Pour leur implication présumée dans le commerce illégal des minerais en RDC
Quatre officiers rwandais suspendus
Quatre officiers rwandais, proches du président Paul Kagamé viennent d’être suspendus. Ils sont accusés d’être impliqués dans le commerce illégal des minerais en République démocratique du Congo (RDC). Ils sont placés en résidence surveillée depuis le mardi 17 janvier, alors les enquêtes judiciaires sont ouvertes. Celles-ci visent notamment à déterminer si d’autres personnes sont impliquées dans ces malversations.
Le lieutenant général Fred Ibingira, actuel commandant des forces réservistes, le brigadier général Richard Rutatina, conseiller de la présidence en matière de sécurité, le brigadier général Wilson Gumisiliza, commandant de brigade de la région de l’Ouest et le colonel Dany Munyuza, bien connu dans les services de renseignement rwandais sont les quatre officiers rwandais qui viennent d’être suspendus par la hiérarchie militaire rwandaise pour leur implication dans le commerce illicite des matières précieuses de la RDC.
Ces quatre officiers sont placés en résidence surveillée depuis le mardi 17 janvier. D’après le porte-parole de l’armée rwandaise, le colonel Joseph Nzabamwita, ils sont poursuivis pour leur implication présumée dans le commerce illégal des minerais en RDC avec les civils congolais.
Le colonel Joseph Nzabamwita a ajouté que ces hauts officiers ne sont pour le moment suspendus que provisoirement de leurs fonctions. La direction de l’armée considère que c’est une mesure disciplinaire alors que les enquêtes judiciaires continuent.
Pour le colonel Nzabamwita, le Rwanda s’est engagé à lutter contre le commerce illégal des minerais du Congo. Il a indiqué que ce sont ces militaires qui doivent en principe contrecarrer le commerce de ces minerais, mais une fois qu’ils sont soupçonnés impliqués dans le trafic, ils doivent être arrêtés.
Trois sous mandat d’arrêt international
Parmi les quatre personnes arrêtées, trois sont sous mandat d’arrêt international pour « Génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité » délivrés par la justice espagnole en février 2008.
Dan Munyuza est accusé par le juge espagnol Fernando Andreu Merelles d’avoir participé à de nombreux massacres visant les réfugiés civils Hutu et la population congolaise dans l’Est du Congo ainsi que contre la population rwandaise à Byumba en avril 1994.
Fred Ibingira est pour sa part accusé par la justice espagnole d’avoir été « le responsable direct des massacres commis contre la population civile au Bugesera, Mayaga et Butare en 1994 » ainsi que d’avoir été le plus haut responsable militaire du massacre de Kibeho du 22 avril 1995.
Quant à Wilson Gumisiriza, le Juge espagnol affirme que « des preuves pratiques, se dégagent des indices rationnels et fondés » selon lesquels il serait « intervenu directement dans l’assassinat par mitraillage des prêtres, des évêques et d’un garçon de 8 ans, qui étaient réunis dans une pièce du siège des Joséphites à Gakurazo, le 5 juin 1994. »
En novembre 2011, le gouvernement rwandais avait remis à la RDC environ 81 milles Kg de cassitérite, de coltan et de wolframite. Ces minerais, en provenance du Nord-Kivu, avaient été introduits frauduleusement au Rwanda au mois d’avril 2011 avant d’être saisis par les services de sécurité rwandais.
En début de cette année, 600 kilos de cassitérite ont été interceptés au poste frontalier de Gisenyi communément appelé «la grande barrière» séparant le Rwanda et la République démocratique du Congo.
L’est de la RDC, en proie à des guerres interminables, est victime de la convoitise de ses nombreuses richesses minières par les voisins de la RDC et de nombreuses multinationales qui y fourmillent. Le coltan, entrant dans la fabrication du téléphone mobile, est parmi les minerais les plus prisés, dits « minerais du sang » par les géants de l’électronique qui l’achètent dans des zones de guerre.
