vendredi 9 septembre 2011

Les 60 minutes de dépôt de la candidature de Tshisekedi

Présidentielle 2011
Les 60 minutes de dépôt de la candidature de Tshisekedi
(Un reportage de Kléber Kungu et Ruphin Bin Balola)
L’animation habituelle du centre-ville s’est déplacé au Bureau de réception, traitement des candidatures et accréditation des témoins et observateurs (BRTC) à la place Batetela, sur le boulevard du 30 juin, le lundi 5 septembre. Près de 1 500 militants et tous les cadres ou presque de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) y sont présents depuis 12 heures. Y compris la police : Etienne Tshisekedi dépose sa candidature à la présidentielle 2011. En présence de plusieurs personnalités des partis politiques de l’opposition.
Nous sommes arrivés à la place Batetela, précisément au BRTC, vers 13 heures. Banderoles et autres calicots sur fond des chants constituent le décor. « Pourquoi pas… et pourtant !!! Ensemble, nous pouvons restituer la dignité à notre population », « Etat de droit & démocratie », « L’heure de la vérité a sonné. Tenons bon, l’UDPS vaincra », « Victoire assurée », annoncent des banderoles et autres calicots que portent des militants, de tous les âges et de tous les sexes surchauffés.
Un confrère à qui nous demandons à quand l’arrivée d’Etienne Tshisekedi, il nous répond : « A 14 heures, on a dit ». Un coup de regard à ma montre : 13h50. Deux minutes plus tard, arrive un groupe d’opposants : Jean-Claude Vuemba, Chalupa, Diomi Ndongale, Lisanga Bonganga, Ingele Ifoto, Christian Badibangi, Roger Lumbala…Il s’engouffre dans l’enceinte du BRTC.
14h07. La police antiémeute, dont le dispositif est imposant, commence à prendre des dispositions en poussant – aussi calmement que gentiment -la presse. La place commence à se chauffer. La presse tente de riposter, la police insiste sans violence. Pour elle, il faut éviter des attroupements.
14h20. La presse très nombreuse négocie son entrée dans l’enceinte du BRTC. Pas question de faire entrer toute la presse, décide le protocole de l’UDPS. « Mes amis de la presse, on va seulement prendre 6 journalistes », annonce Lisanga Bonganga, qui s’improvise chargé de la communication de Ya Tshitshi.
L’un de deux portails du BRTC s’ouvre et plus de 6 journalistes s’engouffrent à l’intérieur, en jouant des coudes. « Dans ce pays, tout est difficile, même pour collecter l’information », lâche un confrère. Oui, que c’est difficile de couvrir le simple dépôt de candidature d’Etienne Tshisekedi !

L’opposition pas en ordre dispersé
Une heure plus tard, toujours pas de Tshisekedi. Pour meubler le temps, Lisanga Bonganga improvise une courte conférence de presse au cours de laquelle il déclare qu’avec le dépôt de candidature d’Etienne Tshisekedi, « les choses sérieuses commencent et que l’opposition ne va pas en ordre dispersé après avoir désigné Tshisekedi comme candidat unique de l’opposition ». Et lorsqu’on lui demande ce qu’il advient des autres membres de l’opposition absents, il affirme qu’ils sont « avec les autres et que personne ne récuse Etienne Tshisekedi que l’opposition considère comme le Mandela du Congo », ajoutant que « si quelqu’un veut se hasarder à déposer sa candidature, il doit rejoindre sa famille politique. S’il est de la vrai opposition, il sera avec nous ». C’est-à-dire, s’il est véritablement de l’opposition, il doit accepter de se rallier à Etienne Tshisekedi.
14h34. Ca chauffe à l’autre portail du BRTC où des gens se bousculent aussi bruyamment que violemment. Sans casse, heureusement. Quelques journalistes se frayent du chemin. 14h50. De l’extérieur, nous entendons des coups de klaxon. « Est-ce Etienne Tshisekedi qui vient d’arriver ? » je m’interroge intérieurement.
Oui, c’est bien le sphinx de Limete qui est arrivé. C’est la bousculade générale. Une Jeep noire de marque Prado immatriculée 2893 AE 01 se fraie difficilement le chemin à l’intérieur du BRTC, escortée par des gardes du corps au regard derrière des lunettes noires de M. Tshisekedi. D’autres s’agrippent, comme des guêpes, sur la Jeep. Il est 14h56.
Il faut plus de 5 longues minutes pour que le Lider Maximo s’extirpe de sa Jeep : c’est un Tshisekedi coiffé de son éternel et légendaire képi, communément appelé « moniéré » et arborant une chemise blanche fleurie de plusieurs de ses effigies, qui se pointe. Son visage, sans être terne, ne sourit pas. Pour s’engouffrer dans le bureau proprement dit du BRTC pour déposer sa candidature, sa garde rapprochée joue des coudes, assurant une ceinture sécuritaire impressionnante.
Le dépôt de candidature et le remplissage d’autres formalités durent près d’une longue soixantaine de minutes. La salle est si exiguë qu’elle n’accepte que quelques journalistes pour couvrir le dépôt proprement dit de la candidature de celui qui a passé 30 ans dans l’opposition.
« C’est la fin de ma lutte de 30 ans. Maintenant, va commencer la période de la réalisation des promesses de mon peuple », a déclaré l’opposant emblématique de la RDC, après avoir déposé sa candidature.
15h45. Le calme d’une longue attente est d’un coup remplacée par un branle-bas : Etienne Tshisekedi est en train de sortir après avoir déposé sa candidature. Sur le boulevard du 30 juin, c’est l’euphorie totale.
Engouffré dans sa Prado noire, le candidat de l’opposition prend quelques minutes de bain d’une foule immense qui l’accueille par des chansons annonçant sa victoire à la présidentielle de novembre 2011.

