mercredi 3 décembre 2014

L’Afrique malade de médicaments contrefaits

Santé en péril
L’Afrique malade de médicaments contrefaits
Les prises les plus importantes ont été réalisées entre autres en RDC et l’Inde et la Chine sont les principaux pays fournisseurs de ces faux médicaments.
            Environ 113 millions de dollars américains constituent la valeur globale des médicaments contrefaits saisis par deux organisations mondiales : l'Organisation mondiale des douanes (OMD), basé à Bruxelles, en Belgique et l’Institut de recherche anti-contrefaçon (IRACM), dans une vaste opération de saisie de médicaments contrefaits menée dans 14 pays africains, de fin mai à début juin 2014. Aujourd'hui, ce trafic bénéficie de conditions favorables : marché lucratif, faiblesse des sanctions pénales, l'absence d'accords transnationaux, des systèmes de couverture sociale déficients, la porosité des frontières, une chaine d'approvisionnement vulnérable, le manque d'information.
            L’opération surnommée « Biyela II » a été menée par les douanes des pays concernés dans les principaux ports maritimes d'Afrique de l'Est, de l'Ouest et du sud. Elle a été qualifiée de réussite dans son ensemble et les prises les plus importantes ont été signalées au Bénin, en Tanzanie et en République démocratique du Congo (RDC). Selon un communiqué de l’OMD, l'Inde et la Chine sont les principaux pays d’où sont venus les médicaments contrefaits.
            Parmi ces faux médicaments sur lesquels l'OMD a mis la main et qui constituent un taux de 17% de cette saisie globale record, se trouvaient surtout des antalgiques, des anti-inflammatoires et des antibiotiques, mais également d'antituberculeux. Dans des pays comme le Bénin, le Togo et le Mozambique, on a décelé, pour la première fois, un trafic significatif de produits vétérinaires illicites.
            En deux ans d’une coopération bien ficelée, l’OMD et l’IRACM, qui se réjouissent d’avoir intercepté environ 756 millions de produits illicites en Afrique, déplorent de vivre des phénomènes inquiétants et en forte croissance.
            L’IRACM déplore qu’alors que la tendance s’aggrave, les pays concernés ne font pour l'heure preuve « d'aucune bonne volonté ». L'urgence est désormais de remonter les filières, de sanctionner les trafiquants et de saisir leurs avoirs.

 

700.000 personnes tuées par an

            Selon un rapport paru en 2013, le trafic pesait pour 55 milliards d'euros en 2010. Dans certains pays d'Afrique, plus de la moitié des produits en circulation sont des contrefaçons.
Il pourrait s'agir du premier commerce illicite mondial devant la prostitution et la vente de haschich.       Selon une étude de l'IRCAM à la même période, les ventes de médicaments contrefaits auraient atteint 55 milliards d'euros en 2010 contre 26 milliards en 2005, soit 10% du marché pharmaceutique légal. Citant l'OCDE, le document affirme que 75% des contrefaçons émaneraient de Chine et d'Inde, la moitié d'entre elles transitant par Dubaï pour empêcher toute traçabilité.
Toujours selon cette étude, 30% des médicaments sont falsifiés dans certains pays africains, asiatiques ou d'Amérique latine. Au Nigeria et en Guinée, le taux serait même de 60%. Mais le fléau ne frappe pas uniquement les nations en voie de développement. Les pays développés sont aussi frappés par ce fléau.
            En 2011, les douanes américaines ont saisi pour près de 17 millions de dollars de marchandises, soit une augmentation de 200% par rapport à l'année précédente. D'autre part, selon un rapport de la Commission européenne paru en 2012, les médicaments contrefaits étaient les premiers produits saisis aux frontières de l'Union européenne via les échanges postaux.

16 herboristes arrêtés pour vente de faux médicaments
            Par ailleurs, en Ouganda, seize herboristes, dont quatre Kenyans Masai, ont été arrêtés par l’Autorité nationale des médicaments (NDA) à Kampala pour colportage de faux médicaments potentiellement dangereux pour la santé.
            Pour s’appuyer sur des preuves, la NDA a testé certains des médicaments saisis en laboratoires et a constaté que l’un d’eux contenait un mélange de pesticides utilisés pour traiter les tomates. Un autre «traitement» censé soigner 50 maladies (y compris la syphilis et la gonorrhée) contenait un mélange d’eau et de savon.
            Même si certains des médicaments contenaient les bons ingrédients, ces traitements ne sont pas autorisés dans le pays et peuvent mettre la santé des patients en danger.
            En Ouganda, le nombre d’herboristes est estimé à 42 000 et la plupart d’entre eux sont supervisés par leurs associations.
            En Afrique, en RDC en particulier, grouillent de nombreux tradi-praticiens et autres charlatans qui proposent une gamme très variée de leurs produits à base d’écorces et feuilles d’arbres à des clients souvent peu critiques, surtout masculins. Ces produits qui n’ont aucune dose précise sont composés d’une mixture souvent visqueuse. Les charlatans africains proposent leurs produits en  vantant leur capacité à guérir quasiment toutes les maladies, le sida y compris.
            Ils arrivent même à proposer des médicaments capables d’élargir et de grossir les pénis et ceux capables de soigner tous les troubles sexuels de l’homme.
            Au fléau de la contrefaçon, il faut ajouter le problème des conditions de vente des médicaments en Afrique. Dans bien des pays africains, les gouvernements sont peu regardants sur les conditions de vente des médicaments. On y trouve des médicaments qui sont proposés à même le sol dans un environnement très insalubre qui n’inquiète ni les vendeurs ni les acheteurs.

Kléber Kungu

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