Procès des
assassins présumés de Mamadou Ndala
La Cour tente de reconstituer le puzzle de l’attentat
Le procès des assassins présumés du
vaillant colonel des FARDC, Mamadou Ndala, assassiné le 2 janvier dernier, est
dans sa première semaine d’audience, à Béni au Nord-Kivu. Une semaine après l’audition
de témoins, renseignants et prévenus, la Cour n’a encore trouvé rien de
consistant sur cette affaire dont le témoin-clé, le chauffeur du colonel
assassiné, est décédé, 24 heures après son audition.
La
Cour opérationnelle militaire a consacré ses premières audiences à tenter
d’élucider les nombreuses zones d’ombre qui enveloppent cette affaire dont le
procès intervient huit mois après les faits. Qu’est-ce qui s’est passé le jour
de l’assassinat du colonel Mamadou Ndala élevé au grade de général de brigade à titre posthume,
tel est l’énigme de cette affaire que les juges essaient de percer.
Une affaire avec quelques hypothèses
qui conduisent le travail de la Cour. Le colonel Ndala a-t-il été tué par un
tir de roquette, comme on l’a affirmé dans un premier temps, ou bien par des
coups de feu tirés par sa propre garde rapprochée ? Qu’il s’agisse de la
première ou de la seconde hypothèse, qui est derrière cet attentat ?
S’agit-il d’un règlement de comptes au sein de l’armée ou d’un attenta perpétré
par les rebelles ougandais d’ADF ?
Plusieurs pistes
Les juges suivent plusieurs pistes
susceptibles de les conduire à la lumière. S’agissant de la Jeep du colonel
Ndala qui avait pris feu, le mystère à percer est celui de savoir à quel moment
elle a pris feu. Tout de suite après les tirs ou après ? Les témoins
entendus par la Cour ont lâché deux versions : un grand nombre ont
témoigné que le véhicule du colonel n’aurait pas pris feu tout de suite après
les tirs. Beaucoup d’autres ont déclaré avoir vu des hommes en tenue de l’armée
congolaise autour des lieux de l’incident, voire carrément tirer en direction
du véhicule du colonel.
S’agissant du chauffeur du colonel
assassiné, les circonstances de son décès suscitent plusieurs interrogations. Par
quel miracle a-t-il échappé à cet attentat alors qu’il est censé avoir été aux
côtés de son supérieur au moment du drame? Par quelle coïncidence
malheureuse le hasard a voulu que ce témoin-clé meure moins de 24 heures après
sa déposition ? De quoi est-il mort ? S’il était déjà malade avant le
début du procès, il nous paraît tout à fait étonnant qu’il arrive à mourir au
moment où la Cour a encore besoin de lui. Pourquoi les autorités militaires n’ont
pas voulu procéder à l’autopsie de son
corps ?
Le chauffeur complice avec les gardes du corps ?
Pendant la première semaine, le
ministère public a dévoilé des éléments à charge, notamment contre les gardes
du corps du colonel, suspectant une complicité avec le chauffeur soupçonné,
lui, d'avoir fouillé le corps et mis le feu au véhicule.
Chaque déposition aide toutefois la
Cour à avoir certains éléments susceptibles de fournir des indices. Reste à
prouver la véracité de ces dépositions capables, dans ce cas, de désorienter la
justice. La cour doit-elle ainsi considérer la piste de l’embuscade des
rebelles islamistes des ADF Nalu évoquée par le général Muhindo Akili Mundos,
commandant de la zone de Beni, lors de son audition ? Que dire du
téléphone cellulaire d’un des gardes du corps du colonel Tito Bizuri, considéré
par les enquêteurs comme suspect numéro un dans cette affaire, ramassé sur les
lieux du drame perpétré dans le
village appelé Ngadi, entre l’aéroport de Mavivi et Beni-ville, dans le
Nord-Kivu ?
Remises à la
Cour d’objets trouvés sur les lieux
Le ministère public a remis Cour
militaire opérationnelle du Nord-Kivu, mercredi 8 octobre, des objets et
documents trouvés dans le périmètre du lieu de l’assassinat du colonel Mamadou
Ndala, commandant de la Brigade Commando de l’Unité de réaction rapide (URR)..
Parmi les documents remis à la Cour,
il y a notamment des imperméables, des képis, des douilles de cartouches et des
chargeurs de fusils brulés. Le ministère public a également remis à la Cour le
rapport d’expertise, élaboré par la police scientifique, et le dossier
technique des experts, décrivant la scène de l’assassinat de Mamadou Ndala.
Ces objets et documents ont été
remis en dépit de la contestation des avocats de la défense qui n’ont pas voulu
que la Cour les accepte, évoquant un vice de procédure. La Cour a estimé qu’en
matière pénale, le tribunal ne refuse pas les pièces pendant l’instruction.
De
nouveaux témoins et prévenus doivent être entendus cette semaine. Des civils,
fonctionnaires et militaires comme un major soupçonné d'avoir espionné les
déplacements du colonel Ndala. Ou encore des officiers accusés d'avoir facilité la
fuite des assaillants.
La
société civile du Nord-Kivu, va continuer à demander l'audition de trois
témoins qu'elle avait présentés aux enquêteurs, notamment un chauffeur de taxi
ayant assisté à l'attaque, trois personnes pourtant non citées à comparaître.
L'ONG estime toujours que le sergent-major Arsène Ngabu Ndongala a été
éliminé et réclame son autopsie.
En attendant d’entrer dans le fond
de l’affaire, la Cour opérationnelle militaire veut se rendre sur les lieux de
l’attaque, sous peu, pour reconstituer les différentes pièces de ce puzzle.
Kléber Kungu
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