Vente de sucre à la Sucrière de Kwilu-Ngongo
Les distributeurs nationaux défavorisés, les expatriés favorisés
Ce qui se passe à la compagnie sucrière de Kwilu-Ngongo doit interpeller les autorités congolaises. Une situation qui est quasiment chronique. Les opérateurs économiques expatriés reçoivent plus de faveur que les nationaux dans l’achat de sucre. Alors que les expatriés reçoivent facilement 2 000, 3 000, 4 000, 6 000 voire 10 000 sacs, les distributeurs congolais peinent à obtenir leurs quotas habituels – de 20 à 1 000 sacs - qui sont de loin inférieurs à ceux des expatriés. Il arrive même que certains expatriés n’ont aucun point de vente sur le territoire congolais. Au nombre de ces expatriés, Lakshmi, UTC, Moga, qui représentent un infime échantillon du nombre d’expatriés impliqués dans ce trafic. Par conséquent, pour écouler leur quantité, ils la proposent aux distributeurs nationaux. Ils reçoivent cette quantité de sucre pour, disent-ils, l’écouler à l’intérieur, alors qu’il en est rien en réalité. Tous ces services rendus sont rétribués moyennant commission. La discrimination ne s’arrête pas là : tandis que les nationaux reçoivent la plupart du temps du sucre en vrac, aux expatriés, on sert du sucre en sachets, appelé communément 10X5. Question : sur quels critères ce sucre est distribué de cette manière, sinon sur des critères fondés sur des intérêts égoïstes.
Donc, à en croire diverses sources, le sucre constitue à ce jour un trafic qui frise de la maffia dont un certain nombre de personnes d’un cercle restreint tirent gracieusement profit. Le service commercial de la Sucrière serait à la base de ce trafic qui bénéficie du laxisme des autorités économiques congolaises et de l’absence de la loi sur le petit commerce qui constitue le cadet des soucis des députés.
Vu son importance dans l’alimentation et l’industrie alimentaire, le sucre est l’un des produits alimentaires de première nécessité dont la consommation par les Congolais reste aussi quotidienne qu’en grande quantité. Ce qui explique que son commerce donne beaucoup d’appétits à certaines personnes qui s’y adonnent au point d’en faire du trafic. Sans que les autorités congolaises ne s’en rendent compte. Au détriment des Congolais qui en paient un lourd tribut.
Il arrive souvent que les distributeurs expatriés, avec une quantité importante de sucre, se mettent à les revendre aux commerçants nationaux, obligés, eux, à les revendre aux consommateurs à un prix prohibitif. C’est le commerce triangulaire qui affame le peuple congolais !
Lors de la distribution (achat) à l’usine, le distributeur congolais doit s’armer de beaucoup de patience, tellement l’attente est longue pour retirer quelques sacs seulement, alors que les expatriés sont servis avec beaucoup d’empressement. Nous tenons d’une source digne de foi qu’au mois d’avril, par exemple, aucun dépositaire congolais n’a acheté du sucre en sachet, appelé communément 10X5, celui-ci n’ayant été vendu qu’aux expatriés qui, à leur tour, l’ont revendu entre 72 et 75 dollars le sac après l’avoir acheté ou obtenu à…50 dollars le sac. Aux distributeurs congolais l’usine n’a vendu que du sucre en vrac. Le sac de sucre à l’usine coûte 50 dollars - un prix qui ne change pas. Le sucre en vrac est acheté à l’usine au même prix que celui en sachet. Mais, la différence est que les consommateurs préfèrent le sucre en sachet à celui en vrac.
La conséquence de toutes ces pratiques est que le marché du sucre connaît une surenchère qui érode la bourse des consommateurs congolais dont le panier est déjà réduit à un sachet. Voilà donc l’une des causes qui mettent en mal les 5 chantiers de la République qui s’emploient à améliorer le vécu quotidien des Congolais.
Face à une situation qui persiste, les Congolais n’arrivent pas à s’expliquer le silence des autorités congolaises, principalement celles ayant en charge l’économie. Ils interpellent également M. Vanecoute, le représentant de la Sucrière en République démocratique du Congo. En effet, les esprits les plus avisés ne comprennent pas comment celui qui représente les intérêts de la compagnie semble ne pas comprendre ce qui se passe sous sa barbe, sans aucune réaction. Ainsi certains n’hésitent pas de parler de sa complicité avec M. Nobre, le directeur financier commercial. Comme pour dire que ce trafic implique aussi les adjoints de M. Nobre. Sinon, comment expliquer son silence tonitruant sur cette situation dont L’Observateur avait parlé abondamment en 2007 ?
