Référendum du Sud Soudan
Le 193ème Etat du monde en train de naître
Environ 4 millions de Soudanais du Sud ont une semaine pour s’exprimer lors du vote référendaire qui a débuté dimanche 9 janvier. Le vote se déroule à Juba, la future capitale du futur 54ème Etat africain. Ils ont jusqu’à samedi 15 janvier pour signer en lettres d’or la partition du plus grand pays d’Afrique avec ses 2 505 810 km2 de superficie qui va donner naissance au 193ème Etat de la planète dont le nom reste à trouver. En effet, il y a actuellement 192 États membres de l'Organisation des Nations unies plus le Vatican. Le Vatican est, à ce jour, le dernier État incontesté qui ne soit pas membre de l'Onu, où il bénéficie cependant d'un statut d'observateur permanent depuis 1964.
Au terme de ce référendum en cours, les populations du Sud-Soudan vont donc constituer leur propre Etat. Ce qui constitue un grand événement historique, qui aura des conséquences sur le Soudan, sur la région et sur toute l'Afrique. Ce scrutin était prévu dans l'accord de paix global de 2005, qui avait mis un terme à une guerre atroce de quarante ans entre le Nord et le Sud.
L'indépendance des Sudistes constitue un camouflet au pouvoir de Khartoum auquel les ils étaient en train de dire adieu. Fiers d’appartenir à un pays très riche en pétrole, les Soudanais du Sud, à majorité chrétienne, n’ont cesse de tourner la page noire caractérisée par des brimades et un esclavagisme et d’autres injustices.
Aujourd’hui, alors que les Sudistes jubilent à l’idée de se séparer avec les Nordistes, le président soudanais Omar Hassan Ahmed Al-Bachir doit regretter d’assister à la partition d’un pays où il règne encore en maître absolu, mais dont il était incapable de maintenir l’intégrité. Pendant que les autres pays du continent voient avec appréhension la remise en cause des frontières issues de la décolonisation.
Au lendemain de l’allégresse et de l’euphorie d’appartenir à un nouveau pays, les Soudanais du Sud doivent faire face à des défis de taille :la richesse en pétrole du Sud-Soudan, son seul revenu, contraste avec le caractère exsangue du reste du pays. Seule une minorité de la population accède à l'eau potable, la mortalité infantile est considérable, l'éducation d'un niveau bas et 80 % des adultes sont analphabètes. Malgré l'aide internationale, le réseau routier est très réduit et les pluies isolent des territoires entiers. De plus, les tensions ethniques y sévissent. En outre, le nouvel Etat africain fera partie des Etats riverains du Nil où les terres agricoles y sont souvent louées à des étrangers, employant une main-d’œuvre sudiste ou étrangère, c'est comprendre alors que rien ne sera facile. Bref, tout y est à reconstruire.
En plus, il faut également penser à doter à ce nouvel Etat des valeurs démocratiques nécessaires à un Etat de droit, où les droits fondamentaux, ceux des minorités, le pluralisme politique, doivent être garantis. Que les Etats-Unis d’Amérique et l'Europe, qui ont dépensé beaucoup d’énergie pour parrainer l'accord de paix Nord-Sud, ne s’arrêtent pas en si bon chemin….Les choses plus intéressantes ne font que commencer, car, en plus de leur soutien pour accompagner le développement démocratique du nouvel Etat, il s sont appelés à veiller à la justice dans la répartition des importations et des revenus de l'exploitation des ressources locales.
Le plus dur reste à faire
Pour bien des analystes politiques très avisés, le plus dur restera à faire après le vote référendaire. Le président soudanais a déclaré qu’il était prêt à accepter les résultats de ce vote. L’a-t-il dit sincèrement ? La conversion d'Al-Bachir à l'acceptation de la sécession peut masquer toutes sortes de manœuvres. Le président soudanais est affaibli. Il perd 35 % de son territoire et 80 % des ressources pétrolières, même si pour le moment les pipelines les conduisent au Nord. Le mandat d'arrêt lancé contre lui par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et contre l'humanité ainsi que pour génocide commis au Darfour sous ses ordres l'empêche de participer à la vie internationale.
L'instauration d'un plan d'austérité, alors que WikiLeaks a révélé qu'il s'est octroyé des sommes considérables, le fragilise un peu plus. Il peut être tenté de choisir la fuite en avant. Déjà, il relance la surenchère islamiste en projetant de généraliser la charia dans la Loi constitutionnelle, proclamant qu'il ne sera "plus question de diversité culturelle ou ethnique". Le raïs possède d'autres cartes pour attiser la violence.
D'abord en exploitant les rivalités ethniques dans la riche région frontalière d'Abyei, qu'il a privée de vote en violation de l'accord de paix. Ou encore par l'instrumentalisation accrue de l'Armée de résistance du Seigneur, soutenue par le Nord et composée de tueurs sadiques, qui sévit dans la région et fait des incursions meurtrières au Sud-Soudan et au Darfour.
Le nouvel Etat pourra avoir la vie sauve grâce à l’intervention de la communauté internationale qui doit se montrer capable d’aider les uns et contenir les autres, de susciter une juste répartition de la manne pétrolière, promouvoir la tolérance des pouvoirs envers les minorités au Nord comme au Sud, régler le conflit du Darfour. Autant de défis auxquels cette Communauté doit relever pour permettre aux Soudanais du Sud de ne pas avoir à regretter d’avoir voté pour la sécession, mais surtout pour bénéficier de la manne pétrolière estimée à plus de cinq milliards de barils.
Juba, la future capitale
C‘est dans ce contexte que Juba, la future capitale du nouvel Etat, est en train de renaître pour jouer son rôle de capitale du 193ème pays de la planète. Partout, les signes de renaissance sont palpables : des hôtels en dur côtoient des huttes. Cette ville qui a servi de garnison aux forces armées soudanaises du Nord durant la dernière guerre civile qui a déchiré le Nord et le Sud, est en train de prendre un bain de jouvence pour paraître avec ses nouveaux habits de capitale le moment venu.
Autre signe : ce sont des voitures qui ne se comptent plus aujourd’hui, tellement leur nombre provoque des bouchons, en côtoyant avec des motos-taxis, des véhicules 4x4 de l'Onu, des ONG, des responsables gouvernementaux et des hommes d'affaires qui se bousculent au portillon d’une ville qui ne cesse de croître.
Quatre jours après, le quorum de 60% des inscrits, nécessaire à la validation du scrutin, est déjà largement atteint. Sans doute, à la fin du scrutin, il sera dépassé à la fermeture des bureaux de vote. Le taux de participation et les résultats du scrutin doivent être officiellement annoncés par la commission référendaire. Des résultats partiels sont attendus fin janvier et les résultats définitifs le 14 février.
Kléber Kungu
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