jeudi 15 avril 2010

Jeannine Mabunda : « Nous refusons de faire le commerce des morts de Mbandaka »


Au cours de l’émission Question d’actualité sur la RTNC
Jeannine Mabunda : « Nous refusons de faire le commerce des morts de Mbandaka »
Les Enyele, insurrection ou rébellion ? Quelques personnalités originaires de la province de l’Equateur, notamment Jeannine Mabunda ministre du Portefeuille, Willy Bakonga, ex-ministre des Sports et Jeunesse, Wivine Moleka, députée et Olivier Engulu, tous cadres du PPRD, et Emile Bongeli, ex-vice-Premier ministre chargé de la Reconstruction, aussi cadre du PPRD, ont débattu, une heure durant, de cette question d’actualité sur le thème « La province de l’Equateur et la problématique Enyele » pour creuser en profondeur cette problématique qui a fait parler d’elle dramatiquement ces derniers temps. Enyele, est-ce une insurrection ou une rébellion en gestation alors que le problème est minimisé par le pouvoir ? Y a-t-il eu infiltration au sein de la population ? Y a-t-il des personnes identifiées derrière les Enyele ? Que penser du dialogue ou négociation préconisé avec les Enyele par la Monuc ? L’instabilité politique qui caractérise les institutions de l’Equateur n’a-t-elle pas favorisé la problématique Enyele ? Peut-on affirmer que la question des Enyele est définitivement réglée ? Des questions auxquelles ces personnalités ont répondu.
Willy Bakonga, comme un historien, fait l’entrée en matière en se livrant à une partie historique du conflit opposant deux tribus depuis une quarantaine d’années : les Lobala et les Boba. Les seconds, habitant Bomboma, vont s’installer au village Inyele des Lobala. Il va s’ensuivre que les Boba vont prendre les étangs piscicoles des Lobala. D’où la revendication de ceux-ci qui vont pourchasser les ‘’envahisseurs’’. Cependant, la cohabitation a toujours été pacifique entre les deux tribus.
Jeannine Mabunda estime que cette situation ne peut être qu’un prétexte de ceux qui pensent que pour accéder au pouvoir il faut recourir aux armes ou à d’autres voies que celles des urnes, alors que cette sorte d’accession au pouvoir n’a plus cours légal depuis 2006 avec les élections. La ministre du Portefeuille conclut que derrière tout cela, il y a une mise en scène de ceux qui veulent voir le pays reculer, freiner son rythme de développement et de reconstruction.

L’hôpital de Gemena dans un état très piteux
Est-ce que ce qui se passe à l’Equateur ne pourrait pas expliquer une sorte de revendication de la population de l’Equateur sur le fait que sa province n’est pas prise en compte dans le programme des 5 chantiers ? A cette question, Jeannine Mabunda répond que le pays se trouve dans une phase de stratégie de changement et de rupture avec le passé. Il faut reconnaître que l’Equateur est la plus province des provinces. Les secteurs comme l’éducation, la santé…ne trompent pas. Comme fille originaire de cette province, elle a été interpellée face à l’état piteux de l’hôpital de Gemena. Tout compte fait, « nous refusons de faire le commerce des morts de Mbandaka », a lancé Jeannine Mabunda, ajoutant que l’important est que la relance économique puisse continuer, répondant ainsi à la question de savoir si l’instabilité politique qui caractérise les institutions de l’Equateur n’a pas contribué à l’émergence de cette problématique.
Que dit la ministre sur l’idée éventuelle de la tenue d’une table ronde devant réunir les originaires de l’Equateur pour débattre des problèmes de la province ? Jeannine Mabunda refuse qu’on parle de sa province comme étant la seule ayant des problèmes. « Je ne veux pas qu’on présente l’Equateur comme une province en opposition avec le pouvoir. L’Equateur est une province joviale. Je regrette qu’on parle souvent des problèmes en RDC sous l’angle politique. Quand il y a un problème, chacun doit se parler. Nous voulons nous parler hors caméra. Sous le silence assourdissant des politiciens, nous avons entendu les réactions des associations apolitiques qui ont condamné l’attaque, la guerre et se sont prononcés pour le développement, la reconstruction. Les politiciens doivent écouter les revendications des populations du genre :’’ j’ai voté pour vous, mais qu’est-ce que vous faites pour moi ?’’ S’est-elle exprimée.
Quant au problème de l’organisation d’une table ronde des ressortissants de l’Equateur, Jeannine adhère à l’idée, à condition qu’autour d’elle on ne débat que des problèmes de développement et non sur la politique. Et pour mieux interpeller les autres politiciens originaires de l’Equateur, Jeannine Mabunda évoque les cris de cœur de la population lors de son dernier séjour à Mbandaka avec le Président Joseph Kabila. ’’Makambo ewuti koleka awa, tomoni ata député moko te. Boyebi biso kaka na ba élections ?’’[Des événements viennent de se produire ici, mais nous n’avons vu aucun député (pour prendre position). Vous ne nous reconnaissez que pour des élections (pour vous élire), NDLR?] Se sont interrogés les habitants de Mbandaka, s’adressant aux députés originaires de l’Equateur qui étaient restés presque sans réaction face aux événements de Mbandaka. Une question chargée d’une forte interpellation !
Sur cette question, M. Bongeli estime que cette crise est « une occasion pour les originaires de l’Equateur de se mettre ensemble. Le moment est fédérateur. Nous attendons que tous les leaders de l’Equateur se mettent ensemble pour dénoncer cette situation ».
Est-ce que la question des Enyele est définitivement réglée ? La réponse de Jeannine Mabunda est aussi sage que prudente. La réponse, selon elle, devait venir des spécialistes, comme le chef d’état-major des FARDC. Elle a déclaré toutefois qu’elle fait confiance à l’armée en restructuration. Cependant, pour elle, l’essentiel reste les réponses que l’on donne aux revendications des populations