Absence de loi sur le commerce
Tout compte fait, il est clair que toute cette situation est favorisée par un paysage commercial sans loi sur le petit commerce qui devrait réglementer ce secteur où beaucoup de choses se passent comme si les nationaux étaient des étrangers et des expatriés des nationaux. Alors l’opinion se demande pourquoi les députés n’ont jamais songé à voter une loi sur le commerce, alors que l’on est à quelques mois seulement de la fin de la législature. Selon un confrère couvrant les plénières de l’Assemblée nationale, il existe plusieurs projets de loi dans les tiroirs du bureau de l’Assemblée nationale qui n’ont jamais fait l’objet d’un examen quelconque, y compris certainement celle sur le commerce, un secteur qui mérite d’être assaini.
En raison principalement de ce désordre dans le secteur du commerce, l’on déplore que l’importation soit entre les mains des expatriés qui détiennent en même temps le commerce en gros, en demi-gros et en détail. Un état des choses constamment dénoncé par les Congolais qui se sentent marginalisés et abandonnés par ceux-là même qui devraient prendre leur défense en les protégeant avec des lois incitatives. Cela dit, l’on rencontre des commerçants expatriés, financièrement très forts, qui vendent en gros, en demi-gros et en détail, mettant
La situation du commerce du Congo Kinshasa peut s’avérer unique au monde, car c’est dans ce pays, par exemple, qu’on remarque que les produits locaux deviennent l’apanage du commerce des expatriés.
Il est donc temps que le commerce revienne aux nationaux et que, pour mieux faire les choses, que les députés votent une loi réglementant ce secteur tant névralgique pour l’économie d’un pays. Une économie détenue pour la plupart par des opérateurs expatriés ne peut être stable.
Voilà, entre autres, qui anéantit les activités commerciales des opérateurs économiques nationaux qui ne savent plus à quel gouvernement s’adresser pour trouver une solution à leurs problèmes qui minent leur secteur.
Le cas de la Sucrière de Kwilu-Ngongo n’est qu’un échantillon de tout ce qui se passe dans d’autres sociétés commerciales installées en RDC qui se livrent à ce genre de pratiques qui torpillent l’économie nationale. Partout, les expatriés bénéficient d’un traitement de faveur, alors que les nationaux suent sang et eau pour s’approvisionner en produits locaux. Le plus souvent, aux commerçants étrangers on livre des produits qui s’écoulent bien et facilement sur le marché, alors qu’aux nationaux on préfère vendre ceux qui se vendent difficilement. La RDC est l’un des rares pays au monde où le commerce se pratique dans un désordre tel que les opérateurs économiques étrangers assurent à eux seuls tous les circuits commerciaux, en étant en même temps importateurs, grossistes, demi-grossistes et détaillants. Ce qui est loin d’être admissible sous d’autres cieux.
De la maffia organisée
Sur place à Kwilu-Ngongo, certains opérateurs ont dénoncé une certaine maffia organisée dans ce commerce. « A l’approche de la campagne [qui a débuté vendredi le 20 mai, NDLR), le sucre se raréfie. Sur le plan commercial, c’est comme si Kwilu-Ngongo est marginalisé. La Sucrière, dénonce-t-il, accorde plus de priorités aux opérateurs économiques de Kinshasa. Il y a un désordre créé, peut-être il y a de la maffia. C’est la loi de l’offre et de la demande qui crée cette surenchère », affirme cet ancien opérateur économique. « Il y a un service des affaires économiques chargé d’assurer le contrôle. Que fait-il ? S’il y a maffia ou non, pourquoi on accorde priorité à Kinshasa ? » Demande-t-il. Et pourtant, Kinshasa se plaint que la Sucrière accorde la priorité à l’intérieur. Comment doit-on d’abord penser prioritairement à l’intérieur pendant que les besoins de la capitale ne sont pas satisfaits ? S’interrogent les Kinois. On n’est pas loin de conclure que c’est M. Nobre et Cie qui favorisent cette situation pour leurs intérêts personnels.
Comme un feu qui couve, la situation du sucre est telle qu’il est suicidaire que d’attendre le lendemain pour y mettre fin. On appelle à la vigilance du ministre de l’Economie qui ne doit pas laisser pourrir indéfiniment une situation qui risque de dégénérer un jour. N’est-ce pas que les esprits des Congolais doivent être dans un état apaisé à l’approche des élections.
En plus, nous regrettons qu’à quelques mois de la fin de leur mandat, ceux qui se disent élus du peuple n’aient pas songé à voter une loi sur le commerce, un secteur où se passent des choses incroyables.
Il appartient également à la Sucrière/Belgique de se pencher sur ce dossier qui appelle un contrôle immédiat et sérieux sur la vente du sucre à la Sucrière de Kwilu-Ngongo.
En somme, il ne reste qu’au chef de l’Etat, Joseph Kabila, de s’y impliquer, comme il a l’habitude de le faire lorsque les intérêts de ses concitoyens sont menacés, pour mettre fin à cette maffia qui étouffe l’émergence de la classe moyenne dont il a fait son cheval de bataille au cours de son premier mandat.
Kléber Kungu
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