Triomphalisme aveugle
Cette victoire est également annoncée par d’autres membres des partis politiques de l’opposition, qui estiment que le simple dépôt de candidature est une victoire du peuple. « C’’est l’espérance de l’alternance et le souffle de l’avenir du peuple congolais », s’extasie Jean-Claude Vuemba, du MPCR, coiffé d’un ‘’moniéré’’. Pour lui, cette journée est historique, que ce soit pour les morts ou les vivants, que ce soit pour les hospitalisés, les ‘’bisimbi’’, les féticheurs, les prophètes que nous implorons de ‘’troner’’ Etienne Tshisekedi comme président de la République, à qui nous demandons d’instaurer un Etat de droit ».
A quelque 3 mois de la présidentielle, n’est-ce pas du triomphalisme ? L’élu de Kasangulu répond : « Si je ne suis pas sûr de la victoire d’Etienne Tshisekedi, pourquoi je dois être là. »
C’est le même optimisme chez Chalupa, un autre membre de l’opposition, qui voit dans la médiatisation du simple dépôt de candidature l’expression « de la participation de tous les partis politiques de l’opposition pour le soutien d’Etienne Tshisekedi ». Pour lui, cette manifestation exprime la victoire du peuple congolais qui aspire au changement et des élections libres transparentes et apaisées. »
Mais il reste très prudent. « Nous parlons de la victoire du peuple, mais pas des élections ».
Pour bien des militants de l’UDPS, la foule amassée devant le bureau du BRTC veut tout simplement dire que Etienne Tshisekedi est déjà élu président de la République. Comme si, pour devenir ou être élu président de la République, il suffit simplement de déposer sa candidature. « Voyez le peuple », déclare un militant de l’UDPS à un expatrié qui assiste à la cérémonie depuis le début.
Le triomphalisme et l’assurance quasi certaine des militants de l’UDPS quant à l’issue de la présidentielle de novembre 2011 en faveur du président national de leur parti ne sont que suicidaires et porteurs de germes de trouble. Qu’adviendra-t-il si les résultats du scrutin présidentiel donne à l’éternel opposant congolais perdant ?
Malheureusement, la victoire annoncée d’Etienne Tshisekedi à la présidentielle de novembre 2011 est l’idée inculquée dans les esprits de tout militant de l’UDPS. Le contraire équivaudrait à la tricherie ou au vol de leur victoire par les autres.
Des élections apaisées ? Des nuages sombres assombrissent le scrutin de novembre, d’autant plus dans les deux camps : MP et opposition, l’on ne jure que par la victoire.
En attendant, coup de chapeau aux éléments de la police qui se sont honorablement comportés devant de nombreuses provocations des éléments de l’UDPS.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire