été effectués en vrac par des rebelles analphabètes ; des documents d’époque montrent que, de sa fine écriture, le général Olenga notait soigneusement sur un cahier d’écolier les quelques retraits opérés sur des avoirs soigneusement répertoriés : « Douze malles d’une valeur de 9 880 000 francs pour achat de vivres des Simba » ou : « Deux caissettes d’argent pour les rations des Simba »...
            Malgré ce trésor de guerre, 20 000 combattants Simba vécurent au Soudan et en Egypte comme des réfugiés, parcimonieusement aidés par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). De nos jours encore, tous rêvent de rentrer au pays, dans un Congo pacifié.
            Quant aux chefs de la rébellion, ils connurent des destins divers: Pierre Mulele fut assassiné en 1965, dès son arrivée à Kinshasa, où il avait été attiré sous prétexte d’amnistie; le général Olenga fut assassiné au Caire; Laurent-Désiré Kabila, après un bref passage au Caire, fonda un maquis sur la frontière tanzanienne, dans le lieu dit Hewa Bora, qui figure sur l’acte de naissance de son fils Joseph, et connut le destin que l’on sait. (A la tête d’une rébellion partie de l’est du Congo et soutenue par le Rwanda, il a renversé le régime de Mobutu en mai 1997.
            Au pouvoir à Kinshasa, il a été assassiné en janvier 2001) Quant à Christophe Gbenye, le président du Conseil national de libération, en froid avec ses compagnons de lutte, il finit par céder à Mobutu et regagna Kinshasa, de même que Gaston Soumialot, le redoutable leader des Simba.

Seule la signature de Gaston Soumialot
            Après son retour, Gaston Soumialot fut confié aux bons soins d’un citoyen suisse, Martin Hoffmann, installé au Congo. C’est qu’il fallait à la fois surveiller et protéger le vieux chef rebelle, qui ne dormait que d’un oeil. Et qui refusa toujours de confier à quiconque - et surtout pas aux autorités mobutistes - les dés de son trésor : seule sa signature pouvait permettre d’accéder aux coffres de la Banque centrale de Khartoum.
            Pour rien au monde il n’aurait voulu que le « Zaďre » de Mobutu et surtout le chef de l’Etat et son clan, considérés comme des usurpateurs, aient accès au trésor du Congo révolutionnaire. Menées en 1967 et en 1995, des tentatives de récupération échouèrent. En 1997, Laurent-Désiré Kabila, devenu président à Kinshasa, n’eut pas plus de succès.
            Mais, en 2002, Soumialot, avançant en âge, estima que le temps était venu de récupérer le trésor des Simba, pour l’utiliser au bénéfice de la population. Toujours méfiant à l’égard de l’autorité étatique, il autorisa à Martin Hoffmann, devenu son homme de confiance, à tenter de mettre sur pied une fondation basée en Suisse, l’Association pour le développement sanitaire et social de la République démocratique du Congo, cette dernière étant chargée de récupérer les biens des anciens rebelles et de les utiliser tout d’abord pour permettre le retour au pays des Simba exilés et ensuite pour lancer des projets sociaux et éducatifs.
            Depuis, Hoffmann et son ami, l’avocat valaisan Pierre-André Bonvin, se battent. A Kinshasa, le président Joseph Kabila les a autorisés à poursuivre les démarches et il a financé leurs déplacements. Les deux hommes, malgré leur allure de Suisses bien tranquilles, se sont transformés en détectives. A Mascate, dans le sultanat d’Oman, ils ont retrouvé Anwar Adham, l’avocat soudanais qui avait réceptionné le trésor du général Olenga. L’homme de loi a témoigné de la réalité de ce transfert et produit l’accusé de réception signé à l’époque par le gouverneur de la Banque du Soudan.
            A Khartoum, la délégation, grossie par Nestor Diambwana, vice-gouverneur de la Banque nationale du Congo, et par Leonard Beleke, conseiller personnel du président Kabila (limogé depuis), fut reçue par le président Bechir ainsi que par le gouverneur actuel de la Banque du Soudan.

Dossiers bancaires détruits par un incendie ?
            Celui-ci feignit d’abord l’étonnement et assura que les dossiers de la banque avaient été détruits par un incendie. C’était sous-estimer la ténacité des deux Suisses: ils se rendirent à la Banque d’Angleterre, qui conservait dans ses archives des doubles des opérations bancaires menées à l’époque au Soudan. Il apparut que le Soudan avait effectué d’importantes ventes d’or et que, fin 1964, de l’or, pour une valeur de 3 millions de francs suisses, avait été transféré vers l’Union des banques suisses pour y être transformé en barres et vendu.
            Autrement dit, les autorités soudanaises de l’époque s’étaient appropriées en douce les avoirs des rebelles congolais. Aujourd’hui, confrontées aux preuves brandies par les Suisses et par le témoignage de l’avocat soudanais, elles ont reconnu la réalité de ce dépôt d’or et miraculeusement retrouvé une grosse enveloppe « Top secret – Gold from Congo »...
            Selon Hoffmann, un comité interministériel a été constitué à Khartoum avec pour mission d’étudier cette délicate question. Le Soudan, en effet, est régi par la charia, la loi musulmane, qui énonce clairement que les dépositaires de biens d’autrui sont tenus de les restituer quel que soit le temps écoulé depuis la date du dépôt ou de céder des biens de valeur équivalente. Et la valeur de ce trésor de guerre est aujourd’hui estimée à 1 milliard de dollars...
Colette Braeckman

Tiré de Courrier International n°795 du 26 janvier au 1er février 2006, repris du Le Soir Bruxelles


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