lundi 10 novembre 2014

Retracer leur frontière commune : mission délicate pour Kinshasa et Kigali

Source de maintes tensions
Retracer leur frontière commune : mission délicate pour Kinshasa et Kigali
            Retracer leur frontière commune de plus de 200 km, à la fois terrestre, lacustre et fluviale, voilà la mission délicate qu’une équipe d’experts ainsi que des représentants des autorités locales de  Kinshasa et de Kigali doivent réaliser cette semaine, du 25 au 30 août. Une mission délicate d’autant plus qu’elle est  la source, des décennies durant, de maintes tensions entre les deux pays.
            Des experts et des représentants des autorités de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda vont devoir s’activer pour réaliser  pendant six jours (du 25 au 30 août) une mission aussi délicate qu’importante en faveur de ces deux pays. Il s’agit de retracer un peu plus de 200 km de frontière entre la RDC et le Rwanda. Une frontière à la fois terrestre (de Goma à Giseny), lacustre (à travers le lac Kivu) et fluviale (le long de la rivière Ruzizi).
            La décision de procéder au retracé de la frontière entre la RDC et le Rwanda a été prise au début du mois d’août au cours d'une rencontre bipartite, qui s'est tenue  à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
            La matérialisation de cette frontière commune va consister à placer des bornes sur la partie terrestre comprise entre la ville de Goma (RDC) et celle de Gisenyi (Rwanda) et par des bouées sur le lac Kivu compris entre les villes de Bukavu et Goma.
            On rapporte que le tracé de la frontière n'a pas été source de discorde entre les deux parties, à en croire la manière dont les délégués des ministères congolais et rwandais de l’Intérieur ainsi que les membres de la commission permanente des frontières Rwanda–RDC se sont facilement mis d'accord en se basant sur la carte coloniale dressée en 1911, entre la Belgique (le premier colonisateur du Congo)et l'Allemagne (le second colonisateur du Rwanda).

Localisation de 6 bornes des 22  de l’époque coloniale
            Le vice-gouverneur du Nord-Kivu, Feller Lutayichirwa Muiwahale, l’un des membres ayant pris art  cette rencontre, du côté de la RDC, n’a pas tardé d’afficher son optimisme en assurant que les travaux de démarcation iraient jusqu’à leur terme, d’autant que six bornes-frontières sur les vingt-deux mises en place à l’époque coloniale ont déjà été localisées. Le même optimisme a été affiché du côté rwandais où le chef de la délégation, James Ngango, a assuré que le procès-verbal qui venait d’être lu et signé ne pourrait souffrir d’aucune faille déclaré. Comme quoi il serait appliqué.
            La source ajoute que les deux parties avaient pris l’engagement de se retrouver en septembre prochain pour évaluer l'opération de tracé qui serait fait entre temps.
            Retracer leur frontière commune aiderait la RDC et le Rwanda à faire baisser la tension consécutive à cette épineuse question. Depuis l’entrée de l’AFDL en RDC avec le président Laurent-Désiré Kabila, la question de la frontière a surgi de plus belle lorsque le problème des prétendus accords de Lemera a circulé abondamment dans l’opinion congolaise. Ainsi Les Congolais n’ont cesse d’accuser les Rwandais d’expansion territoriale. Une polémique que Nicolas Sarkozy, alors président, avait aidé à nourrir en déclarant que la RDC dispose d’un espace très large et une grande quantité de des richesses minières qu’elle pourrait les partager avec son voisin-ennemi le Rwanda.
            Pour certains spécialistes de la question, la mission que les deux pays se sont donnée est très importante, car elle leur permettra de rendre visible leur frontière. Ce qui supprimera, précise le géographe Michel Foucher, cité par TV5 Monde, de supprimer tout prétexte d’incursion pour telle ou telle force armée ». Ce géographe français doublé d’un diplomate ajoute que la délimitation frontalièrel est un vrai signe de pacification ».

Lutter contre la contrebande…
            La mission va également aboutir à la délimitation d’une frontière normalisée qui va faciliter désormais différents échanges entre les deux pays qui ont intérêt à cultiver des relations de bon voisinage que de se livrer, des années durant, à des conflits meurtries qui ne font qu’attiser haine, revanche…
            Dans son analyse, Michel Foucher  va plus loin. « C’est cela le but de l’opération : mettre fin au racket des douaniers, lutter contre la contrebande, encourager le commerce transfrontalier…La frontière ne sera plus vécue comme une barrière mais deviendra une ressource pour les populations locales. »
            Une mission qui tombe à propos, alors que la Banque mondiale , par son président, Jim Yong Kim et l’Onu, par son secrétaire général, Ban Ki-moon, avaient promis, lors de leur tournée dans la région des Grands lacs, en mai 2013, une enveloppe de 1 milliard de dollars pour le développement économique des pays de la région, après la signature par 11 pays de la région de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
            Les deux personnalités s’étaient rendues successivement en République démocratique du Congo (le 22 et le 23), au Rwanda (le 23 et le 24) et en Ouganda (le 24).

            Au sujet de la délimitation des frontières avec ses voisins, la RDC n’entend pas s’arrêter en si bon chemin avec le Rwanda. Kinshasa a également entrepris un abornement de sa frontière plus au sud avec son voisin ougandais. Un dossier, apprend-on de la même source, est en cours, à la demande de la RDC et de l’Ouganda.

Existence d’un programme continental
            En 2007, un programme spécifique sur la délimitation des frontières des pays africains avait été lancé sous l’égide de l’Union africaine. A l’initiative de l’ancien président du Mali Alpha Oumar Konaré, ce programme est financé par la coopération allemande. Il fonctionne déjà bien dans bien des pays de l’Afrique de l’Ouest, en l’occurrence au Mali, au Sénégal et au Burkina, ainsi qu’au Mozambique.
            Cependant, ce programme de démarcation des frontières ne marche pas du tout dans la corne de l’Afrique, en Ethiopie, en Somalie et au Soudan, des pays déchirés par d’interminables conflits politico-territoriaux. Ce programme se fait sur base du volontariat des Etats. Il appartient donc aux Etats concernés de déclarer leur situation frontalière avant de s’engager à procéder à la démarcation des frontières. La fin de ce programme est prévue en 2020.
            Certains esprits avisés restent encore sceptiques quant à la bonne foi de la partie rwandaise sur le respect de la frontière une fois délimitée.

Kléber Kungu

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire