mercredi 3 décembre 2014

Un journaliste agressé par deux kuluna à Ndjili

La criminalité se porte encore bien à Kinshasa
Un journaliste agressé par deux kuluna à Ndjili
            Vous avez déjà vécu en live une agression de kuluna, sans doute comme spectateur. Priez le Seigneur qu’il ne vous arrive pas de la vivre comme victime, comme moi. Je suis l’une des victimes de l’agression de ces malfrats bons pour la prison à vie. Je vous fais vivre les moments douloureux, de désespoir, d’angoisse viscérale que j’ai vécus pendant quelques minutes seulement qui m’ont paru une éternité et comme…les derniers de ma vie. Dans la nuit de dimanche 31 août à lundi 1er septembre dernier.
            Il est environ une heure lorsque, revenu d’un voyage de Luozi, à plus de 300 kilomètres au sud-est de Kinshasa, je débarque à la place sainte Thérèse, dans la commune de N’djili. Aucun taxi, aucune taxi-moto en vue. La place est déserte, excepté deux couples de tourteaux qui traînaillent encore près de la station-service…
            Je me plante à l’entrée du couloir Zénith, long d’un kilomètre, qui sépare la place sainte Thérèse à ma maison. La peur me tenaille les boyaux : le couloir est plongé dans un noir opaque qu’adorent les malfrats, dont les kuluna.
            Quelques secondes de prière à mon Dieu protecteur avant d’engager une marche périlleuse. Prenant mon courage en mains chargées, à gauche, d’un sachet dit « market » dans lequel je place l’appareil de photo, 4 chikwangues  et quelques morceaux de cannes à sucre, à droite, d’un sachet « Viva » chargé de quelques verres de haricots, je plonge dans le noir, le corps lesté de deux petits sacs de vêtements et chaussures en bandoulière de chaque côté.

Dans le noir, seul avec Dieu
            L’œil aux aguets, avec un regard de deux côtés et  priant toujours, je marche dans un couloir silencieux, seul avec mon Dieu, le cœur battant la chamade, prêt à toute éventualité aussi malheureuse que subite.  
            Je venais de franchir à peine deux cents mètres et réfléchissant sur mon éventuelle réaction en cas d’attaque des kuluna revenus à la charge en faveur des expulsions des Congolais de Brazzaville lorsque, comme dans un film, je vois surgir, l’un après l’autre, d’un arbre et d’un poteau électrique plantés à l’entrée droite d’une rue, deux kuluna, en caleçons et torse nu, la main droite levée, avec une longue machette…Le premier, sortant brusquement de sa cachette, m’intime un ordre mortel que je ne saisis pas bien du tout.
            Il faut seulement être comme moi ou à ma place pour réaliser ce que j’ai vécu soudain en ce moment crucial de ma vie. Je me mets à vivre en live, comme aiment dire les Kinois, ce que j’ai l’habitude de suivre sur Molière, la chaîne spécialisée en ce genre d’informations criminelles ou de m’entendre raconter.
            Le sang fait un tour, accompagné du premier réflexe : je réalise un demi-tour, aussi parfaitement que rapidement, comme nos enseignants de primaire nous l’avaient enseigné dans le cours de gymnastique.

« Au secours ! Au secours ! »
            « Au secours ! Au secours ! Je suis agressé par des kuluna. » Je me mets à crier à tue-tête en courant en même temps. Alors que je tente de me faufiler vers la gauche, un des malfrats, la main droite levée tenant une longue machette m’en empêche, me ramenant à droite, comme les rabatteurs le font professionnellement à un animal lors de la chasse commune.
            Ils ont bien choisi cet endroit, ces malfrats ; le feuillage de quelques petits arbres alourdissent la pénombre au point où il est difficile d’apercevoir un obstacle. Je me cogne contre un étal en bois qui sert d’étalage de petites marchandises à une fille. La chute est fatale : je lâche, sans m’en rendre compte, les deux charges en mains, pendant que les deux au cou tiennent encore.
            Je me relève, criant toujours au secours, un secours qui tarde de venir ou qui ne viendra certainement pas. J’essaie de reprendre la fuite, un des kuluna, la longue machette en main, se pointe à ma gauche, déterminé à arracher un de mes sacs,  comme son complice qui a déjà disparu avec mon « market ».
            Pendant cet ultime moment d’un combat d’où  je ne suis pas certain de sortir indemne, des bruits des occupants de la parcelle en face se font entendre : des cris des personnes, le portail s’ouvre avec doute. On ne sait jamais : c’est une imprudence que de porter secours à une personne que vous ne connaissez pas du tout, il peut s’agir d’un appât, mieux un piège que les malfrats ont l’habitude de tendre…
            Ces bruits désarment le kuluna qui, craignant d’être surpris par des secouristes, prend le large, m’abandonnant tout haletant et toujours criant au secours.
            La scène qui n’a duré que moins de 10 minutes à été suivie en live et par mes sauveteurs et par un autre habitant en face qui m’en a parlé quelques jours plus tard en s’excusant qu’il craignait de me secourir parce que les brigands étaient très nombreux. Ce qui est archifaux !

Près d’une dizaine de personnes prêtes à secourir leur proche
            Aussitôt la lutte terminée, je ramasse mon sachet de haricots, les deux sacs en bandoulière toujours en place, je me dirige vers la parcelle où je rencontre près d’une dizaine de personnes à l’intérieur, devant le portail, armées de différentes armes blanches, dont des bâtons, prêtes à secourir leur proche, pas un inconnu comme moi.
            J’entre et vois une femme étalée par terre, en train d’être réanimée et éventée : c’est que ma voix de détresse parvenaient à cette femme comme celle de  son fils à qui elle venait d’appeler à 21 heures 30 pour l’interdire de venir car le milieu, sans courant électrique à ce moment, inspirait de l’insécurité.
            Après avoir entendu mon triste récit, ils m’offrent à y passer le reste du temps. Avant de m’étaler sur une natte, je reçois un coup de fil de mon épouse inquiète ; « Où es-tu pour le moment ? » Lorsque je lui réponds que je viens d’être agressé par des kuluna à une centaine de mètres de la place sainte Thérèse qui ont emporté l’appareil de photo et que je suis hébergé dans une parcelle, elle pousse un gros cri de regret et d’inquiétude que j’apaise aussitôt en l’informant que je suis sorti de la lutte avec seulement des courbatures au genou, au coude et à une cote du côté droit et non des blessures des machettes.
            Plusieurs jours après ce combat d’avance perdu pour moi, je ne parviens pas toujours à réaliser le fait que j’en suis sorti sans un coup de machette, alors que les kuluna s’en étaient servis. Une seule explication me revient en tête : c’est le Créateur lui-même qui est venu à mon secours en faisant en sorte que ma voix ressemble à celle du fils de la famille qui m’a sauvé pour qu’elle soit poussée à intervenir.
Kléber Kungu

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