Côte d'Ivoire
Qui peut dénouer la crise ivoirienne ?
Aujourd’hui, la situation en Côte d’Ivoire semble bloquée. Ni Laurent Gbagbo ni son opposant ne veulent céder; le second ayant été pourtant proclamé vainqueur de la présidentielle par la Commission électorale indépendante (CEI) aux dépens du premier, qui refuse de se plier au verdict des urnes. En dépit de la reconnaissance de la victoire d’Alassane Ouattara par la quasi-totalité de la communauté internationale qui a appelé Laurent Gbagbo à reconnaître sa défaite. Bicéphale, la Côte d’Ivoire plie sous le poids des deux ‘’présidents’’ qui tirent la couverture, chacun de son côté. Quels sont les leviers dont disposent la communauté internationale, l'Onu, l'Union africaine (UA) ou les bailleurs de fonds de la Côte d'Ivoire pour faire plier M. Gbagbo, qui s'accroche au poste qu'il occupe depuis dix ans ?
Les pressions de la communauté internationale sur l’homme par qui la crise est multiplient chaque jour. Les grands de cette planète, en l’occurrence Barack Obama, Nicolas Sarkozy, n’utilisent plus le figuré pour appeler Laurent Gbagbo à céder le fauteuil – qui lui a déjà faussé compagnie – à celui que la majorité des Ivoiriens ont élu. Tout nombreuses et pesantes que puissent être ces pressions, elles sont loin d’émouvoir M. Gbagbo.
L’Union africaine a dépêché dimanche 5 décembre son émissaire, l’ancien président sud-africain, Thabo Mbeki, à Abidjan en mission de médiation auprès des deux protagonistes. Le résultat de la mission est décevant : « la situation en Côte d’Ivoire est grave, très grave », a reconnu le médiateur qui est vite rentré en Afrique du sud. Thabo Mbeki venait d’essuyer son deuxième échec, le premier, toujours en Côte d’Ivoire, c’était à l’issue de la mission entre 2004 et 2006.
De son côté, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) tient un sommet extraordinaire mardi 7 décembre à Abuja pour évoquer la situation en Côte d'Ivoire. La réunion de la Cédeao, qui regroupe 15 Etats de la sous-région, dont la Côte d'Ivoire, et qui est présidée par le chef de l'Etat nigérian Goodluck Jonathan, ne durera qu'une journée. Elle ambitionne pourtant de sortir le pays d'Houphouët Boigny de l’impasse dans laquelle est plongée, mais il est probable que tout appel à Gbagbo pour qu'il reconnaisse sa défaite tombe dans le vide.
Le sommet d’Abuja attend beaucoup de l’implication du président burkinabé Blaise Compaoré, dont les efforts de médiation avaient convaincu Laurent Gbagbo à conclure en 2007 un accord de partage du pouvoir avec les rebelles nordistes. Accusé un moment par Gbagbo d'avoir soutenu les rebelles nordistes, au début de la crise de 2002, Blaise Compaoré a pris soin de rester neutre ces derniers temps dans l'affaire ivoirienne, prônant lundi devant la presse une solution pacifique à la crise.
Que dire des menaces et sanctions des banques et de l’UE ?
Nous craignons que les menaces de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD) ne parviennent à faire plier Laurent Gbagbo. Dans un communiqué commun, les deux banques ont promis de "réévaluer l'utilité et l'efficacité de [leurs] programmes" en Côte d'Ivoire. "Nous souhaitons poursuivre le travail avec les Ivoiriens en matière de lutte contre la pauvreté, mais il est difficile de le faire avec efficacité dans un contexte d'incertitude et de tension prolongées". La Banque mondiale avait conditionné l'effacement de trois milliards de dollars de dette extérieure de la Côte d'Ivoire – évaluée au total à 12,5 milliards de dollars – à la tenue d'une élection présidentielle.
De son côté, l'Union européenne, par la voix de la porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a également promis des sanctions à la Côte d’Ivoire, sans toutefois précisé lesquelles. Elle a indiqué que l’Union européenne était disposée à "suivre les procédures qui prévoient des sanctions s'il n'y a pas une résolution rapide à cette situation de crise". Elle n'a toutefois pas détaillé ces éventuelles sanctions. Elle a ajouté qu’outre les "sanctions ciblées" contre ceux qui "font obstacle à la transition pacifique", Mme Ahston s'est également dit prête à "prendre des décisions en matière de coopération". L'aide au développement actuellement programmée par l'UE en faveur de la Côte d'Ivoire, sur plusieurs années, s'élève à 254,7 millions d'euros.
L’ancienne puissance coloniale, la France, n’a pas tu sa position face à une situation très critique qui plonge la Côte d’Ivoire dans une impasse déplorable. Il est reconnu que la France, qui pèse lourd dans la balance ivoirienne avec environ 600 entreprises, a apporté un grand soutien Alassane Dramane Ouattara. Outre les paroles du président de la République depuis l'Inde, le Quai d'Orsay a indiqué que "l'heure en Côte d'Ivoire [était] à la recherche d'une transition ordonnée, sereine et digne qui permettra[it] à tous les acteurs économiques de poursuivre leurs activités et partant de continuer d'œuvrer au développement du pays".
Faudra-t-il voir dans cette déclaration du président français l’intention pour Paris de demander à ses entreprises à réduire ou cesser leurs investissements pour affaiblir M. Gbagbo ? C’est peu probable.
Question : de qui viendra la solution à la crise ivoirienne ? Qui parviendra à faire plier Laurent Gbagbo dont la soif du pouvoir rend très sourd à tous les appels ?
Kléber Kungu
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