Des personnes manipulatrices derrière les Enyele
Comment expliquer qu’après que le gouverneur de l’Equateur eut déclaré que les Enyele étaient maîtrisés, la ville de Mbandaka ait été attaquée quelques jours plus tard ? Emile Bongeli répond à cette question en affirmant qu’il y a l’implication des personnalités manipulatrices pour arriver à assoupir leurs visées politiques. Ce qui implique, selon lui, qu’il y a des militaires bien formés qui ont eu à former les enfants [ au maniement des armes de guerre]. La population, a-t-il prévenu, doit faire attention à ce genre de manipulation des individus qui utilisent la corde tribale. Toutefois, personne n’est arrivé à identifier avec précision ces personnes qui manipulent la population dans l’ombre, se limitant, par exemple à déclarer qu’il y a des commanditaires ou des personnes manipulatrices.
En citant quelques personnalités civiles et militaires qui sont ou étaient dans les institutions de la République, notamment Jeannine Mabunda, José Endundo, Willy Bakonga…, Emile Bongeli a voulu balayé tout prétexte que les Enyele et leurs commanditaires pourraient utiliser comme quoi les originaires de l’Equateur ne sont pas bien représentés dans les institutions.
Tout en reconnaissant les menaces que représentent les Enyele, les invités de l’émission Question d’actualité ont dit non à la guerre, à l’accession au pouvoir par les armes. Que ceux qui veulent y accéder, attendent les élections pour y parvenir par des voies légales – les élections. Quant à Olivier Engulu, il y a lieu de respecter les principes de la démocratie.

Négocier, oui, mais non par pour récompenser des assassins
Faudra-t-il négocier avec les Enyele, comme l’a suggéré la Monuc ? Tout en reconnaissant qu’on peut savoir quand commence une guerre, mais qu’on ignore quand elle peut terminer, Emile Bongeli est favorable pour les négociations qui sont, du reste, humaines, étant donné que l’on négocie tous les jours, mais il est opposé à toute négociation pour récompenser ceux qui ont causé mort d’hommes.
Comme quoi, l’époque du partage des postes politiques est révolue et que les élections restent, pour le moment, la seule voie pour accéder à un quelconque poste politique. Faudra-t-il insinuer que les membres du CNDP sont les derniers à avoir bénéficié des récompenses pour avoir pris des armes contre les Congolais ?
Si la volonté exprimée par les 4 ressortissants de l’Equateur de ne plus recourir aux armes pour accéder au pouvoir, de ne chercher que la paix, de ne penser que développement, reconstruction, relaie celle de toutes les filles et tous les fils de l’Equateur, il y a lieu de croire que la problématique Enyele est désormais au passé et que tous les Equatoriens, comme un seul homme, vont désormais se mettre à reconstruire leur province, parmi les plus pauvres de ce pays. Quel triste record pour une province qui ne manque pas de cadres !
Kléber Kungu

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