lundi 11 mai 2009

Mende, c’est aux autorités elles-mêmes de prendre position

Interdiction de chanter les autorités politiques
Mende, c’est aux autorités elles-mêmes de prendre position
C’est avec beaucoup d’attention que j’ai suivi, comme d’autres compatriotes, la décision prise par le ministre de la Communication et des Médias, Lambert Mende, par une circulaire n°003/MIN.COMM.& MED/2009 du 25 avril, interdisant aux directeurs généraux des stations de radiodiffusion et de télévision de la RDC de diffuser des chansons et spectacles à caractère commercial citant abusivement les noms des autorités publiques. Je salue avec enthousiasme cette décision, quoique tardive, le phénomène ayant déjà fait des ravages importants en s’ancrant profondément dans les habitudes des Congolais.
Auparavant étaient les dédicaces, que leurs auteurs – les musiciens-ont vite fait d’appeler «mabanga» adressées aux personnalités non officielles. Et la personnalité civile la plus dédicacée reste incontestablement à ce jour l’homme d’affaires congolais Didi Kinuani. Pour ajouter l’inutile au désagréable, les faiseurs de chansons congolais lui ont collé plusieurs pseudonymes, plus flatteurs les uns que les autres, c’est-à-dire des sobriquets qui n’ont rien à voir avec la réalité sur le personnage truandé, sinon pour lui escroquer proprement le contenu de sa bourse dont on dit être infiniment garni. « Le sauveur de l’humanité » reste le plus célèbre de ces pseudonymes. Aujourd’hui, le phénomène s’est bien enraciné au point où tous les faiseurs de chansons en RDC ne jurent que par le nom de Didi Kinuani pour espérer bénéficier de son salut financier.
Par effet d’entraînement et de contagion, le phénomène mabanga a traversé le monde musical pour envahir celui du théâtre. Et l’appétit venant en mangeant, les musiciens congolais, très féconds dans les recherches les plus lucratives, sont allés explorer un autre champ plus lucratif : celui des politiciens.
Timidement au début – question de tâter le « champ » – les musiciens « dédicaceurs » se sont mis à fond plus tard, après s’être rendus à l’évidence que les dédicacés avaient mordus à l’hameçon. Depuis, les « mabanga » se sont mis à « frapper » tout homme politique, du député provincial au national, du gouverneur de la ville de Kinshasa surnommé « Le Haut sommet » au président de la République surnommé « Le Raïs » en passant le député national, les ministres provincial et national. Y compris les ADG et autres PDG des entreprises publiques. Les « jeteurs de mabanga » n’ont pas craint de « caillasser » même les hommes en uniforme, des moins gradés aux plus gradés. Aussi a-t-on entendu chanter les Raïs Joseph Kabila, Olive Lembe, André Kimbuta, Godard Motemona, Patcho Panda, Francis Kalombo, Vital Kamerhe, Boshab, Bongeli, Olivier Kamitatu, Antoine Ghonda, Mbusa Nyamuisi, Adam Bombole, She Okitundu, Denis Kalume, Henri Mova Sakani, Colette Tshomba, Mashako Mamba, Adolphe Muzito, colonel Kasongo, colonel Raus, Kudura Kasongo…
Le phénomène commençait à prendre une telle ampleur que certains faiseurs de chansons se sont permis de dédicacer des chansons entières …au couple présidentiel. Et comme si le champ national devenait très aride, certains ont traversé les frontières nationales. Ainsi le Bissau-guinéen Theodoro Obiang Nguema, le Gabonais Omar Bongo, le Congolais Denis Sassou Nguesso ont vu (entendu) leurs noms cités dans des chansons.
Le phénomène est vieux de plusieurs années et personne parmi les dédicacés du monde politique n’a levé un seul instant le doigt pour fustiger cet état de choses. Ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat ni au Conseil de ministres. Alors que l’opinion nationale, offusquée, ne cessait de fustiger le mutisme des concernés face à ce phénomène dégradant pour la classe politique congolaise.
Dans quel autre pays du monde, même en Afrique, voit-on des autorités politiques chanter ou leurs noms citer par des musiciens ? Pourquoi la RDC cherche-t-elle à devenir un pays atypique, ainsi que ces dirigeants ? Pourquoi doit-on marcher à contre-courant des autres nations ?
Pour l’opinion nationale, le mutisme des dédicacés est justifié par le fait que ceux-ci n’ont jamais oublié de rendre l’ascenseur aux « dédicaceurs » en fermant les yeux et les oreilles sur les obscénités que ceux-ci ne cessent de déverser sur le marché du disque. Si vous me demandez pourquoi les autorités publiques congolaises acceptent-elles d’être chantées ou citées dans les chansons, du reste, farcies d’obscénités, je n’hésiterai pas de vous réponde ceci : qui refuse les honneurs et la gloire ? Je connais un animateur de la télé qui, à force d’être cité dans les chansons des musiciens et d’animer des « choses » musicales, est devenu si important – à ses yeux- et si arrogant qu’il se met à chercher noise ou à se battre avec n’importe qui. Oh ! la gloriole, quand tu nous tiens !
Questions : quelle mouche a piqué les hommes politiques pour qu’aujourd’hui, par la voix de Lambert Mende, une décision tombe, interdisant les musiciens de citer les noms des autorités congolaises dans leurs chansons ? Peut-on croire que Mende a exprimé le vœu de toutes les autorités congolaises ?
Que cette décision soit la propre initiative de Lambert Mende ou d’une institution entière, je crains qu’elle n’ait aucun impact. Je m’appuie sur d’autres décisions antérieures prises par les mêmes autorités qui sont malheureusement restées lettre morte. Et tant qu’une telle décision ne reflète pas un engagement collectif des autorités politiques, il y a fort à parier que le phénomène a encore de longs jours devant lui. Pour le bonheur des profiteurs des dédicaces. Pour le discrédit et déshonneur des autorités politiques congolaises et de la population congolaise entière.
Kléber Kungu

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