vendredi 5 décembre 2014

Journée mondiale de l’alimentation 2014 : Alimentation ou lamentations ?

Journée mondiale de l’alimentation 2014
 Alimentation ou lamentations ?
            Ce jeudi 16 octobre, il est prévu que la planète célèbre la journée mondiale de l’alimentation. Avec pour thème central, «Nourrir le monde, préserver la planète». Ce thème, apprend-on, a été choisi pour accroître la visibilité de l’agriculture familiale et des petits exploitants. Il appelle l’attention mondiale sur le rôle crucial que joue l’agriculture familiale dans de nombreux domaines: lutte contre la faim et la pauvreté, renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, amélioration des moyens d’existence, gestion des ressources naturelles, protection de l’environnement et réalisation du développement durable, notamment dans les zones rurales. Au-delà de toute cette litanie de vœux pieux, il y a lieu de nous demander s’il faut parler plutôt de lamentations – au pluriel – que de l’alimentation au cours de cette journée, ou de l’alimentation sur fond des lamentations.
            Journée de lamentations ou journée de l’alimentation ? On est même tenté de dire : Journée mondiale La question vaut son pesant d’or. La réalité que la planète vit actuellement ne peut prêter qu’à un tel questionnement qui met en question toutes ces bonnes intentions affichées par la même communauté internationale, cette nébuleuse aux nombreuses tentacules, qui semble ne pas se pencher du côté de la majorité.
            Cette majorité, c’est ce 842 millions de personnes à travers le monde qui crèvent de faim chaque année, faute d’alimentation suffisante. A côté d’une minorité d’êtres qui mangent à leur faim et qui n’ont que faire du surplus de ce qu’ils jettent à la poubelle.
            Cette majorité, ce sont ces hommes, ces femmes et ces enfants qui, pour s’alimenter, éprouvent de la peine, beaucoup de peine, pour acheter à crédit du pain, pour acheter une boîte de sucre, une petite quantité de thé. Qui, pour s’alimenter, doit acheter la moitié d’une boîte de purée tomate, une boîte de sel, quelques feuilles de manioc, quelques boîtes d’huile de palme. Pendant qu’une minorité n’a que faire du trop plein de son congélateur ou frigo.
            Chaque matin, nous entendons des femmes crier, dans nos quartiers, un bassin de feuilles de patates douces, légumes ou feuilles de manioc sur la tête, en train de  proposer leurs marchandises, parcourant, inlassablement, rues et quartiers. Ces femmes, c’est la majorité qui crève de faim. C’est cette majorité qui n’a que lamentations à la place de l’alimentation qui se trouve chez la minorité.
            Ces personnes que nous voyons se nourrir des mangues crues bouillies et assaisonnées un peu d’huile végétale, ces enfants friands de mangues crues qu’ils mangent goulument avec du sel et du piment, ces mangeurs de cossettes de fufu bouillies, de noix palmistes bouillies…, en voilà une autre catégorie de la majorité.

 1% de la population mondiale détient près de la moitié des richesses de la planète
            Cette minorité, c’est le 1% de la population mondiale  dont on dit détenir près de la moitié des richesses de la planète. Un rapport de l’ONG Oxfam précise que depuis le début de la crise en 2008, les inégalités économiques, sociales se sont même sensiblement accrues.. «Même si la crise a momentanément entamé la part des richesses mondiales détenues par les plus riches, ces derniers se sont depuis largement rattrapés», explique ce rapport.
            Les 1% des personnes les plus riches en Chine, au Portugal et aux États-Unis ont plus que doublé leur part de revenus national depuis 1980. L'Europe ne fait pas exception. La fortune combinée des 10 personnes les plus riches d'Europe (217 milliards d'euros) dépasse le coût total des mesures de relance mises en œuvre dans l'Union européenne entre 2008 et 2010 (200 milliards d'euros). Même dans les pays réputés plus égalitaires comme la Suède et la Norvège, la part de revenus allant aux 1% les plus riches a augmenté de plus de 50%. Désormais, selon l'Oxfam, sept personnes sur dix vivent dans un pays où l'inégalité économique a augmenté au cours des 30 dernières années.
            Selon ces chiffres, la richesse combinée des 85 personnes les plus riches du monde, qui s'élève à environ 85 trillons d'euros, est égale à celle de la moitié la moins riche de l'humanité.
            Alimentation ? Lamentations ?  Dans un monde rongé par de multiples inégalités et où la  sécurité alimentaire est loin d’être une réalité, Jean Ziegler, auteur du livre Destruction massive, géopolitique de la faim, et membre du Conseil des droits de l’Homme de l’Onu, tire la sonnette d’alarme en affirmant que la faim est le scandale absolu de notre siècle. Toutes les 5 secondes, un enfant de moins de  10 ans meurt de faim. 57 000 personnes meurent de faim tous les jours et près de 900 millions de personnes sont en permanence gravement sous-alimentées, selon les chiffres de l’Organisation des Nations unies pour  l’alimentation et l’agriculture (FAO).

L’agriculture pourrait nourrir 12 milliards de personnes
            Pourtant, cette situation est loin d’être une fatalité. Jean Ziegler qui cite le rapport de la FAO, dit que cet organisme du système des Nations unies souligne que  l’agriculture mondiale dans l’étape actuelle de son développement pourrait nourrir sans problème 12 milliards d’être humains. Alors qu’aujourd’hui la population mondiale s’élève à quelque 7 milliards, donc presque le double de l’humanité pourrait être nourri normalement. Conclusion : au moment où nous nous parlons, il n’y a plus aucune fatalité. Il y en a eu par le passé mais aujourd’hui, il n’y a plus aucun manque objectif.
            Mais pourquoi tout semble être impossible aujourd’hui devant cette panoplie d’opportunités qui s’offrent à nous ? C’est que peu de volonté politique est manifestée par les décideurs politiques. C’est que l’attention des décideurs politiques est plus tournée au superflu qu’à l’essentiel qui doit permettre de donner à manger à tout le peuple. C’est que l’argent devant servir à ces projets prend généralement la direction des poches individuelles sans fond, laissant les caisses de l’Etat sonner creux. C’est que rien de consistant du côté de la communauté internationale n’est engagé pour faire basculer la balance du côté positif. Armements, guerres, accaparent le gros des budgets, laissant des miettes aux projets devant en finir avec la pauvreté, la faim…
            En attendant de sortir de l’ornière, contentons-nous de célébrer la Journée mondiale de l’alimentation dans les lamentations.

Kléber Kungu

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