La
criminalité se porte encore bien à Kinshasa
Un journaliste agressé par deux kuluna à
Ndjili
Vous avez déjà vécu en live une
agression de kuluna, sans doute comme spectateur. Priez le Seigneur qu’il ne
vous arrive pas de la vivre comme victime, comme moi. Je suis l’une des
victimes de l’agression de ces malfrats bons pour la prison à vie. Je vous fais
vivre les moments douloureux, de désespoir, d’angoisse viscérale que j’ai vécus
pendant quelques minutes seulement qui m’ont paru une éternité et comme…les
derniers de ma vie. Dans la nuit de dimanche 31 août à lundi 1er
septembre dernier.
Il est environ une heure lorsque,
revenu d’un voyage de Luozi, à plus de 300 kilomètres au sud-est de Kinshasa,
je débarque à la place sainte Thérèse, dans la commune de N’djili. Aucun taxi,
aucune taxi-moto en vue. La place est déserte, excepté deux couples de
tourteaux qui traînaillent encore près de la station-service…
Je me plante à l’entrée du couloir
Zénith, long d’un kilomètre, qui sépare la place sainte Thérèse à ma maison. La
peur me tenaille les boyaux : le couloir est plongé dans un noir opaque qu’adorent
les malfrats, dont les kuluna.
Quelques secondes de prière à mon
Dieu protecteur avant d’engager une marche périlleuse. Prenant mon courage en
mains chargées, à gauche, d’un sachet dit « market » dans lequel je
place l’appareil de photo, 4 chikwangues
et quelques morceaux de cannes à sucre, à droite, d’un sachet « Viva »
chargé de quelques verres de haricots, je plonge dans le noir, le corps lesté
de deux petits sacs de vêtements et chaussures en bandoulière de chaque côté.
Dans le noir, seul
avec Dieu
L’œil aux aguets, avec un regard de
deux côtés et priant toujours, je marche
dans un couloir silencieux, seul avec mon Dieu, le cœur battant la chamade,
prêt à toute éventualité aussi malheureuse que subite.
Je venais de franchir à peine deux
cents mètres et réfléchissant sur mon éventuelle réaction en cas d’attaque des
kuluna revenus à la charge en faveur des expulsions des Congolais de
Brazzaville lorsque, comme dans un film, je vois surgir, l’un après l’autre,
d’un arbre et d’un poteau électrique plantés à l’entrée droite d’une rue, deux
kuluna, en caleçons et torse nu, la main droite levée, avec une longue
machette…Le premier, sortant brusquement de sa cachette, m’intime un ordre
mortel que je ne saisis pas bien du tout.
Il faut seulement être comme moi ou
à ma place pour réaliser ce que j’ai vécu soudain en ce moment crucial de ma
vie. Je me mets à vivre en live, comme aiment dire les Kinois, ce que j’ai
l’habitude de suivre sur Molière, la chaîne spécialisée en ce genre
d’informations criminelles ou de m’entendre raconter.
Le sang fait un tour, accompagné du
premier réflexe : je réalise un demi-tour, aussi parfaitement que
rapidement, comme nos enseignants de primaire nous l’avaient enseigné dans le
cours de gymnastique.
« Au
secours ! Au secours ! »
« Au secours ! Au
secours ! Je suis agressé par des kuluna. » Je me mets à crier à
tue-tête en courant en même temps. Alors que je tente de me faufiler vers la
gauche, un des malfrats, la main droite levée tenant une longue machette m’en
empêche, me ramenant à droite, comme les rabatteurs le font professionnellement
à un animal lors de la chasse commune.
Ils ont bien choisi cet endroit, ces
malfrats ; le feuillage de quelques petits arbres alourdissent la pénombre
au point où il est difficile d’apercevoir un obstacle. Je me cogne contre un
étal en bois qui sert d’étalage de petites marchandises à une fille. La chute
est fatale : je lâche, sans m’en rendre compte, les deux charges en mains,
pendant que les deux au cou tiennent encore.
Je me relève, criant toujours au
secours, un secours qui tarde de venir ou qui ne viendra certainement pas.
J’essaie de reprendre la fuite, un des kuluna, la longue machette en main, se
pointe à ma gauche, déterminé à arracher un de mes sacs, comme son complice qui a déjà disparu avec
mon « market ».
Pendant cet ultime moment d’un
combat d’où je ne suis pas certain de
sortir indemne, des bruits des occupants de la parcelle en face se font
entendre : des cris des personnes, le portail s’ouvre avec doute. On ne
sait jamais : c’est une imprudence que de porter secours à une personne
que vous ne connaissez pas du tout, il peut s’agir d’un appât, mieux un piège que
les malfrats ont l’habitude de tendre…
Ces bruits désarment le kuluna qui,
craignant d’être surpris par des secouristes, prend le large, m’abandonnant tout
haletant et toujours criant au secours.
La scène qui n’a duré que moins de
10 minutes à été suivie en live et par mes sauveteurs et par un autre habitant
en face qui m’en a parlé quelques jours plus tard en s’excusant qu’il craignait
de me secourir parce que les brigands étaient très nombreux. Ce qui est
archifaux !
Près d’une dizaine de
personnes prêtes à secourir leur proche
Aussitôt la lutte terminée, je
ramasse mon sachet de haricots, les deux sacs en bandoulière toujours en place,
je me dirige vers la parcelle où je rencontre près d’une dizaine de personnes à
l’intérieur, devant le portail, armées de différentes armes blanches, dont des
bâtons, prêtes à secourir leur proche, pas un inconnu comme moi.
J’entre et vois une femme étalée par
terre, en train d’être réanimée et éventée : c’est que ma voix de détresse
parvenaient à cette femme comme celle de
son fils à qui elle venait d’appeler à 21 heures 30 pour l’interdire de
venir car le milieu, sans courant électrique à ce moment, inspirait de
l’insécurité.
Après avoir entendu mon triste
récit, ils m’offrent à y passer le reste du temps. Avant de m’étaler sur une
natte, je reçois un coup de fil de mon épouse inquiète ; « Où
es-tu pour le moment ? » Lorsque je lui réponds que je viens d’être
agressé par des kuluna à une centaine de mètres de la place sainte Thérèse qui
ont emporté l’appareil de photo et que je suis hébergé dans une parcelle, elle
pousse un gros cri de regret et d’inquiétude que j’apaise aussitôt en
l’informant que je suis sorti de la lutte avec seulement des courbatures au
genou, au coude et à une cote du côté droit et non des blessures des machettes.
Plusieurs jours après ce combat
d’avance perdu pour moi, je ne parviens pas toujours à réaliser le fait que
j’en suis sorti sans un coup de machette, alors que les kuluna s’en étaient
servis. Une seule explication me revient en tête : c’est le Créateur
lui-même qui est venu à mon secours en faisant en sorte que ma voix ressemble à
celle du fils de la famille qui m’a sauvé pour qu’elle soit poussée à
intervenir.
Kléber
Kungu
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