jeudi 17 novembre 2011

La journée d’un candidat député national


La journée d’un candidat député national
(Par Kléber Kungu, envoyé spécial, de retour de Mbanza-Ngungu)
Nous nous sommes déplacé à la cité de Mbanza-Ngungu, à plus ou moins 150 km, à l’ouest de Kinshasa, à l’invitation de Mambwini Kivuila Joseph. Nous l’avons côtoyé au quotidien. Au siège de sa télévision, sur l’avenue Zongo n°16 bis, quartier Disengomoka. Ses faits et gestes, nous les avons vus, entendus, sentis, analysés. C’est la période de la campagne électorale, l’une des plus palpitantes et stressantes pour ceux qui ont décidé de servir le peuple en s’offrant ses voix. Mambwini Kivuila Joseph est de ceux-là.
Le candidat Mambwini Kivuila Joseph est de ces Congolais qui ont décidé d’abandonner carrière, biens et matériel après plusieurs décennies passées en Occident. Seulement, il a décidé de changer de statut : de l’enseignant qu’il était durant des décennies, il a opté pour la carrière politique. Parmi les 211 candidats, il a décidé de briguer l’un des 4 petits sièges qui reviennent à la circonscription de Mbanza-Ngungu, dans le Bas-Congo, sous le label de l’Alliance des bâtisseurs du Kongo (Abako). Il n’a pas eu peur de nager dans le même marigot électoral que de vieux crocodiles aux longs crocs comme les députés sortants Kiakwama kia Kiziki, Marie-Madeleine Mienze…
Le candidat Mambwini commence très tôt ses journées dans sa chaîne de télévision Global Kongo Video Network Television (GKV), l’une des plus suivies dans les Cataractes, au Bas-Congo en général, transformée en QG. Il se couche aussi très tard, préférant même clôturer avec les émissions de sa chaîne. Sans avoir donné les derniers ordres à exécuter aux premières heures du matin.
Il lui arrive d’allumer lui-même la télévision, cette arme très puissante de sa campagne électorale.
Au premier agent qui se présente à la station, le candidat lui pose cette question, qu’il répète aux autres, parfois sous une autre forme : « Quelle est la température ? » ou « Qu’est-ce que l’opinion dit sur ma campagne ? » Lorsque la réponse le convainc peu, il pousse l’agent à lui dire toute la vérité. Alors, il se met à écouter attentivement, entrecoupant le rapport par des petites questions d’éclaircissements. Et lorsqu’un agent arrive à oublier de faire le ‘’rapport’’ à celui qu’ils appellent affectueusement ‘’PDG’’ ou ‘’Boss’’, celui-ci le rappelle à l’ordre. « Depuis que vous êtes là, vous ne m’avez pas encore fait le rapport », lui reproche-t-il gentiment.

« Il reste à savoir si les Ngungois sont sincères »
La plupart de ces rapports sont laudatifs ou favorables au candidat. Ils sont loin de l’aveugler. « Il faut aussi me dire ce que l’opinion dit de mal de moi », demande-t-il. Prudent, il ajoute : « Dans tous les cas, il faut être prudent ». C’est cette prudence qui lui fait dire ceci quelques heures avant de quitter la station, le jour du voyage à Zongo : « Nous avons conquis le cœur des Ngungois. Il reste à savoir s’ils sont sincères », me confie-t-il. Auparavant, il va me tenir presque les mêmes propos, alors que je viens d’arriver à Mbanza-Ngungu. « L’opinion de Mbanza-Ngungu est favorable, mais je ne sais pas si ce sera la même chose dans l’isoloir », me dit-il, entre deux gorgées de sa bière préférée.
Oui, il a raison de se mettre sur ses gardes dans cette compétition qui a la particularité de permettre tous les coups. Les plus fourrés surtout.
A cet exercice de rapports, le candidat n° 3 de l’Abako à Mbanza-Ngungu se donne toute la journée. De temps à autre, son emploi du temps est entrecoupé d’autres activités : réceptions ici, réunions là, visites, ici, ordres là, le tout entrecoupé de nombreux coups de fil. Ceux de ses nombreux électeurs potentiels qui n’ont pas l’occasion de se déplacer pour lui parler de vive voix, l’appellent au téléphone.
Assis ou debout, il ne se lasse pas de suivre les émissions de sa télévision. Par ces temps de campagne électorale, le candidat n’a d’attention particulière que sur sa photo placée en médaillon au bas, à gauche du petit écran. Lorsque le réalisateur oublie pendant quelques secondes de la fixer, le PDG le rappelle à l’ordre, d’où qu’il puisse se trouver, à la station. « Guélor ou Dominique, photo ! » Aussitôt, la photo réapparaît. Quelques minutes plus tard, une pub sur le candidat crève l’écran. L’intéresse, satisfait, réagit par un sourire. « Mon frère, me souffle-t-il affectueusement, que celui qui refuse de suivre tout ceci zappe ».
Des visites, il en reçoit plusieurs par jour. Comme celle-ci : deux jeunes sœurs de mêmes parents viennent, l’une avec son bébé, voir le candidat à la députation nationale, pour lui poser leur problème : un des leurs frères souffre d’une hernie qui nécessite une intervention chirurgicale exigeant 50 dollars. Elles ne disposent que 25 dollars. Après quelques minutes d’échange, il leur remet le reste. Des jeunes, des étudiants, des membres d’associations, tous se font recevoir. Une autre écolière finaliste rend également visite à M. Mambwini. Son problème : que le candidat député national rencontre les finalistes de Mbanza-Ngungu, principalement ceux de son école. Mais auparavant, son problème était autre : elle va me demander en aparté si ce candidat est généreux !
Cet ancien journaliste n’hésite pas de mettre la main à la pâte dans le fonctionnement de sa chaîne. Tantôt, il enfourche l’une des deux grosses caméras du plateau, sinon les deux, pour filmer une émission. Tantôt, entre le régisseur et le plateau, il se met à coordonner les activités. Sinon, ce sont les commandes de la régie qu’il va se mettre à manipuler, à la grande satisfaction des milliers de téléspectateurs de cette chaîne de télévision, devenue le miroir du Bas-Congo.
L’Eléphant du Golf, c’est ce surnom que les habitants de la cité de Mbanza-Ngungu lui ont collé. Lorsqu’il se met à se promener dans cette cité, des « Eléphant du Golf ! » ne cessent de fuser de partout. En guise de réponse, il lève ses trois doigts de la main droite ou gauche à l’air, comme pour dire « je suis le numéro 3 sur la liste des candidats députés nationaux dans la circonscription électorale de Mbanza-Ngungu ». Sinon, alors, ce sont des « Honorable » qui sortent de la bouche des Ngungois. Prédisent-ils déjà les résultats des législatives du 28 novembre ? La réponse dans quelque deux petites semaines.
Lorsqu’il peut s’offrir quelques heures de distraction, c’est devant un verre de bière, son calepin toujours sur les genoux, dans lequel sont griffonnés des noms et les numéros de téléphone des partenaires et autres personnes.
Le regard parfois scrutateur, le candidat Mambwini Kivuila Joseph passe des moments très stressants : l’issue de tout ce combat est fort incertaine. C’est pourquoi, il met toute son énergie pour le préparer. Et il s’y met profondément en mettant toutes les chances de son côté. Pour pouvoir en tirer des dividendes très intéressants, le moment venu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire