mercredi 4 février 2015

Beni endeuillé par un nouveau massacre

Comme poursuivi par un signe indien
Beni endeuillé  par un nouveau massacre
            Dix-sept personnes au moins ont été tuées à l'arme blanche dans la nuit de mardi 3 à mercredi 4 février dans le territoire de Beni qui ne cesse de perdre ses habitants depuis octobre  2014 après plusieurs massacres attribués à des rebelles ougandais des ADF-Nalu.
Ce dernier massacre a eu lieu dans un quartier périphérique de la ville de Beni.
            La police de Beni a retrouvé dix-sept corps massacrés à coups de machettes, alors que la fouille continue. Il s'agit du premier massacre signalé dans la région de Beni depuis l'annonce, le 13 décembre, de la reprise d'une offensive conjointe de l'armée congolaise et de la Monusco contre les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF).
            D'octobre à décembre, la région de Beni avait été le théâtre d'une série de massacres imputés à ces rebelles musulmans opposés au président Yoweri Museveni et présents en RDC depuis 1995. Ces attaques, qui ont coûté la vie à plus de 260 civils, ont été essentiellement perpétrées à l'arme blanche (machettes, haches, houes)
            L’offensive armée conjointe FARDC- Monusco a fait subir de lourdes pertes aux rebelles ougandais des ADF au premier semestre 2014. Les rebelles ougandais ont dû reprendre les poils de la bête après un relâchement de ces opérations à la fin du mois d'août.
            La reprise de l'offensive de l'armée congolaise et de la Monusco en décembre a contribué à ramener le calme et le couvre-feu imposé chaque soir à la ville de Beni a été levé le 23 janvier
            Des massacres attribués aux ADF ont néanmoins été signalés par la Monusco dans une région de la Province-Orientale limitrophe du territoire de Beni, où, selon l'ONU, trente personnes ont été tuées fin décembre.
            Pourquoi une reprise des massacres dans le territoire de Beni. ? s’interrogent les habitants de Beni. Sans doute parce que, selon un observateur militaire international, "on n'entend plus beaucoup parler de l'opération [militaire contre les ADF] ces temps-ci"
            A environ 250 km au nord de Goma, Beni, qui est une place commerciale importante pour la région, est le fief des Nande, une communauté dont les dirigeants s'étaient ralliés massivement à une milice soutenue par l'Ouganda pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003).

Massacres attribués aux ADF
            Les massacres perpétrés à Beni sont généralement attribués aux rebelles ougandais des ADF-Nalu. Mais où sont les ADF aujourd'hui ? Etaient-ils en mesure de mener ces attaques? Avant la prise de leur principal camp, en avril 2014, leur chef - Jamil Muluku - et sa famille se seraient éclipsés, mais seraient selon les experts onusiens toujours au Nord-Kivu, précise RFI.
            Un deuxième groupe - constitué de plus d'un millier d'hommes et dirigé par le commandant en second Seka Baluku - aurait trouvé refuge dans la forêt. Par ailleurs, poursuivis et attaqués par l'armée congolaise, deux cents d'entre eux seraient morts de faim, entre fin juin et août 2014, selon le groupe d'experts.
            Les ADF seraient donc affaiblis, mais leur commandement resterait intact. Néanmoins, malgré les opérations menées par l'armée congolaise, en 2014, le leadership et les réseaux de soutien des ADF n'ont été que très peu touchés, ce qui pourrait leur permettre de se reconstituer et de mener ces attaques meurtrières contre le populations civiles de Beni.

Qui sont les ADF ?
            Le rapport du groupe d'experts des Nations Unies, dont RFI s’est procuré une copie, permet, pour la première fois - à travers les témoignages d'une quarantaine d'ADF et la saisie de documents et d'armes dans leurs camps - de mieux comprendre le groupe armé le plus mystérieux de l'est de la RDC.
            Les ADF sont bel et bien un groupe armé, essentiellement ougandais avec pour noyau dur le chef Jamil Muluku, sa famille - et notamment ses fils –, ainsi que les membres historiques de cette rébellion.
            Dans les différents camps qu'ils occupaient jusqu'aux opérations des FARDC, ils s'entraînaient, cultivaient, priaient. C’est toute une organisation que l'on découvre au fil des pages de ce nouveau rapport. Ils ont ainsi été capables de recruter jusqu'en 2014 en Ouganda et en RDC.
            Certaines recrues ont joint volontairement la rébellion, parfois même avec leur famille ; pour d'autres, on leur a fait miroiter des opportunités économiques ; d'autres encore ont été enlevées et obligées de suivre une formation militaire. Ceux qui refusaient étaient détenus et menacés jusqu'à céder. On découvre aussi les Bazana - les civils kidnappés - qui devenaient les esclaves personnels du chef des ADF et qui étaient forcés de se convertir à l'islam.

Réseaux de soutien en RDC, en Ouganda et au Rwanda
            Dans les deux cours de justice - dont l'une était présidée par Jamil Muluku lui-même - refuser de se convertir, chercher à s'enfuir ou bien commettre un adultère étaient des crimes passibles de la peine de mort.
            Ce groupe islamiste n'a toutefois pas de liens apparents - disent les experts - avec des organisations terroristes étrangères comme les shebabs ou al-Qaïda. 
En revanche, ces experts onusiens montrent - documents à l'appui - que les ADF ont un réseau de soutien en RDC, en Ouganda et au Rwanda qui semble se déplacer librement. Ils ont également un réseau en Grande-Bretagne qui envoie de l'argent et des armes dont certaines proviennent des stocks de l'armée congolaise. Il s’agit d’armes chinoises que Pékin destinait à Kinshasa, mais qui oubliait malgré l'embargo de le mentionner au groupe d'experts.


Kléber Kungu

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