Législation américaine loi
Dodd-Frank RDC
70 experts incriminent la loi contre les minerais de
sang en RDC
Soixante-dix
experts ont signé mercredi 10 septembre une lettre ouverte qui mettent en cause
les dispositions légales visant à empêcher le commerce des minerais issus des
zones des conflits dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Il
s’agit de la loi Dodd-Frank votée au congrès américain pour tracer la chaine
suivie par ces minerais de l’exploitation à leur vente.
Pour
ces experts, les dispositions de la loi Dodd-Frank votée au congrès américain
pour tracer la chaine suivie par ces minerais de l’exploitation à leur vente
n’ont pas apporté de changement sur le terrain tel que souhaité par le
législateur. Cette traçabilité que le loi américaine exige des entreprises
reste une législation jugée contre-productive.
La
section 1502 de la loi américaine Dodd-Frank exige en effet aux entreprises qui
s’approvisionnent en minerais dans l’Est du Congo-Kinshasa de détailler leur
chaine d’approvisionnement. Elle vise les minerais comme la cassitérite, le
tantale, le tungsten et l’or extraits de façon artisanale par des mineurs.
Si la
loi américaine Dodd-Frank a estimé que les groupes armés qui fourmillent dans
l’Est de la RDC dépendent essentiellement de ces minerais, les 70 experts
contredisent cette affirmation estimant que ces groupes armés ne dépendent pas
de minerais pour survivre, mais ces minerais constituent une source parmi tant
d’autres.
Loi contre productive
Contrairement
aux résultats escomptés ou les objectifs poursuivis par la loi américaine, les
experts pensent que le mouvement contre les minerais de sang est loin d’avoir
mené à des changements significatifs sur le terrain, quatre ans après
l’adoption de cette loi. La majorité des sites miniers, par contre, restent
dans l’ombre, contrainte à l’illégalité ou au déclin en raison du retrait de certains acheteurs internationaux.
. Ils soulignent également les conséquences dommageables des
mesures qui ont été prises pour remédier à un phénomène, selon eux largement
surévalué.
Compte
tenu de l’inefficacité de ces lois sur les minerais de sang, les experts
préconisent qu’elles soient revues, après la concertation avec tous les acteurs
et une prise en compte des réalités locales du secteur minier de la République
démocratique du Congo.
Quatre
ans après l'adoption de la loi Dodd-Frank, très peu d'exploitations ont pu
obtenir une quelconque certification, la majorité des sites restent dans
l'illégalité ou sont en déclin à cause du retrait de certains acheteurs
internationaux.
Les
experts déplorent par conséquent que «le gouvernement congolais ainsi que la
société civile n’ont pas été suffisamment consultés sur la section 1502 de
l’acte Dodd-Frank avant son adoption et beaucoup n’étaient pas au courant de
ses implications. Nombre d’entre eux ont été mis devant le fait accompli. Les
seuls acteurs qui ont été consultés étaient des partisans de l’acte Dodd-Frank,
ce qui a généré des tensions supplémentaires au niveau local où de nombreuses
voix divergentes existent».
Les
experts plaident pour que désormais les voix congolaises soient plus écoutées,
et les contextes et structures de pouvoir à l’échelle locale soient pris en
compte dans l’élaboration des lois sur les minerais des zones des conflits.
Ils
souhaitent, en outre, le processus d’audit soit conçu pour améliorer les
pratiques du secteur minier plutôt que pour simplement fournir une solution que
les experts jugent de façade.
«L’idée courante selon laquelle un processus de
contrôle et de validation statique assure un commerce de minerais « sans
conflit » n’est pas appropriée dans le contexte sécuritaire instable de l’Est
de la RDC. Les mines et les fonderies doivent être régulièrement inspectées et
le laps de temps entre l’inspection et la certification doit être minimisé»,
préconisent les signataires de la lettre.
8% des conflits en RDC liés
aux minerai
Les signataires
rappellent avant tout que selon des études internes à l'ONU, seulement 8% des
conflits en RDC sont liés aux minerais
La loi américaine a, par conséquent,
apporté plus de problèmes qu’elle en a résolu. Bien des acheteurs traditionnels
se sont automatiquement désintéressés de la RDC et des autres pays voisins de
la RDC, avec pour conséquence plusieurs millions de personnes qui se sont
retrouvées au chômage, et des difficultés pour les gouvernements, surtout des
provinces de l’est de la RDC, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema, qui
dépendaient essentiellement des recettes émanant du secteur artisanal.
En plus, notent des signataires de
la lettre, la loi a permis la recrudescence de la fraude et de l’illégalité. Ces
mesures coercitives n'empêchent pas non plus les groupes armés ou l'armée
régulière de continuer de profiter de l'exploitation de ces minerais. Au lieu
de se présenter sur les sites et risquer de gêner la certification, ces hommes
en armes mettent en aval des barrages routiers qui leur rapportent des millions.
D’autres commerces illégaux
A en croire les
auteurs de la lettre, la loi Dodd-Frank a procuré à ceux qui se sont retirés
des zones minières du job simplement illégal. Ils se sont tournés vers d'autres
commerces illégaux comme le trafic du bois, de la marijuana ou encore de
l'huile de palme.
Les auteurs de la lettre concluent
qu’il n'y a donc pas eu de baisse significative du niveau de violence ou de
réduction du nombre de groupes armés. Donc il est faux de penser,
soulignent-ils, que dès qu’on a assaini le secteur minier, tous les conflits
vont s’arrêter tous seuls.
Aveu d’échec, la semaine dernière, note RFI, le département américain du Commerce
avait lui-même avoué ne pas être en mesure de dire qui parmi les 400 opérateurs
du secteur minier dont il publiait la liste finançait indirectement le cycle de
violence au Congo-Kinshasa en achetant ces « minerais de sang »
Parmi les mesures préconisées par
les signataires, on trouve une meilleure concertation avec tous les acteurs et
une prise en compte des réalités locales du secteur minier en RDC. Ils insistent
également auprès des gouvernements, entreprises et autres organisations du
secteur sur l'importance d'une meilleure prise en compte des causes profondes
du conflit telles que l'accès à la terre ou les luttes politiques dans le
contexte d'une économie militarisée.
Kléber Kungu
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