Par conséquent, ces minerais ont acquis une très mauvaise réputation ces dernières années. Ainsi sont-ils qualifiés de "minerais du sang", par certains experts de l'Onu, les sénateurs ou les organisations des droits de l'Homme, en faisant allusion au financement des groupes armés par l'exploitation du coltan, à la maffia ou aux nombreux cas de fraude.
Loi Obama
Depuis juillet 2010, la législation américaine, dite Loi Obama, soumet les pays voisins de la RDC à des pressions croissantes les poussant à démontrer que leur chaîne d’approvisionnement en minerais est irréprochable.
Elle exige des opérateurs économiques la mise en place des procédures qui leur permettent de s'assurer qu'ils ne contribuent pas aux conflits dans la région, en les obligeant à publier leurs revenus ainsi que les paiements fiscaux qu'elles adressent aux gouvernements du monde entier. Cette loi de 2500 pages appelée "Financial reform act" contient une disposition qui concerne les minerais de la RDC.
Le gouvernement américain a fait passer une loi interdisant le commerce des minerais provenant d’exploitants engagés dans des conflits armés, ce qui vise notamment les groupes armés en RDC.
La réforme de Wall Street promulguée par le président américain Barack Obama, contient une disposition visant à couper les vivres aux groupes armés qui s’enrichissent grâce au commerce de métaux servant à fabriquer des produits de haute technologie. Cette mesure prévoit de tenter d’enrayer le commerce de quatre minerais utilisés notamment pour la fabrication de téléphone cellulaires.
Le projet de loi, appelé Wall street reform and consumer protection act également connu sous le nom de Financial reforma act, exige de la part des entreprises qui font des affaires au Congo Kinshasa et dans les pays voisins qu’elles déclarent aux autorités américaines où elles acquièrent l’oxyde, l’étain, le coltan, la wolframite et l’or. Le texte réclame également de la part de ces entreprises qu’elles conduisent des audits réguliers pour s’assurer qu’elles ne contribuent pas directement ou indirectement à un conflit armé. En outre, il appelle le département d’Etat à élaborer une nouvelle stratégie pour traiter la question du commerce illicite de minerais et les liens avec les groupes armés.
Ce qui complique la lutte contre ce genre de commerce, c’est le fait que, contrairement aux diamants, ces minerais ne peuvent être testés chimiquement pour déterminer leur provenance. L’Est de la RDC a connu une série de conflits depuis les années 1990. L’exploitation des ressources du pays par des factions armées a été dénoncée régulièrement par l’Onu et les ONG.
Ledit projet de loi exige aux compagnies minières notamment de publier leurs revenus et les paiements fiscaux qu’elles adressent à tous les gouvernements du monde, a le mérite de stipuler clairement que les compagnies dont les produits contiennent de la cassitérite, du coltan, de la wolframite et de l’or, seront tenues de faire savoir si ces minerais leur sont parvenus en provenance de la RDC ou d’un pays voisin à celui-ci ; auquel cas, les compagnies devront préciser les mesures qu’elles auront prises afin d’éviter que lesdits minerais proviennent de groupes armés qui endeuillent le pays.
L’arrestation de quatre officiers rwandais par Kigali est-elle due à la pression de la Communauté internationale ou en raison du scandale provoqué par le nombre de fois que des colis de cassitérite ont été interceptés à la frontière congolo-rwandaise ? Si c’est pour les soustraire momentanément des yeux de la Communauté internationale, question de faire passer le temps, il appartient à Kinshasa d’ouvrir l’œil pour bien suivre ce dossier.
En attendant d’en avoir le cœur net sur les bonnes intentions des autorités de Kigali d’appliquer la Loi Obama, laissez-nous l’occasion de douter d’abord de leur réelle volonté d’empêcher l’exploitation illégale des richesses minières d’un voisin avec lequel les relations sont tout, sauf de bon voisinage.
Kléber Kungu
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